Des emballages partagés
Les pharmaciens gagnent de l'argent grâce à la pénurie de médicaments

Pour que les médicaments suffisent à un plus grand nombre de clients, les emballages sont désormais partagés afin de réduire les quantités par patients. Les pharmacies en profitent également, car leur marge augmente.
Publié: 03.04.2023 à 07:35 heures
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Dernière mise à jour: 03.04.2023 à 09:52 heures
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Sermîn Faki

Antidouleurs, antibiotiques, antihypertenseurs,... La Suisse manque de médicaments. Pour désamorcer la situation, les pharmacies peuvent - ou plutôt doivent - délivrer depuis peu des quantités partielles d'un emballage. Ce qui signifie qu'elles transforment un emballage de 60 médicaments en deux emballages de 30, voire trois emballages de 20.

Comme les petits emballages ne sont plus disponibles, le risque existe en effet que des emballages plus grands que nécessaire soient remis. Le surplus de médicaments finira donc probablement à la poubelle. Faire des emballages plus petits permet ainsi de pouvoir subvenir aux besoins d'un plus grand nombre de patients.

Le supplément n'est pas partagé

Or, les pharmaciens aussi font partie des grands gagnants de cette mesure: ils encaisseront deux fois la marge de distribution qu'ils reçoivent sur un emballage. Il s'agit d'un supplément sur le prix de fabrique.

La Suisse connaît toujours une pénurie de médicaments.
Photo: imago images/YAY Images
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Les pharmacies peuvent désormais reconditionner des emballages plus grands en emballages plus petits. Ce faisant, elles gagnent beaucoup d'argent.
Photo: Keystone

Prenons l'exemple de l'antidouleur MST Continus 30 milligrammes. Une boîte de 60 comprimés coûte aujourd'hui 59,05 francs, à charge de la caisse maladie (ou du patient). Si la pharmacie en fait deux boîtes de 30 comprimés, le pharmacien n'encaissera pas 29,52 francs la boîte, mais 40,33 francs pour chaque article.

Comment est-ce possible? Cela s'explique entre autres parce que le supplément d'emballage de 16 francs n'est pas divisé par deux, mais est désormais dû intégralement sur les deux boîtes de 30. La marge totale pour le pharmacien augmente donc en conséquence. S'il vendait une boîte de 60 comprimés, elle s'élèverait à 26,32 francs. Et sur deux boîtes de 30, il gagnerait 47,45 francs, selon les calculs de l'association des caisses maladie Santésuisse.

Le surcroît de travail est indemnisé

Toutefois, il faut bien l'admettre: les pharmacies ont un surcroît de travail dû au partage. La notice d'emballage originale doit être remise, les quantités partielles doivent être étiquetées, contrôlées et documentées. Les pharmacies sont ainsi rétribuées pour ce travail supplémentaire. Elles recevraient un peu plus de cinq francs par emballage partiel.

Actuellement, seuls les emballages de médicaments composés de huit substances actives peuvent être divisés. En moyenne, selon Santésuisse, un pharmacien encaisse 25 francs par emballage vendu avec l'un d'entre eux. Avec la dispensation partielle, cela peut monter de 12 à 32 francs - selon le nombre de fois que le grand emballage est partagé. Pour un million d'emballages - Santésuisse table sur ce volume - cela représente jusqu'à 32 millions de francs de recettes supplémentaires.

Et ce, alors que les pharmacies pèsent déjà de plus en plus lourd sur l'assurance de base. Si la croissance globale des coûts s'élevait à 4% en 2022, elle était de 6,8% dans le domaine des pharmacies - plus que dans tout autre domaine partiel.

«Ce sont les payeurs de primes qui en pâtissent»

L'économiste en chef de Santésuisse soutient la taxe partielle en tant que «mesure judicieuse». «Mais les pharmaciens en profitent excessivement en raison d'une solution compliquée et technocratique, ajoute Christoph Kilchenmann. Et ce sont une fois de plus les payeurs de primes qui en font les frais!»

A l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui est responsable de la rémunération, on ne s'attend pas à des coûts supplémentaires. «Sans la remise partielle, les deux personnes recevraient un paquet entier, explique une porte-parole. Ce qui signifie que même sans remise partielle, la pharmacie facturerait deux fois la part de distribution. En outre, écrit-elle encore, la remise partielle est une solution pragmatique pour garantir aux patientes et aux patients un accès à certains médicaments.»

Pharmasuisse, l'association des pharmaciens, n'a pas pu être jointe par Blick.

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