2023, une année rouge
La BNS a perdu 3 milliards de francs l'an passé. Voici les conséquences de cette chute sur l'emploi et le pouvoir d'achat

La Banque nationale suisse a enregistré une perte de 3 milliards de francs en 2023. Qu'est-ce que cela signifie pour l'économie suisse? Quand la BNS va-t-elle à nouveau renouer avec des résultats positifs? Blick fait le point.
Publié: 10.01.2024 à 09:11 heures
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Dernière mise à jour: 11.01.2024 à 10:22 heures
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Martin Schmidt

Pour la deuxième année consécutive, la Banque nationale suisse (BNS) boucle ses comptes sur une perte de plusieurs milliards. Certes. Mais si le déficit pour l'année 2023 s'élève en effet à 3 milliards de francs, il s'agit d'une nette amélioration par rapport à 2022, qui s'était soldée par une perte historique de 132,5 milliards de francs.

Ce nouveau déficit n'est pas sans conséquences. Mais que va-t-il se passer concrètement? Le président de la BNS Thomas Jordan pourra-t-il à nouveau encaisser un bénéfice en 2024? Blick fait le point.

Comment s'explique la perte de 3 milliards de francs de la BNS?

Il y a une raison principale à cela: la BNS enregistre une perte de 8,5 milliards de francs sur ses placements en francs. Elle verse en effet aux banques privées des milliards d'intérêts sur leurs avoirs et, de ce fait, retire des liquidités du marché, ce qui, mécaniquement, lui permet d'imposer un taux directeur. Mais le franc a aussi profité d'une position forte sur les marchés étrangers et la BNS a pu réaliser un bénéfice d'environ 4 milliards en 2023, contrairement à 2022.

En 2023, la Banque nationale suisse (BNS) boucle ses comptes sur une perte de plusieurs milliards. Pour la deuxième année consécutive.
Photo: Keystone
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Que signifie cette perte record pour la Confédération et les cantons?

A priori, il n'y aura pas conséquence grave. En cas de bons résultats, la BNS distribuera jusqu'à six milliards de francs, dont un tiers à la Confédération et deux tiers aux cantons. Mais ces milliards font à nouveau défaut, ce qui était prévisible depuis plusieurs mois. Il aurait en effet fallu un bénéfice nettement supérieur à 50 milliards au quatrième trimestre. Et pas une perte de près de 5 milliards, ce à quoi de nombreux cantons s'attendaient. L'absence de redistribution a néanmoins eu des conséquences à Berne, où la baisse d'impôts prévue a été reportée à 2025.

Que prédisent les experts financiers?

L'absence de redistribution des bénéfices arrive au mauvais moment pour de nombreux autres cantons. Selon le directeur des finances zurichois, l'UDC Ernst Stocker, la situation financière s'est détériorée dans le canton. D'autres ont dû récemment mettre en place des mesures de consolidation budgétaire, comme dans le Jura, ou vont les mettre en place, comme Glaris, Soleure et Uri.

À terme, tous les cantons seront touchés par ces restrictions: «Si la BNS ne redistribue pas ses bénéfices à moyen terme, le canton de Berne risque de s'endetter. Par conséquent, sans redistribution de bénéfices, la pression sur la politique financière reste élevée», explique Astrid Bärtschi, responsable des finances du canton de Berne.

Les cantons peuvent-ils encore espérer un geste de la BNS en 2024?

Matthias Geissbühler, de la Raiffeisen, ne s'attend pas à ce que la BNS engrange à nouveau des milliards de bénéfices cette année: «Je m'attends au mieux à un résultat équilibré ou légèrement positif. Mais nos prévisions sont assez pessimistes en ce qui concerne les actions et les obligations.» Les réserves nécessaires à une bonne redistribution des bénéfices, désormais dans le rouge, doivent donc être urgemment reconstituées.

Renflouer les caisses des cantons et de la Confédération passe donc d'abord par des bénéfices élevés de la BNS. Et maintenir un franc fort reste l'un des défis majeurs la Banque nationale en 2024. Si le canton de Zurich compte encore sur une distribution de bénéfices de 119,3 millions de francs dans son budget 2024, les cantons de Berne et de Lucerne, eux, y ont renoncé cette année.

Les choses vont-elles s'améliorer en 2025?

Berne ou Zurich prévoient toujours un geste de la BNS d'ici 2025 à 2027. En vain? «Les pertes de la BNS a encore augmenté de 2022 à 2023. La probabilité d'une non-redistribution de bénéfices, notamment pour 2025, a donc augmenté», prévient Astrid Bärtschi. Le Conseil d'État devra réévaluer les recettes prévues lors de l'élaboration du budget 2025 et du plan financier pour la période 2026-2028. Le canton de Lucerne a, en revanche, décidé de planifier son budget jusqu'en 2027 sans les fonds de la BNS.

Que signifie cette perte pour les employeurs?

Les cantons et la Confédération sont contraints de se serrer la ceinture en raison de l'absence de redistributions. Cela impacte encore plus la Suisse alors qu'une période de faible croissance est prévue pour l'économie. Les cantons et la Confédération auraient pourtant bien besoin d'investir dans des projets dit «anticycliques» . Durant de telles périodes, l'économie a davantage besoin de ce genre de projets et de la stimulation des investissements publics dans ses phases de faiblesse. Les employeurs bénéficieraient de commandes lucratives. Enfin, une faible croissance économique a également des conséquences pour la population. En effet, les employeurs se montrent plus radins lors des négociations salariales.

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