Agression homophobe en Valais
«Je n'ose plus sortir de chez moi»

Lundi soir, après la victoire de la Suisse à l'Euro, trois membres de la communauté LBGT ont été agressés à Martigny (VS) pour avoir fait flotter un drapeau arc-en-ciel. Une femme a été blessée au visage et est à l'hôpital pour des examens. Une enquête est en cours.
Publié: 30.06.2021 à 18:19 heures
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Dernière mise à jour: 02.07.2021 à 11:33 heures
Lundi soir, les trois amis ont fêté la victoire de l'équipe de Suisse de football avec un drapeau arc-en-ciel.
Photo: DR
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Amit JuillardJournaliste Blick

Lundi soir, 23h45: la Suisse vient de battre la grande équipe de France à l’Euro. Scènes de liesse et concerts de klaxons à travers le pays. La fête est multiculturelle: flottent les drapeaux suisses, kosovars, albanais ou italiens. Et, à Martigny (VS), sur une VW jaune, un étendard arc-en-ciel. Jets de mégots de cigarettes, insultes, coups de poing au visage: les trois occupants de la voiture se sont fait violemment agresser, racontent-ils depuis mardi sur les réseaux sociaux et sur le site web de «20 minutes» ce mercredi. Kelly, Martigneraine pansexuelle de 23 ans, a un œil au beurre noir. Elle a été admise à l’hôpital ce mercredi après-midi. Elle soupçonne une commotion cérébrale. Blick s’est entretenu avec elle et Laurent, le passager au moment des faits, peu avant ses examens médicaux.

Que s’est-il passé lundi soir? «Avec ma copine, nous devions aller chercher un ami à la gare. Nous nous sommes retrouvées dans le flot de véhicules qui fêtaient la victoire. Il nous a rejoints. Nous avions un drapeau arc-en-ciel dans la voiture parce que nous avions participé au lancement de la campagne pour le «mariage pour tous» le jour d’avant. Quand nous avons vu tous les différents drapeaux, nous avons décidé de le sortir!» La copilote et le passager le font flotter au-dessus du toit du véhicule. Et déjà, les ennuis commencent.

Amour et… haine, surtout

«Nous avons aussi reçu des messages d’amour. Mais nous avons vécu un flot continu de haine, raconte Laurent, par ailleurs homosexuel. Des groupes d’hommes m’ont lancé leurs mégots de clopes dessus. Ils nous criaient: «Putains de pédés, rentrez chez vous!» Certains nous menaçaient de mort, se passaient le doigt sur le cou, comme pour nous dire qu’ils voulaient nous égorger.» Leurs mésaventures ne s’arrêtent pas là.

Les trois amis arrivent à hauteur d’un grand rond-point. «Là, une fille qui passe par là nous avertit: 'Vous allez vous faire tuer'», se souvient Kelly. Quelques instants passent. «Ils sont venus à cinq ou six pour nous arracher le drapeau. Ils n’ont pas réussi. Ils ont essayé de sortir Laurent de la voiture, qui se cramponnait au siège. Ils n’ont pas réussi. Et là, j’ai tourné la tête et j’ai reçu plusieurs coups de poing au visage de la part d’un type en training Adidas.» Entre-temps, le trafic s’est décongestionné. Ils reprennent la route, croisent la police, qui leur conseille de porter plainte. Retour à la maison, en sécurité. «On aurait pu se faire buter», lâche-t-elle.

Auteur présumé retrouvé par la victime

Mardi matin, Kelly se rend à la police cantonale pour déposer une plainte contre X. Les forces de l’ordre confirment la démarche à Blick mais ne s’expriment pas sur les détails: «L’enquête est en cours». Kelly a mené la sienne et affirme avoir retrouvé l’auteur présumé. «Un de ses amis l’a félicité sur Snapchat en donnant son prénom», confie-t-elle. Sur la capture d’écran dont Blick a obtenu copie: «Ces fils de pute on viens fêter la victoire ils se ramènent avec leur drapeau de merde […] un grand merci a (prénom) pour avoir mis la belle patate (émojis chat qui pleure de rire)» (sic).

Sur Snapchat, une personne aurait félicité l'auteur présumé de l'agression homophobe.
Photo: DR

Reste que depuis la publication de son histoire sur les réseaux sociaux, elle n’est pas tranquille. «J’ai reçu beaucoup de messages de soutien. Mais il y a plein de fachos qui m’ajoutent sur Instagram et des messages de menaces circulent sur certains comptes. Dès que je sors de chez moi, j’ai peur. Je n’ose plus aller faire mes courses. Hier soir, des hommes nous ont à nouveau menacés devant un bar. Mais au fond, je m’en fous. Mon combat ne s’arrêtera pas, même si je dois me faire démolir ou buter. Nous avons le droit de vivre.»

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