Des écoutes révèlent
La visite d'un terroriste italien à des néo-nazis suisses

Le chef d'une cellule d'extrême-droite milanaise s'était rendu à Berne peu avant son arrestation, alors que ce groupe de quatre extrémistes planifiaient des attaques en Italie.
Publié: 12.07.2021 à 16:26 heures
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Dernière mise à jour: 12.07.2021 à 16:37 heures
Fabian Eberhard, Jocelyn Daloz (adaptation)

Ils étaient prêts à tout. Prêts à en découdre contre les gauchistes et les migrants. Fièrement néonazis, leur but était tout bonnement de renverser le gouvernement et d'établir une dictature fasciste.

La cellule terroriste de quatre Milanais, étudiants en sciences politiques et tous âgés d'une vingtaine d'année, a été arrêtée juste à temps le 16 juin au centre de la ville lombarde, avec dans leurs sacs à dos des cagoules, des matraques et un couteau, alors qu'ils allaient s'en prendre à un homme noir et musulman, leur première victime.

Des liens avec des frères d'armes suisses

Car les jeunes terroristes ignoraient que les enquêteurs de la cellule anti-terroriste italienne Digos les traquaient depuis des mois. Blick dispose des protocoles de surveillance du ministère public de Milan, qui montrent à quel point les quatre néonazis étaient dangereux. Les relevés d'écoutes téléphoniques révèlent également les liens qu'ils entretenaient avec des compagnons de lutte suisses, une connexion qui s'est établie peu avant leur arrestation.

Ces quatre néo-nazis milanais ont planifié des attaques en Italie. A droite : A.T. (20 ans), nom de code "Breivik".
Photo: zvg
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C'est le chef de cellule A. T.* qui était responsable des relations transalpines. Dans les discussions cryptées avec ses compagnons d'armes, le jeune homme de 20 ans agissait sous le pseudonyme de «Breivik», sinistre hommage au terroriste d'extrême droite norvégien Anders Breivik, qui a assassiné 77 personnes lors de l'attaque sur l'île d'Utøya en 2011.

«Breivik» s'est déplacé à Berne le 15 mai. Il y a rendu visite aux membres du groupe d'extrême-droite «Junge Tat» («Jeune action» en français), qui l'avaient invité. La rencontre a été observée par des enquêteurs. Les néonazis ont entrepris une randonnée dans une «zone boisée isolée», avant de se bagarrer avec des militants Antifa.

Enthousiaste à l'idée de rencontrer les Suisses

Le Milanais voulait non seulement nouer des contacts avec des personnes partageant les mêmes idées que les siennes en Suisse, mais aussi acheter une arme. Il avait déjà conclu un accord avant son voyage à Berne, mais celui-ci n'a finalement pas abouti. Il n'est pas clair si le propriétaire de l'arme en question était un membre de la «Junge Tat».

A son retour, «Breivik» s'est montré enthousiaste. Lors d'une conversation téléphonique interceptée par «Digos», le chef de la cellule s'est extasié de la discipline d'entraînement des militants suisses et de leurs corps endurcis par le combat: «Regardez-les et regardez ensuite ceux de Casapound ou de Forza Nuova (groupes néonazis italiens, ndlr.), ces gros types avec une cirrhose du foie. C'est une toute autre chose.»

Il s'est montré en revanche plus sceptique sur l'étalage que fait la «Junge Tat» sur les réseaux sociaux. Un groupe qui se dit subversif, mais opérant au vu et su de tous, lui a paru suspect. Cela en ferait une cible facile pour les autorités de surveillances.

Fantasme d'une guerre raciale mondiale

Les extrémistes de droite de «Junge Tat» luttent en effet pour leur cause via des vidéos de propagande produites par des professionnels, qu'ils diffusent en ligne via Instagram et Telegram. C'est son pouvoir de diffusion qui a permis au groupe de rendre l'extrême-droite attrayante pour de nombreux jeunes. Leurs chaînes comptent des milliers d'abonnés.

Pour le monde extérieur, les membres de «Junge Tat» ne sont rien d'autre que des patriotes branchés. En coulisses, cependant, ils fantasment d'une guerre raciale mondiale et nouent des liens avec des réseaux internationaux. Les autorités suisses ont déjà pris des mesures à plusieurs reprises contre le groupe, comme dans le canton de Zurich ou de Lucerne, où des partisans ont été arrêtés temporairement et des armes confisquées.

Pour les militants milanais, la réunion de Berne était un premier pas dans la construction de leur réseau international, bien qu'ils aient eu l'intention d'opérer principalement en Italie. Après la réunion de Berne, les militants milanais ont l'intention de maintenir le contact avec la Junge Tat. Bien qu'ils souhaitent opérer principalement en Italie avec leur propre cellule, qu'ils appellent «Avanguardia Rivoluzionaria» (avant-garde révolutionnaire), ils veulent également construire un réseau international.

«La suprématie de la race blanche» comme objectif.

Les plans de ce groupuscule, baptisé «Avanguardia Rivoluzionaria» (avant-garde révolutionnaire), ont été déjoués par les autorités. Les documents judiciaires montrent que les enquêteurs considéraient le groupe de quatre personnes comme une «menace grave pour l'ordre public».

Les dialogues entre «Breivik» et ses compagnons d'armes montreraient que l'attaque avortée contre l'homme noir musulman le 16 juin n'aurait été que le début de toute une série d'attaques contre les migrants, les gauchistes et «l'élite».

Toutes les activités de l'Avanguardia Rivoluzionaria, selon les documents, ont le même objectif stratégique: l'application de la «suprématie de la race blanche» et l'élimination des dissidents.

*Nom connu de la rédaction

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