Un tribunal new-yorkais a publié mercredi 943 pages de documents concernant le scandale des abus sexuels de Jeffrey Epstein. Des noms jusqu'ici inconnus y apparaissent en lien avec le prédateur sexuel américain décédé.
Les documents judiciaires proviennent du litige civil entre Virginia Giuffre, une victime d'Epstein, et Ghislaine Maxwell, partenaire de longue date d'Epstein aujourd'hui condamnée. Des procès-verbaux des auditions se trouvent parmi les nombreux documents publiés.
Virginia Giuffre y cite les noms des hommes avec lesquels elle a été forcée d'avoir des relations sexuelles. Parmi eux, Jean-Luc Brunel, décédé à l'heure actuelle, ou encore le pionnier de l'IA Marvin Minsky. Certaines de ces accusations étaient déjà connues, notamment celle contre l'ex-gouverneur du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, lui aussi décédé. Ce dernier a toujours nié avoir rencontré la victime présumée.
«Clinton les aime jeunes»
Un des documents publié retrace l'interrogatoire de Johanna Sjoberg, une des victimes présumées d'Epstein. Il l'aurait notamment forcée à avoir des relations sexuelles. En outre, elle aurait aussi subi des attouchements de la part du prince Andrew.
Pendant son interrogatoire, la jeune femme est questionnée sur ce qu'elle sait de l'ex-président américain Bill Clinton dans le cadre des accusations. Elle dit avoir connaissance du fait qu'il était censé entretenir une relation amicale avec l'accusé. Quand on lui demande ce qu'Epstein disait de son ami, elle répond: «Il a dit une fois que Clinton les aimait jeunes, en faisant référence aux filles.»
Un autre document retrace le témoignage de Ghislaine Maxwell. Selon ce dernier, Bill Clinton aurait voyagé dans le jet privé d'Epstein où il aurait partagé un repas avec ce dernier. Il ne serait toutefois jamais rendu sur l'île privée du criminel sexuel.
Mark Epstein, le frère de l'ex-banquier d'affaires, a déclaré mercredi au «New York Post» qu'il avait eu connaissance d'informations concernant l'implication de Clinton et de l'ex-président républicain Donald Trump, actuellement dans la tourmente. Jeffrey Epstein aurait ainsi averti sur le rôle de deux politiciens en 2016 déjà: «Si je disais ce que je sais sur les deux candidats, ils devraient annuler l'élection.» Selon des documents officiels, Jeffrey Epstein aurait visité la Maison Blanche au moins 17 fois.
Autre révélation: Ghislaine Maxwell aurait eu une relation avec un avocat de Bill Clinton, Doug Band. Lors de son interrogatoire, elle n'a pas souhaité communiquer la nature de cette relation, ni donner plus de détails, mais il semblerait qu'elle a eu lieu entre adulte et dans le consentement réciproque.
Epstein est un «type formidable», selon Trump
Le nom de Donald Trump est également sorti dans les documents publiés. Lors de son interrogatoire, Johanna Sjoberg a nié avoir été obligée de masser Donald Trump. Il n'y aurait jamais eu de contact physique ou sexuel entre eux. L'interrogée réfute également avoir eu des relations sexuelles avec l'avocat d'Epstein, Alan Dershowitz.
En 2002, Trump avait qualifié Epstein de «type génial» dans le «New York Magazine». «C'est très amusant d'être avec lui. On dit même qu'il aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup d'entre elles sont plutôt jeunes. Il ne fait aucun doute que Jeffrey apprécie sa vie sociale», avait poursuivi Trump à l'époque. Après l'arrestation d'Epstein en juillet 2019, Trump a fait marche arrière et a affirmé qu'il n'était «pas un fan» du prédateur sexuel.
Qui est le mystérieux prince?
Toujours selon un document désormais publié, la témoin principale Virginia Giuffre, affirme en outre que Ghislaine Maxwell l'aurait forcée à coucher avec de nombreux autres hommes. Parmi eux, le prince Andrew, Bill Richardson et Marvin Minsky, déjà cités, mais aussi un autre «prince». En outre, elle aurait dû avoir des relations sexuelles avec «un propriétaire d'une grande chaîne d'hôtels» et une autre personne dont le nom a été occulté.
Dans les documents, un e-mail de Jeffrey Epstein à sa compagne et complice attire également l'attention. Dans ce courrier, il demande à sa partenaire de vérifier si des amis de Virginia pourraient potentiellement démentir ses accusations. Par exemple, la version selon laquelle le professeur Stephen Hawking aurait participé à une orgie avec des mineurs. Pour citer Epstein: «Vous pouvez offrir une récompense à tous les amis, connaissances et membres de la famille de Virginia qui se manifesteront et aideront à prouver que leurs accusations sont fausses.»
Michael Jackson, David Copperfield...
Mais ce n'est pas tout: Johanna Sjoberg déclare aussi avoir rencontré le «roi de la pop» Michael Jackson et le magicien David Copperfield dans la villa de Jeffrey Epstein. Le roi de la pop ne l'aurait toutefois jamais massée comme il aurait été évoqué. Quant au magicien, il aurait fait quelques tours de magie et aurait eu vent des agissements d'Epstein. Johanna Sjoberg raconte: «Il m'a demandé si je savais que des filles étaient payées pour trouver d'autres filles.»
Le nom du multimilliardaire Glenn Dubin est également mentionné dans la transcription d'un entretien enregistré de Ghislaine Maxwell. Lorsqu'on lui demande si Johanna Sjoberg a déjà été sollicitée pour masser le riche soixantenaire, elle répond: «Je ne pense pas, je ne m'en souviens pas.» Virginia Giuffre affirme de son côté que c'est la complice du prédateur qui l'aurait envoyée chez lui.
L'une des personnes mentionnées, sous le pseudonyme Jane Doe 107 dans le document, reste pour l'instant inconnue. Un délai de 30 jours lui a été approuvé pour prouver qu'elle serait physiquement en danger si son nom venait à être publié. Une autre personne a également fait opposition à la publication et reste pour l'instant dans l'ombre.
Les personnes mentionnées ne sont pas forcément coupables
Attention cependant aux raccourcis: les personnes dont le nom est mentionné dans les documents ne sont toutefois pas forcément coupables ou complices de crimes. Mais depuis la révélation des abus, plus personne ne souhaite être associé au multimillionnaire, de quelques manières qu'il soit. Certaines personnes figurant dans les documents sont, par exemple, des parents de victimes de l'homme d'affaires.
D'autres noms ne sont pas si surprenants: on savait déjà que les anciens présidents américains Bill Clinton et Donald Trump avaient des liens avec le prédateur sexuel. Aucun d'entre eux n'est par ailleurs accusé de faute professionnelle. Selon CNN, un porte-parole de Bill Clinton aurait confirmé en 2019 que l'ancien président avait voyagé dans l'avion privé d'Epstein (appelé le «Lolita-Express»). A cette époque, Bill Clinton n'était apparemment pas au courant de ces «crimes horribles». L'ex-président, appelé jusqu'à présent «John Doe 36» dans le procès, ne s'est par ailleurs pas opposé à ce que son nom soit divulgué.
Qu'en est-il de Donald Trump? Ce dernier avait déclaré avoir mis fin à son amitié avec Jeffrey Epstein. Il l'aurait même interdit de séjour à Mar-a-lago – le palais de la famille Trump –, sans pour autant entrer dans les détails.
Jimmy Kimmel nie tout contact
Le fondateur de Microsoft Bill Gates et le célèbre présentateur américain Jimmy Kimmel faisaient également partie des potentielles têtes citées. Le richissime informaticien aurait également rencontré Epstein à plusieurs reprises. Dans des interviews, l'ancien homme le plus riche du monde a cependant déclaré qu'il regrettait d'avoir dîné avec lui.
L'animateur a entre-temps nié tout lien avec le prédateur sexuel. Il s'est retrouvé au cœur du scandale à cause de graves accusations portées à son encontre par le joueur de football Aaron Rodgers, à laquelle Jimmy Kimmel aurait répondu: «Cher trou du cul: pour mémoire, je n'ai pas rencontré Epstein, je n'ai pas pris l'avion avec lui, je ne lui ai pas rendu visite et je n'ai eu aucun contact avec lui.» Jimmy Kimmel s'est dit confiant dans le fait qu'il n'apparaîtra sur aucune liste.