Beat Jans veut que ça change
Les réfugiés ukrainiens trouvent moins de travail en Suisse qu'ailleurs

La Suisse est à la traîne en ce qui concerne l'emploi des Ukrainiens qui ont fui leur pays. Mais ce retard s'explique et n'est pas forcément négatif, selon des chercheurs.
Publié: 30.07.2024 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 30.07.2024 à 07:31 heures
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Tobias Bruggmann

Beat Jans, le ministre en charge de l'asile, s'est fixé des objectifs ambitieux. D'ici à la fin de l'année, 40% des Ukrainiens aptes à travailler devraient avoir un emploi qui leur permette de vivre.

En comparaison internationale, la Suisse peut encore faire mieux. Une récente étude de l'Institut allemand de recherche sur les métiers et le marché du travail (IAB) a comparé les taux d'emploi des réfugiés ukrainiens dans différents pays européens. À la fin de l'année dernière, 53% des exilés d'Ukraine avaient par exemple un emploi au Danemark. La Lituanie et les Pays-Bas affichaient des taux similaires.

La Suisse, en revanche, atteignait seulement 21,3% en décembre 2023, selon les chiffres du Secrétariat d'État aux migrations (SEM). Depuis, la situation s'est légèrement améliorée: fin mai, une personne sur quatre travaillait. Nos voisins allemands et autrichiens affichent des valeurs similaires, avec respectivement 25,2 et 27,46%.

En Suisse, seul un réfugié ukrainien sur quatre travaille.
Photo: Keystone
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La Suisse mise sur l'intégration à long terme

Malgré ce chiffre comparativement bas, les chercheurs estiment que la Suisse a fait juste sur de nombreux points. Les pays ayant des taux d'emploi élevés ont misé sur un séjour temporaire et non sur une intégration à plus long terme, explique Kseniia Gatskova, une chercheuse qui a collaboré avec l'IAB. «Dans ces pays, les réfugiés sont rapidement placés dans des emplois sans exigences particulières en matière de qualifications et avec des conditions parfois précaires.» Au Danemark, par exemple, la plupart des Ukrainiens en fuite seraient employés comme agents de nettoyage.

À l'inverse, d'autres pays comme l'Allemagne, la Norvège ou la Suisse misent sur une approche «langue d'abord». «Cela signifie que les réfugiés doivent d'abord apprendre la langue et faire reconnaître leurs qualifications afin de pouvoir ensuite travailler dans des emplois correspondant à leurs compétences.»

Pendant cette période, ils ne sont donc pas à la disposition du marché du travail. Ce modèle d'intégration durable aurait fait ses preuves par le passé. «Par exemple, 68% des réfugiés qui sont arrivés en Allemagne entre 2013 et 2019 ont un emploi 8 ans après leur arrivée.» Les Pays-Bas et le Danemark seraient les moins bons élèves dans ce domaine.

Assurer la garde des enfants

D'autres facteurs permettent d'augmenter le taux d'emploi. Assurer la garde des enfants permet par exemple à davantage d'Ukrainiennes de travailler. La population en exil compte en effet de nombreuses mères.

La langue joue également un rôle important. Si la population parle bien anglais, le taux d'emploi est également plus élevé. Les réseaux sociaux aident également à trouver un travail.

En Suisse, l'importance de la garde des enfants a été reconnue assez tôt. Même si certaines entreprises ont trouvé des solutions, cela reste un obstacle pour les mères ukrainiennes. La Suisse se retrouve en queue de peloton dans un classement élaboré par des chercheuses pour évaluer l'offre d'infrastructures de garde.

Beat Jans vient justement de créer un poste pour que davantage d'Ukrainiens travaillent en Suisse. Il sera occupé par l'actuel chef de la division Intégration du SEM, Adrian Gerber. Sa mission: servir d'intermédiaire entre l'administration et les milieux économiques, et veiller à ce que les entreprises engagent plus de personnes bénéficiant du statut de protection S. Ce haut fonctionnaire a aussi pour objectif d'aider les entreprises à trouver des travailleurs qualifiés.

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