Des milliards de recettes grâce à une taxe minuscule
Cette taxe miracle pourrait-elle combler le trou des retraites?

Le oui à la 13e AVS a donné un nouvel élan à une vieille idée: l'introduction d'un impôt sur toutes les opérations du marché financier. Blick passe au crible ce prétendu miracle fiscal.
Publié: 20.03.2024 à 08:14 heures
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Lea Hartmann

Un impôt minuscule pour un effet énorme? L'idée qui séduit le Centre alors que les partis suisses cherchent désespérément comment financer la 13e rente AVS semble presque trop belle pour être vraie. Elle est en tout cas simple à comprendre: taxer les transactions boursières pour que chaque achat d'actions puisse in fine rapporter un petit pactole à l'Etat.

La proposition est largement approuvée par la population, comme le montre un récent sondage. Aucune autre mesure ne récolte autant de popularité. Mais comment un tel impôt fonctionnerait-il concrètement? Et quels sont les risques?

De quoi parle-t-on?

L'idée d'un impôt sur les transactions du marché financier revient sur le tapis du monde politique et économique depuis des décennies. Son principe? Soumettre chaque opération sur le marché financier – par exemple l'achat d'une action ou la vente d'une obligation – à une petite taxe de 0,1 ou 0,2% par exemple. Compte tenu du nombre énorme de transactions qui ont lieu chaque jour, les mini-taxes s'accumuleraient pour générer des milliards de recettes pour l'État.

Le chef du groupe parlementaire du Centre Philipp Bregy mise sur un impôt sur les transactions des marchés financiers pour combler le trou financier de l'AVS.
Photo: keystone-sda.ch
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Il faut distinguer l'idée d'un micro-impôt sur toutes les transactions financières – par exemple sur les paiements de salaire ou lorsque l'on twinte à son amie sa part lors d'un diner au restau. Une initiative populaire l'avait demandée il y a quelques années, tout en supprimant la TVA. Elle avait échoué par manque de signatures.

Une telle taxe sur tous les mouvements d'argent va toutefois trop loin pour le Centre, qui met actuellement en avant la demande d'une taxe sur les transactions. «Il est clair que nous visons en premier lieu les grandes transactions financières», déclare le chef du groupe parlementaire du Centre, Philipp Bregy.

Pourquoi c'est intéressant?

A première vue, les chiffres donnent raisons aux partisans d'une micro-taxe: en 2022, plus de 50'000 milliards de francs ont circulé via le système de paiement suisse Swiss Interbank Clearing, qui couvre la majorité des transactions en Suisse. Même un impôt de l'ordre du pour mille rapporterait des milliards.

Avec le droit de négociation, un droit de timbre, il existe déjà aujourd'hui un impôt sur les transactions en Suisse. Il a rapporté 1,5 milliard de francs à la Confédération en 2020. Un impôt général sur les transactions des marchés financiers irait beaucoup plus loin.

Quelques pays ont introduit une telle taxe. En France, lors de l'achat d'actions d'entreprises françaises dont la valeur boursière est supérieure à 1 milliard d'euros, 0,3% est reversé à l'État. Pour le trading à haute fréquence, c'est 0,01%. L'Italie et la Grande-Bretagne connaissent également des taxes sur les transactions du marché financier.

En revanche, une micro-taxe sur l'ensemble du trafic des paiements électroniques n'existe encore nulle part. «Elle pourrait nous permettre non seulement de financer la 13e AVS, mais aussi de supprimer la TVA sur les produits alimentaires de base», explique Marc Chesney. Ce professeur de mathématiques financières à l'université de Zurich a été l'un des cerveaux de l'initiative sur les micro-taxes – et il continue à s'enflammer pour cette idée. Aujourd'hui déjà, il existe déjà des frais pour de nombreuses transactions. «On ne parle pas beaucoup de celles-ci», note Marc Chesney. 

Pourquoi ce n'est pas si simple?

Le Conseil fédéral craint en revanche que la compétitivité de la place financière suisse n'en sorte affaiblie. L'économiste Aymo Brunetti de l'université de Berne et Jan-Egbert Sturm, directeur du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ, expriment aussi de grandes réserves. «Comme le capital est très mobile, il y a un risque qu'une grande partie des transactions se déplace à l'étranger, explique Jan-Egbert Sturm Sturm. Le coup pourrait se retourner contre nous.»

Aymo Brunetti met par ailleurs en garde: «Si tous les pays n'introduisent pas cette taxe en même temps, toute l'activité sera transférée à l'étranger en un clic de souris et il n'y aura pas de recettes fiscales.» C'est la raison pour laquelle les quelques taxes sur les transactions des marchés financiers existantes «ont un nombre extrêmement élevé d'exceptions et sont peu productives».

Et maintenant?

Le Conseil des Etats a chargé le gouvernement, dès 2022, d'examiner à quoi pourrait ressembler un impôt sur les transactions des marchés financiers et ce qu'il pourrait rapporter. Alors que le PS milite depuis longtemps pour un micro-impôt sur les transactions des marchés financiers afin de freiner les spéculateurs, la résistance est grande dans le camp bourgeois. «Une introduction isolée de la Suisse est très discutable en termes d'utilité», déclare le vice-président du PLR Andri Silberschmidt. On attend maintenant les conclusions du Conseil fédéral. L'exécutif précise toutefois: «Nous ne sommes pas favorables à une augmentation unilatérale des impôts, quelle qu'elle soit.»

Le rapport du gouvernement devrait être disponible d'ici l'été. On devrait alors savoir plus clairement si le miracle fiscal relève du possible – ou du mirage.

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