Cartographie du monde carcéral, entre Genève et Lausanne
Les prisons romandes débordent: qui s'y trouve, et pourquoi?

Les prisons suisses font face à la surpopulation. Champ-Dollon, à Genève, et Bois-Mermet, à Lausanne, sont devenus des symboles de cette asphyxie. Mais qui y est enfermé? N'y a-t-il que la prison comme solution pour ces détenus à l'étroit?
Publié: 08.06.2024 à 10:59 heures
|
Dernière mise à jour: 08.06.2024 à 11:02 heures
Blick_Lucie_Fehlbaum2.png
Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Sans surprise, les prisons du Bois-Mermet, à Lausanne, et de Champ-Dollon, à Genève, sont au bord de l'asphyxie. La problématique est identique depuis des décennies et refait surface cycliquement.

Mais qui occupe réellement ces prisons devenues trop exiguës? La détention préventive, avant jugement, prend-elle concrètement trop de place? Elle est pointée du doigt par les experts, de concert avec les courtes peines pour les délits peu graves.

Part de la détention préventive

Blick s'est enquis des données d'occupation des deux prisons. À Champ-Dollon, occupé aujourd'hui par 506 détenus pour un total de 398 places, 269 personnes y font de la détention avant jugement. C'est largement plus que la moitié.

À Lausanne, les conditions avaient été jugées intolérables, en 2013, par la Commission nationale de prevention de la torture. À Champ-Dollon, une extension a été bâtie en 2011. Selon le Relais Enfants Parents Romands, anciennement Carrefour Prison, les détenus sont jusqu'à 6 en cellule.
Photo: Keystone

Entre les murs de la prison du Bois-Mermet, 169 détenus occupent les 168 places. Pas assez pour parler d'asphyxie, certes. Mais en 2023, le taux d’occupation moyen a grimpé jusqu'à atteindre 163 %, indique Martine Clerc, porte-parole du département vaudois de la justice. La détention préventive concerne 157 des hommes qui y sont enfermés. Douze d'entre eux y exécutent leur peine, ou attendent d'être transférés.

Des hommes d'en moyenne 35 ans

Au sein de la prison lausannoise, près de la moitié des prisonniers a entre 26 et 40 ans. Une seule personne a plus de 66 ans. «L'âge moyen des personnes actuellement détenues à Champ-Dollon est de 35 ans, tous types de détention confondus», indique le porte-parole de l'office cantonal genevois de la détention, Laurent Forestier.

«Catalogue» des délits

À Bois-Mermet, «les infractions contre le patrimoine tels que vols et brigandages, et celles concernant les stupéfiants, sont notamment parmi les plus représentées», informe Martine Clerc. Les statistiques nationales vont dans le même sens.

À Genève, dans le «top 8» des délits commis par les détenus de Champ-Dollon, trois concernent des infractions à la Loi sur les étrangers, en plus du non-respect d'une expulsion territoriale, qui dépend du Code pénal.

La moitié des forfaits les plus représentés derrière les barreaux de la prison genevoise sont ainsi commis par des étrangers qui ont séjourné, sont entrés, se sont déplacés ou sont revenus illégalement en Suisse. Complètent cette liste: la vente et la consommation de drogue, le vol simple et la violation de domicile, énumère Laurent Forestier.

Combien de temps on y passe, en prison?

«En 2023, la durée moyenne de séjour à Champ-Dollon s'établissait à 117 jours, précise le communicant genevois. La durée médiane de séjour s'établissait pour la même année à 70 jours. Les personnes passent en moyenne 6,5 mois au Bois-Mermet en détention avant jugement ou en attente de transfert», ajoute la porte-parole du département vaudois de la justice.

Le rôle des deux établissements

Les deux prisons remplissent plusieurs rôles. À Champ-Dollon, on peut exécuter sa peine, de la détention provisoire ou être placé en instance de renvoi. Au Bois-Mermet, idem, hormis pour les détenus qui attendent d'être expulsés. Ils sont plutôt incarcérés, dans le canton de Vaud, à la prison de la Tuilière.

Critiques d'un système submergé

Et dans ces deux établissements qui frôlent la crise et débordent régulièrement, la vaste majorité des détenus purgent de petites peines, ou attendent en cellule leur jugement prochain. Un collectif genevois, Parlons Prisons, viens en aide aux détenus et à leurs proches.

Il rejoint surtout un «mouvement de lutte international» pour abolir les prisons et le système pénal. Le collectif dénonce continuellement les conditions de vie de prisonniers qui se marchent dessus. Avec l'été, une préoccupation majeure arrive: la canicule. La chaleur étouffante, le manque d'air et la surpopulation ne font pas bons ménages.

En attendant une refonte profonde du système, pourquoi ne pas utiliser des outils qui existent déjà? Pourquoi n'entend-on jamais parler de bracelet électronique, en Suisse? L'objet semble pourtant une solution évidente au problème de surpopulation carcérale.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la