AVS 21, un cas particulier
Normalement, ce sont les femmes qui décident pour les hommes

La marge a été infime en faveur de l'AVS, dimanche. L'analyse montre que ce sont les seniors, les riches et les hommes qui ont fait passer cette réforme. Or un regard dans le passé montre que traditionnellement, c'est plutôt l'inverse qui se produit.
Publié: 26.09.2022 à 16:48 heures
Sara Belgeri

Monsieur a dit oui, Madame a dit non. La votation sur l'AVS a dû créer des remous dans bien des foyers en Suisse ce week-end. Elle est en tout cas entrée directement dans les livres d'histoire, avec un écart historique entre les votes des deux genres. En attendant les résultats détaillés, un sondage post-électoral montre un «gender gap» de 28%.

Du côté des socialistes et en particulier des femmes, cela ne passe pas. «Les hommes ont augmenté l'âge de la retraite des femmes contre leur gré», tonne la jeune (28 ans) conseillère nationale bâloise Samira Marti sur Blick TV. Un argument repris par des centaines de femmes venues protester sur la place de la gare de la capitale, ce lundi.

Les genres ont toujours été en désaccord par le passé

Le fossé de ce dimanche est historique, mais il n'est pas nouveau. Ce qui est intéressant, c'est qu'il se produit normalement dans l'autre sens. Au cours des trois dernières décennies, les femmes ont gagné des votations bien plus souvent que les hommes, explique le politologue Claude Longchamp. Le Fribourgeois avait d'ailleurs détaillé cette analyse dans un article pour «Republik», en 2019.

La défaite a été dure à avaler pour les figures de la gauche alémanique: Martine Docourt, Cédric Wermuth, Tamara Funiciello, Tom Cassee, Prisca Birrer-Heimo et Samira Marti (de g. à dr.)
Photo: keystone-sda.ch
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Comme ce dimanche, le fossé se creuse lorsqu'il est question de société et de politique sociale. Lors de la votation sur la prévention du tabagisme en 1993, par exemple, la différence entre les sexes était de 18,4 points de pourcentage. A l'époque, 35,8% des femmes et seulement 17,4% des hommes avaient voté en faveur de l'initiative qui voulait interdire la publicité pour le tabac.

Lors de la votation sur la réforme pénale contre le racisme de 1994, un autre fossé avait aussi été observé (17%): 64% des femmes ont voté pour le projet, contre seulement 47% des hommes. Vous voulez encore un exemple? Plus récemment, en 2014, les femmes avaient dit non au Gripen (42% de oui), alors que les hommes étaient pour (53%). Même phénomène avec l'initiative «Pour la protection face à la violence des armes» en 2011.

L'AVS, un enchevêtrement de clivages

La votation sur l'AVS met en lumière une Suisse très divisée. Et pas seulement les hommes contre les femmes: de profonds fossés se sont creusés au niveau du revenu, de l'âge et de la région linguistique. Ainsi, l'augmentation de l'âge de la retraite n'a trouvé une majorité claire qu'à partir d'un revenu de 9000 francs et à partir de 65 ans.

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La différence de comportement de vote entre Suisse romande et Suisse alémanique est également frappante. Alors qu'en Suisse alémanique, à l'exception de Schaffhouse, Soleure et Bâle-Ville, les cantons ont approuvé la révision de l'AVS, tous les cantons romands l'ont rejetée. C'est dans le Jura que cette différence est la plus évidente: les Jurassiens ont voté à plus de 70% contre la retraite des femmes à 65 ans!

Les jeunes Romandes auraient pu faire changer les choses

Les Romands ont-ils été muselés par les Alémaniques? Pas forcément. Fait intéressant, la participation a été nettement plus faible en Suisse romande que de l'autre côté de la Sarine. Elle est ainsi restée en deçà des 50% dans plusieurs cantons romands, alors que 52% des Alémaniques en moyenne ont fait valoir leur avis. Avec 32'000 voix d'écart, une mobilisation plus forte de la gauche en Suisse romande aurait largement pu faire capoter le projet.

Même constat pour les jeunes femmes: les statistiques montrent depuis des années qu'elles représentent le groupe social qui vote le moins. Si elles veulent changer quelque chose, c'est donc à elles de se rendre aux urnes, en plus de protester dans la rue comme ce lundi ou en juin prochain à l'occasion d'une nouvelle Grève féministe voulue par la gauche.


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