Déclaration et avoirs gelés
Ce qu'il faut retenir de la Conférence de Lugano

A Lugano, les délégations se sont mises d'accord pour soutenir l'Ukraine. Mais elles n'ont pas (encore) l'intention d'exaucer le vœu le plus cher de cette dernière: utiliser les avoirs russes pour financer la reconstruction du pays.
Publié: 05.07.2022 à 22:19 heures
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Dernière mise à jour: 06.07.2022 à 06:46 heures
Fabienne Kinzelmann et Rebecca Spring

Ce lundi soir, l'ambiance est visiblement détendue à Lugano. Des Ukrainiennes, des représentants de l'économie et des journalistes dansent sur la Piazza Alessandro Manzoni au son énergique du groupe folk ukrainien «Dakhabrakha».

«Ils sont géniaux, n'est-ce pas?», demande le représentant spécial du DFAE Simon Pidoux. Le chef de l'organisation de la Conférence sur l'Ukraine. «On les a fait venir exprès!», dit-il rayonnant, une bière à la main. Il faut dire que la partie la plus fatigante du sommet est terminée.

Car ce mardi matin, c'est l'heure de la récolte. Les participants au sommet sur l'Ukraine lisent les dispositions adoptées. La Suisse promet notamment de doubler son aide au pays en guerre: 100 millions de francs devraient être versés à Kiev d'ici fin 2023.

Mission accomplie: le représentant spécial du DFAE Simon Pidoux a organisé l'«Ukraine Recovery Conference»
Photo: AFP
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Le résultat final du sommet est ensuite dévoilé: la «Déclaration de Lugano». Le Président de la Confédération Ignazio Cassis et le Premier ministre ukrainien Denis Shmihal présentent ensemble la déclaration.

Reconstruction selon les sept «principes de Lugano»

Dans la déclaration de Lugano, les participants à la conférence assurent l'Ukraine de leur plein soutien dans la reconstruction du pays et réaffirment que l'intégrité, la transparence et la responsabilité sont indispensables à la réussite de cet objectif. Sept principes doivent guider la reconstruction: le partenariat, les réformes, la transparence et droit, la démocratie, l'engagement multipartite, l'égalité des sexes et l'inclusion, ainsi que la durabilité. Un beau programme.

«C'est un document consensuel, rien de tout cela ne m'a surpris», déclare à Blick Benno Zogg, spécialiste de l'Ukraine. Selon nos informations, les débats ont surtout porté sur des formulations concrètes.

Ce qui manque dans la déclaration de Lugano

Le principe de réforme a été complété par une phrase selon laquelle tous les fonds de reconstruction doivent être utilisés de manière «juste et transparente». C'est un signal clair des participants qui ne veulent en aucun cas alimenter la corruption avec l'aide financière.

Ce qui manque toutefois, ce sont des chiffres concrets. L'Ukraine compte sur 750 milliards d'euros pour la reconstruction du pays. Pour le pays du président Zelensky, l'argent doit également provenir des avoirs gelés des oligarques et des soutiens de Poutine, ce qui représente déjà 300 à 500 milliards de dollars à travers le monde. «L'agresseur doit payer pour les dommages causés, afin que personne d'autre ne s'imagine qu'une invasion vaut la peine», a déclaré le Premier ministre ukrainien Denis Shmihal mardi midi, à Lugano.

Mais c'est justement à ce souhait le plus ardent des Ukrainiens que le président de la Confédération Ignazio Cassis s'est opposé. Pour lui, il n'est pas clair, d'un point de vue politique et juridique, si les avoirs des oligarques gelés en Suisse peuvent être utilisés pour la reconstruction de l'Ukraine.

Ignazio Cassis: «Ce n'est pas un concours de beauté».

«Le droit à la propriété est un droit humain, nous ne pouvons pas simplement l'annuler», a affirmé à Blick le président de la Confédération lors de l'ultime conférence de presse. Trouver des solutions ne s'apparente pas à «un concours de beauté». Il faut s'assurer que les droits des Russes soient également respectés.

«Nous avons déjà sanctionné la Russie en gelant des avoir. Pour une utilisation externe, nous devons d'abord créer une base juridique», poursuit Ignazio Cassis. Pour lui, il s'agit aussi d'une question de «proportionnalité».

Maria Mezentseva voit les choses différemment. «Ce serait un instrument puissant pour couvrir nos dépenses. Bien sûr, cela doit être clarifié au niveau de l'UE et les personnes concernées pourraient le contester en justice, mais ce serait alors aux avocats de le faire», explique la députée ukrainienne.

Elle est heureuse d'avoir fait le long et fatigant voyage jusqu'à Lugano. «Sur un écran dans le hall d'accueil, un petit film a montré en boucle des photos de notre quotidien et des conséquences de l'invasion de la Russie.» D'autres participants seraient restés figés devant l'horreur. Plus que l'Ukraine, ce sont aussi des valeurs européennes communes qui ont été attaquées.

(Adaptation par Thibault Gilgen)


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