Accusé de mélanger ses vins
Fraude à l'AOC Valais: cinq ans ferme requis contre l'encaveur

Un encaveur valaisan risque 5 ans de privation de liberté pour fraude à l'AOC Valais. Le ministère public a en effet requis une telle peine pour ce qu'il considère comme «un édifice de mensonges». Le verdict se fait encore attendre.
Publié: 27.08.2024 à 11:50 heures
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ATS Agence télégraphique suisse

Le ministère public a requis lundi 5 ans de privation de liberté contre un encaveur valaisan accusé de fraude à l'AOC Valais devant le Tribunal de Sion. La défense a plaidé l'acquittement partiel. Le verdict sera rendu ultérieurement.

Le prévenu «a eu recours à un édifice de mensonges et mis en place tout un système frauduleux, opaque et sophistiqué» entre 2009 et 2016, affirme devant la Cour la procureure générale adjointe du canton du Valais Catherine Seppey. Ce faisant, «il a trompé les vignerons, les acquéreurs, les contrôleurs et les consommateurs», détaille-t-elle dans son réquisitoire.

Selon l'enquête menée par le Parquet, l'encaveur aurait ainsi acquis plus de 730'000 litres de vins espagnols et quelque 130'000 litres de vins schaffhousois en provenance de deux sociétés alémaniques. Des achats qu'il a masqués en intégrant dans sa comptabilité des fausses factures couvrant des prestations en cave, de mise en bouteilles ou de conseil.

Le ministère public a requis lundi 5 ans de privation de liberté contre un encaveur valaisan accusé de fraude à l'AOC Valais devant le Tribunal de Sion.
Photo: keystone-sda.ch

De l'autre côté, explique le Ministère public, «pour assurer l'adéquation des stocks et pouvoir écouler ces vins», l'homme a produit 52 fausses factures ou écritures, au nom de caves valaisannes, qui lui auraient livré des vins AOC Valais. Ces livraisons n'ont jamais eu lieu, mais ont permis à l'encaveur de rendre valaisan un vin qui ne l'était pas.

Créance compensatrice

Les actes de l'accusé relèvent de l'escroquerie par métier, de faux dans les titres ou encore de falsification de marchandises, estime le Ministère public qui a requis 5 ans de prison, «seule peine qui pourrait le convaincre de la gravité de ses actions».

La procureure générale adjointe a, au passage, brossé le portrait d'un homme «sûr de lui, un peu donneur de leçons» qui veut expliquer, mais qui finalement décide de ne pas faire de commentaires. «Le prévenu laisse peu de place à la spontanéité. Peut-être parce qu'il a quelque chose à cacher», a-t-elle conclu.

Outre la prison, le Parquet demande que tous les véhicules séquestrés durant l'enquête – notamment deux Aston Martin, deux Porsche et deux Ferrari – soient confisqués et dévolus à l'Etat du Valais. Le prévenu devrait aussi être astreint à une créance compensatrice équivalant au produit du gain, soit près de 12 millions de francs.

L'avocat de la partie plaignante Adam Kasmi a rejoint les conclusions du Parquet. Celui qui représente l'Etat du Valais, qui s'était constitué partie civile en janvier 2017, estime que les agissements de l'encaveur «ont porté un coup très rude à la notoriété du label, mettant en danger toute la filière», par pur esprit de gain.

«Aucune analyse ne prouve un coupage»

La défense de son côté a une tout autre lecture. Le prévenu a admis avoir établi de fausses factures et reconnu avoir vendu du vin valaisan hors quota sous le label AOC. «Toutes les fausses factures en comptabilité de caves permettaient de justifier l'achat de surplus de production (...). Le paiement de ce surplus permet aux viticulteurs de compenser les pertes liées aux aléas climatiques», avait-il expliqué lors d'une précédente audition.

Devant la cour lundi, l'encaveur a toutefois répété n'avoir jamais vendu de vin schaffhousois ou de vin étranger sous l'appellation AOC Valais. Son avocat Julien Ribordy précise que les vins schaffhousois acquis ont été commercialisés sous les étiquettes vin de pays et vin de table suisse. Quant aux milliers de litres de vins espagnols, ils ont été «entièrement livrés à Dominique Giroud. Mon client a rendu un service en agissant comme intermédiaire», ajoute-t-il.

C'est inexact, ont répliqué en substance le ministère public et la partie plaignante brandissant tout «un faisceau de preuves concordant». L'encaveur faisait «sa petite cuisine» en mélangeant des vins de différentes provenances avant de les vendre sous le label valaisan, argue la procureure générale adjointe qui cite notamment un document papier «révélateur» retrouvé lors d'une perquisition et qui détaille plusieurs mélanges.

«Rien n'indique que ces vins étrangers ou schaffhousois ont été vendus sous l'appellation AOC. Aucune analyse ne prouve d'ailleurs un quelconque coupage», a plaidé de son côté Julien Ribordy. Quant à cette note, «il s'agissait d'un essai qui n'a pas été commercialisé», poursuit-il. «Un essai impliquant quand même l'utilisation de plus de 25'000 litres espagnols», a relevé Adam Kasmi, doutant de cette explication.

Lenteur de la procédure avancée

La défense a requis l'acquittement partiel de son client. Julien Ribordy estime que celui-ci devrait uniquement être condamné pour falsification de marchandises et faux dans les titres. Il n'a pas articulé de sentence, mais a estimé dans sa plaidoirie que 5 ans ferme étaient «largement disproportionnés» et appelé la cour à prendre une décision en tenant compte de la lenteur de la procédure.

Le dernier mot est revenu au prévenu qui, comme lors de sa première prise de parole de la journée, a présenté ses excuses «à toutes les personnes que j'ai lésées». Puis s'adressant à la Cour, qui rendra son jugement lundi prochain: «Je vous remercie de mettre fin à mon calvaire et je m'en remets à la justice».

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