Nouveau président investi
Le Sénégal est un test pour l'Afrique et pour l'Europe

L'investiture du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, ce mardi 2 avril à Dakar, est un événement qui nous concerne tous. Si l'espoir qu'il représente pour la jeunesse de son pays est déçu, nous en paierons tous le prix
Publié: 03.04.2024 à 09:56 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le nouveau président du Sénégal a 44 ans. Musulman pieux, il est bigame, et il avait convié ses deux épouses à sa cérémonie d’investiture, ce mardi 2 avril à Dakar. Rien que ces mots suffisent à démontrer pourquoi l’élection de Bassirou Diomaye Faye, et la réussite ou non de son mandat, est aussi notre affaire. Voici un chef de l’État africain élu démocratiquement, moins d’un mois après être sorti de prison, et soutenu à la fois par la jeunesse de son pays et par ses pairs de la région du Sahel, pour la plupart arrivés au pouvoir à l’issue de putschs militaires. Voici aussi un président africain qui, d’emblée, place le mot «souveraineté» au cœur de son premier discours. Ignorer ce que cela veut dire serait une grave erreur.

Bassirou Diomaye Faye est un avertissement que les Européens, notamment, doivent œuvrer à transformer en réussite pour son pays et pour un nouveau partenariat avec l’Afrique. Ce juriste, ancien inspecteur des impôts, porté à la présidence par l’ex-chef de l’opposition Ousmane Sonko empêché lui de se présenter, représente un espoir qu’il nous faut apprendre à conjuguer, et qu’il serait très hasardeux de briser. Certes, ses liens passés avec les milieux fondamentalistes musulmans posent de réelles questions.

Certes, son choix d’avoir deux épouses peut choquer en Occident, et être perçu par les femmes européennes comme un scandaleux outrage. Certes, son discours anticorruption radical va maintenant exiger bien plus que des mots. Mais regardons les enjeux en face: l’échec de cette alternance sénégalaise, dans un pays dont la diaspora est présente dans de nombreux pays européens (dont la Suisse) et en Amérique du Nord, serait une bombe politique. Dakar reste un point d’appui pour l’Union européenne, pour la France, et pour les États-Unis. Voir d’autres puissances s’y installer comme ailleurs au Sahel serait très problématique.

Bassirou Diomaye Faye pose avec ses épouses après avoir prêté serment devant le Conseil constitutionnel lors de la cérémonie de prestation de serment du nouveau président du Sénégal le 02 avril 2024, près de Dakar, Sénégal.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Ouverture et coopération

Le discours à tenir aux nouvelles autorités sénégalaises doit donc être celui de l’ouverture et de la coopération. Si cela signifie que certains intérêts privés européens doivent être mis de côté, alors ayons le courage de poser la question et de ne pas s’enferrer dans le refus. La Turquie est très présente au Sénégal. La Chine lorgne sur ce pays dont les gisements de gaz sont très prometteurs. Et alors? Le moment est propice pour dire à ce nouveau président francophone que l’Europe est un partenaire loyal, et qu’elle sera à ses côtés s’il prend sa part, notamment, , à une meilleure gestion des flux migratoires.

Un rôle pour la Suisse

L’heure doit être au réalisme. La Suisse, qui n’est pas une ancienne puissance coloniale, peut contribuer à établir des ponts. L’intérêt du Sénégal, pays d’agriculteurs et de commerçants dont le modèle institutionnel s’inspire de la France, est que sa jeunesse qui a porté ce nouveau président au pouvoir voit une opportunité dans ce changement. Faute de quoi la radicalité l’emportera, alimentée par les frustrations et les colères. Lesquelles seront pour nous, de ce coté ci de la Méditerranée, de dangereuses bombes à retardement.

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