Le Secrétariat d’État est formel: la Suisse connaît actuellement «la plus grande crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale». En un an, les demandes d’asile ont largement augmenté dans le pays, et les réfugiés font de plus en plus partie du quotidien et paysage suisses.
Voici les principaux enjeux de la situation.
Quelles sont les personnes qui cherchent refuge en Suisse?
Le plus grand nombre de réfugiés vient d’Ukraine. Ainsi, plus de 75’000 Ukrainiens sont entrés en Suisse en 2022. Comme ils obtiennent automatiquement le statut de protection S, ils ne font pas partie des demandeurs d’asile habituels. En 2022, 24’511 demandes d’asile ont été déposées en Suisse, soit 9600 demandes ou 64% de plus que l’année précédente. Plus d’un quart des demandeurs d’asile viennent d’Afghanistan, suivis par les personnes en quête de protection de Turquie (4791 demandes), d’Érythrée (1830), d’Algérie (1362) ainsi que de Syrie (1252).
Pourquoi le nombre de demandeurs d’asile augmente-t-il?
Outre la guerre en Ukraine, d’autres facteurs et situations peuvent expliquer cette nouvelle vague de réfugiés. Depuis le printemps 2022, les restrictions de voyage liées à la Corée ont été levées. Certains pays de la route des Balkans ont assoupli les conditions d’octroi de visas. La pandémie de Covid-19 a affaibli économiquement de nombreux pays d’origine des demandeurs d’asile. À cela s’ajoute l’explosion des prix des denrées alimentaires en raison du conflit en Ukraine.
Ce ne sont pas seulement les ressortissants des pays en crise qui fuient, mais aussi les personnes d’autres pays qui y séjournaient. L’année dernière, la Turquie a demandé aux 3,5 millions de réfugiés syriens et aux 200’000 à 300’000 réfugiés afghans estimés sur leur territoire de rentrer chez eux. Cette pression a entraîné une nette augmentation de la migration vers l’Europe au cours de l’été 2022.
Pourquoi y a-t-il moins de personnes en provenance d’Érythrée qui viennent en Suisse?
Pendant dix ans, les réfugiés érythréens ont été en tête des statistiques des demandeurs d’asile en Suisse. Depuis 2021, leurs demandes d’asile sont en baisse. Si 6900 Erythréens demandaient encore l’asile en 2014, ils n’étaient plus que 1830 en 2022, principalement en raison de l’accord de paix signé entre le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le chef d’Etat érythréen Issaias Afwerki en 2018 entre les deux États. La raison principale de la fuite de ces hommes, jeunes pour la plupart? Le service militaire obligatoire, qui pouvait l'être à vie.
Quelle est la situation dans les pays voisins?
En Allemagne, l’augmentation des demandes d’asile est aussi importante qu’en Suisse. Un million d’Ukrainiens ont trouvé protection dans la République fédérale en 2022. La même année, un total de 244’132 demandes d’asile a été déposé. La plupart des requérants venaient de Syrie, d’Afghanistan, de Turquie et d’Irak. Si l’on compare le nombre de demandes d’asile en janvier 2023 à la même période de l’année précédente, on constate qu’il a doublé. En Autriche, il a même triplé en 2022 avec 109’000 requêtes.
La vague de réfugiés vers la Suisse est-elle plus importante aujourd’hui qu’à l’époque de la guerre des Balkans dans les années 1990?
En raison du nombre élevé de réfugiés de guerre en provenance d’Ukraine, oui, le record de 1999 a été dépassé. À l’époque, 47’513 personnes avaient cherché protection en Suisse, dont 29’495 en provenance de l’ex-Yougoslavie. La grande majorité d’entre elles, environ 90%, venaient de l’actuel Kosovo, tandis que les autres étaient originaires de Serbie et du Monténégro. Entre 1998 et 1999, 53’000 réfugiés de la guerre du Kosovo ont trouvé refuge en Suisse. Avec 100’000 personnes en quête de protection en 2022, le nombre a donc presque doublé par rapport à cette vague des années 1990.
Quand la limite de capacité des hébergements pour réfugiés en Suisse sera-t-elle atteinte?
Il n’est pas encore possible de le déterminer, explique le porte-parole du SEM Reto Kormann. Cela dépend parfois de l’évolution de différents paramètres. Si la Suisse ne devait plus disposer d’un nombre suffisant d’autres hébergements adaptés, des campements resteraient quasiment la solution de dernier recours. Fin octobre 2022, le Secrétariat d’État aux migrations annonçait déjà une pénurie de lits dans les centres fédéraux d’asile.
Pourquoi les familles en fuite sont-elles séparées et hébergées dans des lieux différents?
En principe, les familles ne devraient pas être séparées. «Elles sont toujours hébergées dans le même logement et si possible dans une chambre familiale», assure Reto Kormann. Mais en cas de forte occupation, il n’est pas toujours possible d’attribuer à tous les ménages une cellule familiale individuelle. «Dans de tels cas, les hommes sont logés avec d’autres hommes, les femmes et les enfants avec d’autres femmes et enfants», précise le porte-parole du SEM.
Pour quelle raison les demandeurs d’asile ne pourraient-ils pas travailler pendant leur procédure d’asile?
Les demandeurs d’asile en Suisse suivent une procédure prédéfinie. Au cours de celle-ci, les personnes en quête de protection sont interrogées à plusieurs reprises. «Au cours de leur procédure d’asile, les personnes doivent se rendre à de nombreux rendez-vous. Elles sont tenues de coopérer», rappelle Reto Kormann. Ce qui est difficilement compatible avec les horaires réguliers requis pour un emploi.