Cher, lent, compliqué
La compensation des émissions de CO2 à l'étranger pose problème

Le Parlement se dispute sur la part des émissions de CO2 que la Suisse doit compenser à l'étranger. Mais trop peu de projets existent pour l'instant. Pour que cela change, il faut plus d'argent, ce que personne n'a. Mais ces projets sont-ils vraiment utiles?
Publié: 01.03.2024 à 13:55 heures
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Dernière mise à jour: 01.03.2024 à 14:25 heures
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Tobias Bruggmann

Dans quelle mesure la Suisse peut-elle sauver le climat et soutenir des projets à l'étranger? C'est la question cruciale de la nouvelle loi sur le CO2, actuellement débattue au Parlement. La Suisse peut financer des projets de protection du climat à l'étranger – par exemple en faisant installer des fours de cuisson au Pérou – et faire en sorte que les économies de CO2 soient prises en compte dans ses objectifs climatiques. Mais le temps presse, d'ici 2030, la Suisse souhaite réduire ses émissions de moitié par rapport à 1990.

Si l'on s'en tient au Conseil des Etats, la part de la compensation à l'étranger sera plus importante. Si l'on s'en tient au National, elle sera plus faible. Mais quelle que soit l'issue de ce bras de fer, il y a de nombreux obstacles à surmonter.

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Le temps

Aujourd'hui déjà, les importateurs de carburant peuvent compenser une partie de leurs émissions de CO2 à l'étranger. Ils ont créé à cet effet la fondation KliK. Selon le directeur Marco Berg, il serait difficile de mettre en place suffisamment de projets d'ici 2030 pour compenser comme prévu une partie du CO2 suisse. «Le temps est incroyablement court.»

Des compensations à l'étranger sont envisageables dans la loi sur le CO2, par exemple au Pérou.
Photo: AFP
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Selon Marco Berg, la Suisse ne peut actuellement financer des projets climatiques que dans 13 pays avec lesquels elle a conclu un contrat. Si la Suisse veut compenser davantage à l'étranger, il faut davantage d'accords. «La négociation des 13 accords a pris environ cinq ans», explique le directeur. De plus, les projets ont besoin de temps avant d'obtenir l'effet escompté. Son estimation: «La situation serait nettement moins tendue si l'horizon temporel était étendu jusqu'en 2035.»

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L'argent

En principe, il y aurait suffisamment de projets climatiques dans le monde pour compenser les émissions de CO2 suisses, mais pas assez d'argent en Suisse. Selon le prix d'une tonne de compensation de CO2 à l'étranger, les coûts pourraient dépasser le milliard de francs.

Jusqu'à présent, cinq centimes maximum peuvent être ajoutés à un litre de carburant pour financer des projets climatiques à l'étranger. Selon Marco Berg, cet argent ne permettrait pas de financer davantage d'activités de protection du climat. Mais une augmentation de la surtaxe sur les carburants n'est actuellement pas prévue, parce que le peuple a récemment rejeté des taxes plus élevées.

Il faut donc trouver d'autres sources de financement. Difficile à une époque où la Confédération doit faire des économies. Le ministre du Climat Albert Rösti a, lui aussi, souligné les conséquences financières au Conseil des Etats. «Le débat ne sera pas simple lorsqu'il s'agira d'obtenir ces compensations et les finances nécessaires.» Toutefois, la protection du climat en Suisse est encore plus chère, ou plus inconfortable.

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L'utilité

Ce n'est pas avec les nouveaux fours de cuisson au Pérou que la Suisse va aider à sauver la planète. Même si 1,8 million de ménages y cuisinent au bois et à la biomasse – ce qui est peu efficace sur le plan énergétique et souvent même dangereux.

Alors oui, la Suisse aide, à sa manière. Mais de tels projets sont également mis en œuvre par d'autres acteurs, écrit Caritas, qui a mené une enquête à ce sujet. «L'utilité des compensations climatiques est discutable», explique Angela Lindt, responsable du service de politique de développement et de politique climatique. Et parallèlement, la réduction des émissions en Suisse serait repoussée aux calendes grecques.

Marco Berg rejette cette critique. Le fait que les deux pays concernés doivent évaluer et approuver les projets garantit l'additionnalité. Sans compter que le peuple est conscient que les compensations à l'étranger ne sont qu'une partie du problème. «Personne en Suisse ne parcourt un kilomètre de plus en voiture parce que la Suisse promeut une installation de biogaz agricole à l'étranger.»

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