Ce camping au bord du lac de Neuchâtel ferme ses portes
«Perdre tout là-bas, ça fait un mal de chien»

La nouvelle saison du camping de Gampelen (BE), au bord du lac de Neuchâtel, est lancée. Mais il s'agira de la dernière. Hanspeter et Doris Mischler se battent depuis six ans pour sauver le camping – ils espèrent toujours un miracle.
Publié: 01.04.2024 à 11:30 heures
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Lino Schaeren et Philippe Rossier

Hanspeter Mischler traverse le terrain du camping TCS de Gampelen (BE) et regarde le lac de Neuchâtel par-dessus la longue jetée. «C'est un paradis!», s'exclame-t-il avec nostalgie. Nous sommes le lundi matin d'avant Pâques, Hanspeter et Doris Mischler sont venus avec leur chienne de berger Buffy pour préparer leur caravane pour le début de la saison ce week-end. Cela fait 28 ans que le couple y passe ses vacances. «C'est notre deuxième maison», soupire Hanspeter. «C'est ici que nos enfants ont appris à courir, à nager et à faire du vélo», renchérit Doris. Mais cette 29e saison sera la dernière. Car le camping de Gampelen fermera définitivement ses portes le 6 octobre.

Impossible de s'opposer à l'Office fédéral de l'environnement et aux associations environnementales

Le site se trouve à l'extrémité est du lac de Neuchâtel, au milieu du Fanel, l'une des plus importantes réserves naturelles de Suisse. On y trouve une multitude d'oiseaux d'eau et de migrateurs, une zone alluviale et un bas-marais. Les touristes n'ont plus leur place ici. Le canton de Berne voulait certes prolonger jusqu'en 2050 le contrat avec le Touring Club Suisse (TCS) pour le camping de Gampelen. Mais les associations environnementales et l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) l'en ont empêché devant le tribunal administratif. Le camping n'est pas conforme à l'affectation de la zone et doit donc disparaître.

Encore un été au paradis donc, puis ce sera la fin. Les Mischler se tiennent à côté de leur mobilhome; ils ont du mal à contenir leurs sentiments. «Je me suis réjouie d'être de retour ici, mais je pourrais aussi pleurer», dit Doris Mischler. «Perdre tout cela ici, ça fait un mal de chien.» Elle et son mari ont tout tenté ces six dernières années, aux côtés d'autres campeurs, de la commune de Gampelen et des politiciens bourgeois du canton, pour sauver malgré tout le camping. Hanspeter Mischler est président de la communauté d'intérêts (CI) du camping de Gampelen, qui s'est battue contre les grandes associations environnementales, la Confédération et surtout le canton. Ces dernières années, son organisation a passablement bousculé la politique bernoise et fait ainsi les gros titres au niveau national.

Cela fait 28 ans que Hanspeter et Doris Mischler passent leurs vacances vacances au camping de Gampelen (BE), au bord du lac de Neuchâtel.
Photo: Philippe Rossier
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Deuxième plus grand camping de Suisse

Mais en fin de compte, l'autorisation d'un camping dans une zone strictement protégée était plus une question juridique que politique. Et c'est ainsi que la révolte a certes apporté beaucoup de sympathie aux campeurs rebelles, mais elle n'a pas eu le succès escompté. «Au moins, nous ne leur avons pas facilité la tâche là-haut», tempère Doris Mischler. Son mari Hanspeter acquiesce: «Ils ont dû passer quelques nuits blanches.»

Le terrain du camping de Gampelen est vaste: c'est le deuxième plus grand camping de Suisse après celui de Tenero (TI). Mais l'époque où la quasi-totalité des 900 emplacements étaient occupés est révolue. Depuis qu'il est apparu que le sauvetage ne serait plus possible, une part croissante des 500 locataires permanents ont cherché refuge dans un autre camping et ont quitté Gampelen. «C'était comme un exode de dernier recours», regrette Hanspeter Mischler.

La commune de Gampelen fait de son mieux

Le couple Mischler restera, lui, jusqu'au dernier jour. Hanspeter Mischler a toujours souligné qu'il lutterait jusqu'au bout pour son camping et il le souligne à nouveau ce lundi, bien que se battre signifie désormais surtout espérer. «L'espoir meurt en dernier, les miracles peuvent toujours arriver», dit-il en riant.

Les espoirs reposent avant tout sur la commune de Gampelen: elle ne peut certes pas empêcher la fin du projet, mais elle a veillé à ce que le site ne puisse pas être immédiatement déconstruit et reboisé Le président de la commune, Eric Dietrich, veut faire en sorte que la zone reste accessible au tourisme, par exemple avec un sentier au bord de l'eau. Et un camping devrait également être réinstallé à un autre endroit sur le territoire communal.

Une perte douloureuse pour le TCS

La fermeture du deuxième plus grand camping de Suisse est également un coup dur pour le TCS. Le plus grand exploitant de camping du pays gère 26 sites avec un total de 6200 emplacements. La suppression de près de 900 places est d'autant plus douloureuse que le taux d'occupation était élevé ces dernières années, les vacances au camping étant toujours très tendance.

Pendant la pandémie de Covid-19, le nombre de nuitées a fait un bond entre 2019 et 2021, passant de 3,8 à 5,4 millions. Certes, la tendance s'est inversée en 2022, mais la cassure a été bien moins importante que ce que l'on craignait. Avec 4,8 millions de nuitées en 2022 et, selon les chiffres provisoires, 4,6 millions en 2023, les valeurs sont restées bien au-dessus de celles d'avant Covid. «Les campings sont les bénéficiaires du réchauffement climatique. Les gens préfèrent de plus en plus passer leur été ici plutôt que de transpirer par 42 degrés à l'ombre en Espagne», explique Oliver Grützner, responsable du tourisme et des loisirs au TCS.

Trouver des remplaçants est difficile

Lorsque, comme à Gampelen, de nombreuses places de stationnement sont supprimées d'un coup, il n'est pas facile de les remplacer. Il n'y a plus guère de terrains pour construire de nouveaux emplacements. Mais il n'y a pas que les terrains les mieux situés qui deviennent plus disputés. «Les exigences en matière de protection de la nature, par exemple, sont de plus en plus strictes», explique Oliver Grützner. «Cela empêche ou retarde la construction de nouveaux campings.» Il est donc d'autant plus important de préserver les campings existants, dit-il.

Il n'y a pas qu'à Gampelen que l'on constate de telles difficultés: à la fin de la dernière saison, le camping d'Auslikon (ZH) a également dû être fermé pour protéger un marais. Selon l'Office fédéral de la statistique, le nombre de locations permanentes et de places de passage a diminué de 7% en Suisse entre 2008 et 2022. Dans le même temps, les nuitées ont augmenté de plus de 40%.

Doris et Hanspeter Mischler ne savent pas encore s'ils continueront à camper après la fermeture du site de Gampelen. Pour l'instant, il leur reste un dernier été dans leur paradis. Le couple ne sait pas non plus comment la fermeture des lieux sera célébrée au mois d'octobre prochain.

Certains membres de la communauté d'intérêt ont proposé de mener des actions de protestation, raconte Hanspeter Mischler: «Ils ont proposé de s'enchaîner à des arbres ou d'arriver à Berne avec toutes les caravanes.» En tant que président de l'organisation, il leur a parlé en conscience. «Nous nous battons avec acharnement, mais nous ne faisons pas ce genre de choses. Nous ne sommes ni des activistes du climat ni des pinailleurs». Doris Mischler abonde dans ce sens. Ils partiront avec décence, dit-elle. Tout ranger et laisser propre. «Comme nous l'avons toujours fait ces 28 dernières années.»

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