Les soupçons de fraudes s'accumulent
Des fioles de vaccins détruites pour des faux certificats Covid

En Suisse alémanique comme en Suisse romande, les soupçons se multiplient dans les centres cantonaux de vaccination, où des employés indélicats ont délivré des certificats Covid valables mais falsifiés. Certains ont même détruit des fioles pour couvrir leurs traces.
Publié: 26.11.2021 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 26.11.2021 à 07:54 heures
Marco Latzer et Sven Ziegler

Depuis quelques jours, le centre cantonal de vaccination de Schaffhouse est secoué par un scandale. Un employé cantonal âgé de 20 ans est soupçonné d’avoir établi, contre rémunération, des centaines de faux certificats Covid. Le principal suspect est en détention préventive avec deux potentiels complices. Trois autres personnes font l’objet d’une enquête.

Comment les fraudeurs s’y sont-ils pris? Officiellement légitimés à délivrer les certificats Covid, ils ont abusé de leur position pour créer de faux certificats Covid dans le système dédié. Les acheteurs des certificats frauduleux peuvent ensuite simplement recevoir de la part des employés cantonaux malintentionnés des certificats habituels avec des codes QR valables. «Ils sont reconnus comme authentiques aussi bien sur papier que dans l’application», explique à Blick Sonja Uhlmann, porte-parole de l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication (OFIT). Ce sont donc des «vrais faux» documents.

Depuis l’obligation du certificat Covid, la demande pour de faux pass sanitaires a gagné en importance sur le marché noir, partout en Suisse. En octobre, quatre personnes ont été arrêtées à Genève: une filière basée dans un centre de vaccination a été démantelée. Dans le canton de Vaud, des personnes travaillant en pharmacie ont été suspectées.

Certains employés des centres de vaccination cantonaux ont falsifié des certificats Covid.
Photo: keystone-sda.ch
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En Valais, «deux dénonciations ont été déposées, mais elles se limitent à des cas dont l’ampleur est limitée. Pour des raisons de sécurité, nous ne souhaitons pas commenter sur les processus de contrôle», fait savoir cette semaine à Blick le Service cantonal de la santé publique.

Les doses de vaccin sont détruites!

En Suisse alémanique, le cas du centre de vaccination de Buchs, dans le canton de Saint-Gall, interpelle. L’accès à des certificats falsifiés y est très simple. «On peut s’annoncer via Telegram ou Whatsapp à une personne qui travaille au centre de vaccination», confie Thomas*.

Il faut juste connaître la bonne personne. Un de ses amis s’est procuré un certificat frauduleux. «Il lui a coûté environ 800 francs», précise-t-il. Le paiement se fait par Bitcoin, afin de garantir l’anonymat. Pour que la fraude passe inaperçue, il ne faut pas que l’on puisse remarquer dans le système informatique qu’une dose de vaccin a été utilisée à double. Les fioles dont le numéro de série figure sur les faux pass sanitaires sont donc détruites!

«Tout est organisé à la chaîne. On dirait qu’il s’agit d’une bande organisée», suppute Thomas. Contacté, le canton de Saint-Gall n’a pas souhaité répondre à ces graves accusations. On ne sait pas si la destruction de fioles de vaccin a été constatée dans d’autres cantons.

En Valais aussi

La méthode est affreusement simple et tout employé d’un centre de vaccination mal intentionné aurait pu passer à l’action. Plusieurs cantons ont fait part de leurs soupçons à Blick. En Argovie, «le département de la santé et des affaires sociales a déposé une plainte contre inconnu pour suspicion de falsification de certificats Covid». Le Canton ne souhaite pas «donner de détails sur les circonstances exactes», par mesures de sécurité.

A Bâle-Campagne, le Ministère public mène une procédure contre une personne incriminée qui pourrait avoir falsifié des certificats Covid. L’enquête est également en cours. Du côté de son voisin urbain, les signaux sont particulièrement alarmants. «Nous avons récemment été informés d’un cas suspect au centre de vaccination et sommes encore en train d’enquêter», annonce Bâle-Ville.

En Thurgovie, une personne autorisée à délivrer des certificats pourrait également avoir falsifié au moins un certificat. «Nous prenons cela très au sérieux et étudions la question», indique l’Office de la santé publique du canton.

L’établissement ou l’acquisition de certificats falsifiés est tout sauf une broutille juridique. «Une personne reconnue coupable de falsification de documents officiels risque entre une amende et cinq ans de prison», explique Sine Selman, experte en droit pénal. Le chef d’accusation d’escroquerie pourrait également venir s’y ajouter.

*Prénom d’emprunt

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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