Bien joué président!
À Lausanne, Macron réussit son «en même temps» européen et suisse

Aux côtés d'Alain Berset, le président français a répondu aux questions des étudiants de l'Université de Lausanne. Après un appel à l'avenir de l'Europe qui ménage la Suisse.
Publié: 16.11.2023 à 13:19 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2023 à 17:19 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils redoutaient le chahut. Ils ont eu quelques casseroles et des pancartes «Free Palestine». Mais le gaz lacrymogène de la police vaudoise pour disperser environ 200 manifestants n’est pas parvenu jusqu’à l’amphithéâtre.

Emmanuel Macron et Alain Berset ont réussi leur opération de communication sur l’Europe, sur le campus de l’Université (UNIL) et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Une salle comble. Pas de questions intempestives et imprévues. Et une heure pour convaincre que l’Europe a un avenir. Avec la Suisse à ses côtés.

L'art de concilier les contraires

Le coup de maître aura été signé Macron. Le président français est contesté pour ses positions sur le Proche-Orient. Mais il excelle dans son fameux «en même temps», cet art de concilier les contraires, ou du moins les facettes opposées d’une réalité. C’est ce qu’il fait avec brio à Lausanne, lançant un appel à la jeunesse européenne tout en saluant la position de la Suisse qui, pourtant, refuse obstinément d’intégrer l’Union et donne du fil à retordre à Bruxelles dans la négociation de futurs accords bilatéraux. 

Le président français Emmanuel Macron (G) et le président suisse Alain Berset (D), assistent à une conférence publique sur le thème «Let's Talk Europe responding to major current societal issues», à l'Université de Lausanne, UNIL/EPFL, à Lausanne, en Suisse, le 16 novembre 2023.
Photo: keystone-sda.ch
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Unité. Souveraineté. Démocratie. Sur ces trois volets mis au cœur de son argument, le président français s’est bien gardé de plaider pour le seul élargissement de l’Union européenne, ou pour un quelconque «fédéralisme», malgré sa visite de la Fondation Jean Monnet (l’un des pères de l’Europe communautaire) quelques minutes plus tôt. Comme mercredi à Berne, Emmanuel Macron a au contraire redit la nécessité de consolider la Communauté politique européenne, cet ensemble informel d’une quarantaine de pays dont la Suisse.

Une Europe de projets

«Il nous faut une Europe politique et de projet. C’est la Communauté politique européenne, agile et ambitieuse» a-t-il insisté. Tout en redisant, que l’élargissement de l’UE, à 30 ou 35 pays membres, ne pourra pas fonctionner sans réformes. Les pistes pour collaborer au sein de la CPE ne vont sans doute pas tomber dans l’oreille d’un sourd en Helvétie: énergie, sécurité, migrations. Et puis investissements bien sûr. Le président français l’a martelé.

L’Europe doit investir pour son avenir. En recherche. En innovation. Pour ne pas dépendre des brevets américains ou chinois. Pour rester indépendante. «Il doit se dire que la Suisse a des moyens financiers. On sent qu’il veut que la Confédération investisse davantage» rigole une étudiante.

Macron pédagogue

Macron bousculé? Macron désarçonné? Rien de tout ça. A questions polies, réponses argumentées et détaillées. Rien de neuf. De la pédagogie.

Sandra a 22 ans. Assise au premier rang, juste derrière le parterre VIP, elle s’est levée trois fois pour espérer poser une question, sans succès. Déçue? «Un peu, mais c’était bien. Macron nous énerve souvent, mais il parle clair. Il dit ce qu’il veut. Il ferait un très bon prof.»

Léo a 19 ans. Il est élève ingénieur à l’EPFL: «Ça fait du bien, déjà, d’entendre dire qu’il y a un avenir possible. Franchement, Macron est bon. Il ne nie pas du tout les problèmes. Il rend optimiste.»

Alain Berset doit l’admettre. La prestation du président français l’a éclipsé. Il a beaucoup moins parlé. «Il a laissé Macron faire son show. C’est courtois. C’est très suisse», rigole une étudiante… française.

Pas de clash sur Israël

On attendait le clash possible sur le Proche-Orient. Là aussi. Rien. Emmanuel Macron a répété l’opposition de la France aux bombardements de civils, après avoir mis l’accent sur le droit d’Israël à se défendre.

Alain Berset a redit l’importance accordée par la Suisse au droit humanitaire. Dehors, la dispersion des manifestants était achevée vers 10h, avant le début de leur intervention commune. Pas d’autres chahuts à proximité. Mais les applaudissements, dans l’amphithéâtre, étaient-ils si sincères? «C’est beaucoup plus violent sur le campus, concède Emilie, une étudiante en sciences criminelle. Là, tout le monde a un peu fermé sa g.. On respecte les présidents.»

C’est le secret du «en même temps» macroniste. Au premier abord, tout le monde ressort toujours convaincu et content. La mise en œuvre des promesses, elle, est toujours plus compliquée.

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