Secte au Kenya
Deux pasteurs kényans devant la justice

Deux pasteurs kényans, Paul Nthenge Mackenzie et Ezekiel Odero, comparaissent devant des tribunaux mardi. Ils sont accusés d'avoir poussé des centaines de personnes à la mort au nom de leur culte.
Publié: 02.05.2023 à 15:07 heures

Deux pasteurs kényans comparaissent mardi devant des tribunaux. Ils étaient soupçonnés d'être impliqués dans la mort d'au moins 109 personnes dans une forêt du sud-est du Kenya, où se réunissait une secte. La justice a annoncé poursuivre l'un d'eux pour «terrorisme». Il s'agit du pasteur autoproclamé de l'Église Internationale de Bonne Nouvelle, Paul Nthenge Mackenzie. Il a été présenté mardi matin devant les juges à un tribunal de la ville de Malindi, avec huit autres accusés.

Cet ancien chauffeur de taxi est accusé d'avoir poussé les adeptes de son Église Internationale de Bonne Nouvelle à mourir de faim «pour rencontrer Jésus» dans la forêt de Shakahola. Cette affaire a suscité effroi et incompréhension dans ce pays religieux d'Afrique de l'Est. À l'issue de l'audience, il a été transféré à Mombasa, à une centaine de kilomètres de là. La deuxième ville du pays abrite «un tribunal habilité à traiter les affaires relevant de la loi de prévention du terrorisme», a déclaré la procureure Vivian Kambaga.

Là-bas devait comparaître mardi un autre pasteur, le plus célèbre du pays, Ezekiel Odero. La cour doit statuer sur une demande des procureurs de le maintenir en détention pour 30 jours, le temps de mener des investigations sur sa possible implication dans ce qui est désormais appelé le «massacre de la forêt de Shakahola». Selon le parquet, «il existe des informations crédibles reliant les corps exhumés (...) à Shakahola» à «plusieurs adeptes innocents et vulnérables (de l'église d'Odero) qui auraient trouvé la mort».

Le pasteur Paul Mackenzie comparaissait mardi devant la justice à Malindi, au Kenya.
Photo: Keystone/AP

Une détention infondée

Ses avocats dénoncent de leur côté une détention infondée. «Aucune preuve n'a été apportée. (...) Jusqu'à présent, il n'y a aucune plainte» contre Ezekiel Odero dans cette affaire, a déclaré à la presse un des avocats, Cliff Ombeta, devant le tribunal où étaient réunis quelques dizaines de fidèles, priant et chantant.

L'arrestation d'Ezekiel Odero a par ailleurs dessiné une nouvelle piste dans cette affaire: les victimes pourraient ne pas toutes être des membres de l'Église Internationale de Bonne Nouvelle. Ce télévangéliste, qui dirige son église appelée Centre de prière et Église de la Vie Nouvelle, est notamment visé par des enquêtes pour «meurtre», «aide au suicide», «enlèvement», «radicalisation, «crimes contre l'humanité», «cruauté envers des enfants» et «fraude et blanchiment d'argent».

Les enquêteurs souhaitent aussi vérifier des renseignements selon lesquels «après la mort des fidèles innocents et vulnérables (d'Odero), leurs corps ont été conservés dans une morgue privée (...) avant d'être transportés et enterrés dans la forêt de Shakahola».

Nouvelles tentatives d'encadrement des cultes

Fin avril, après la découverte des premières dizaines de cadavres dans cette affaire, le président kényan William Ruto avait promis des mesures contre ceux qui «utilisent la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable», en les comparant à des «terroristes».

La découverte de plus d'une centaine de corps, dont une majorité d'enfants, dans la forêt de Shakahola secoue le Kenya depuis plusieurs semaines. Ce bilan est encore provisoire, les opérations de recherche de fosses communes n'étant pas terminées dans cette région du pays où les fidèles du pasteur Mackenzie suivaient ses préceptes de jeûner jusqu'à la mort en attendant la venue de Jésus. Les premières autopsies menées lundi sur dix des 109 victimes ont révélé des décès causés par la faim. Les médecins ont enquêté sur les dépouilles de neuf enfants âgés de un à dix ans. Deux d'entre eux présentaient des signes de mort par asphyxie.

Ce scandale a ravivé le débat sur l'encadrement des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte 4'000 «églises», selon des chiffres officiels. Les précédentes tentatives de réglementation se sont heurtées à une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte. Un «groupe de travail présidentiel» sur ce sujet doit être lancé cette semaine, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki.

(ATS)

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