Abandonnés par la Confédération
Les médecins généralistes ne peuvent presque plus vacciner

Ils étaient censés jouer un rôle central dans la lutte contre la pandémie, mais voilà que les médecins généralistes sont laissés sur le carreau. Voici comment les obstacles bureaucratiques et les conflits sur les coûts ralentissent la campagne de vaccination.
Publié: 08.08.2021 à 15:26 heures
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Dernière mise à jour: 08.08.2021 à 19:53 heures
Sven Zaugg, Daniella Gorbunova (adaptation)

Pour connaître les risques et les effets secondaires, lisez la notice d'emballage et demandez à votre spécialiste: ce dicton de la publicité pharmaceutique n'a jamais été autant d'actualité.

Les réserves vis-à-vis de la vaccination contre le Covid sont grandes. Avec un taux de vaccination inférieur à 50 %, la Suisse occupe la dernière place du classement en Europe occidentale. Beaucoup rechignent encore à tendre le bras parce qu'ils se sentent mal informés, ou craignent les effets secondaires et les conséquences à long terme de l'élixir.

En théorie, c'est là qu'interviennent les médecins de famille. Il connaissent l'effet du vaccin sur l'organisme, et sont en mesure de l'expliquer. Ils connaissent les subtilités de la pandémie tout comme les dossiers de leurs patients - et font souvent office de confidents pour ces derniers.

Ils étaient censés jouer un rôle central dans la lutte contre la pandémie. Mais voilà que les médecins généralistes voient vert. Des centaines de cabinets ont arrêté de vacciner.
Photo: imago images/Wilhelm Mierendorf

Les centres de vaccination restent privilégiés

Pour Felix Huber, président du réseau de médecins Medix, le cabinet médical est «l'endroit optimal» pour sensibiliser les procrastinateurs: «Lors de la consultation du médecin généraliste, ce dernier demande à chaque patient s'il a été vacciné contre le Covid. Presque toujours, les sceptiques arrivent ensuite, au cours d'une conversation personnelle empreinte de confiance, à la conclusion que les avantages de la vaccination dépassent largement ses risques.»

Huber, lui-même médecin de famille, préconise que «si possible, les vaccins soient administrés directement lors des consultations». Or, au niveau logistique, l'offre est mince: dans les cantons de Soleure, Saint-Gall et Berne, par exemple, seuls certains cabinets ont reçu le vaccin, et ce depuis le début de la pandémie. A Genève, les centres de vaccination ont le monopole sur la piqûre. Mais ces dispositifs sont désormais réduits à l'échelle nationale, en raison de la baisse de la demande.

À cela s'ajoutent le conflit sur les coûts et les chaînes d'approvisionnement... Ces complications techniques ont coupé l'appétit des généralistes pour la piqûre. A titre d'exemple, le Département de la santé du canton de Zurich ne fournit désormais plus que les cabinets qui commandent au moins 400 doses de vaccin par mois. Huber s'indigne: «Nous ne pourrons jamais, jamais écouler tout cela.»

Les fournisseurs ne proposent pas de doses unitaires

Des centaines de cabinets médicaux du canton de Zurich ont donc suspendu la vaccination. La demande de Huber: «Nous avons besoin de doses de vaccins unitaires dès que possible, afin de pouvoir vacciner immédiatement nos patients en cabinet.»

Le canton de Zurich fait preuve de compréhension à l'égard des médecins, mais souligne que les fournisseurs ne proposent pas de doses à l'unité. Par conséquent, il n'est pas possible de desservir les petits cabinets avec un nombre de doses adéquat à leur échelle.

La Confédération s'en tient aux points de livraison initiaux

En principe, il serait possible de livrer individuellement des flacons contenant dix doses de vaccin avec des entreprises de logistique privées, par exemple via Galenica ou la pharmacie Zur Rose. C'est une pratique courante pour tous les autres médicaments. Le canton de Zurich s'en réjouirait également, «si la livraison des doses individuelles était rapidement possible par les voies usuelles».

Mais la Confédération est catégorique, faisant référence à la loi sur les épidémies: les livraisons doivent être assurées par l'armée et les pharmacies cantonales. Les études de marché ont montré que «le potentiel civil n'existe pas». Le corps médical n'est pas d'accord.

Un conflit tarifaire entrave la vaccination

En outre, un vilain conflit tarifaire fait rage en arrière-plan. Le forfait de 24,50 francs par dose administrée, que les médecins généralistes reçoivent actuellement pour la vaccination, est trop faible pour eux. Au mieux, selon eux, il couvre les coûts fixes - mais pas le temps de travail et la consultation.

Le forfait des médecins est le résultat d'un accord entre la Conférence des directeurs de la santé (CDS) et les compagnies d'assurance - avec la bénédiction de l'OFSP. Mais à partir d'octobre, les médecins recevront encore moins: 16,50 francs par injection.

Les médecins de famille jouent un rôle central

Même le secrétaire général de la CDS, Michael Jordi, parle d'une «mauvaise évolution de la situation». «Les médecins généralistes jouent un rôle central dans la campagne de vaccination, et en même temps, les compagnies d'assurance ne cessent de faire baisser les taux de rémunération.»

Une fois encore, ce sont les obstacles bureaucratiques et le conflit sur les coûts qui ralentissent la campagne de vaccination. L'accent mis sur le rôle central dans la lutte contre la pandémie, qui est également attribué aux médecins de famille par le conseiller fédéral Alain Berset, devient ainsi une simple déclaration de pure forme.

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