Des millions en jeu
Ils vous invitent à «pirater» le géant chinois Shein!

Shein, ça vous parle? Un appel à la mobilisation veut faire cliquer le plus de monde possible sur les liens sponsorisés que la marque chinoise paie à Google. Sans rien acheter, afin de lui faire perdre de l'argent.
Publié: 20.12.2023 à 16:52 heures
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Dernière mise à jour: 20.12.2023 à 17:53 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Vous connaissez Shein, cette marque chinoise qui apparaît toujours en premier lorsque vous googlez «chaussettes fourrées» ou «chemise à pois»? La même que les influenceurs boycottent de plus en plus, dénonçant la «mode jetable» (fast fashion) de l'entreprise multimilliardaire. Eh bien, certains veulent que vous participiez à les «couler».

La plateforme «The Good Goods», un média de mode éthique, veut hacker le géant chinois du vêtement ultra-bon marché. De 17h à 22h mercredi 20 décembre, le journal en ligne appelle à mobiliser le plus de monde possible pour faire perdre des sous à la firme. Légalement, et en utilisant le principe de l'arroseur arrosé. On vous explique.

«Vous faire cliquer» des dizaines de fois sur le site chinois

Si Shein apparaît tout en haut de la page Google, quel que soit le vêtement que vous cherchiez, c'est évidemment parce qu'elle paye pour cela. La mention «sponsorisé» l'indique. Shein verse à Google un «coût par clic», ou CPC, à chaque fois qu'une personne choisit le lien sponsorisé. Le tarif dépend de la rareté du mot-clé, et Shein en achète tout plein — c'est pour ça que c'est sur eux que vous tombez quand vous voulez un «cardigan en laine» ou un «monokini jaune».

«The Good Goods», média sur la mode écoresponsable, s'oppose au concept de mode jetable de Shein. Il sait pourtant que l'action est symbolique, et que la marque multimilliardaire ne coulera pas pour quelques clics.
Photo: KEYSTONE/DR

Si l'on résume, 100 personnes qui cliquent sur CPC à 25 centimes, Shein débourse 25 francs auprès de Google. Si ces 100 personnes dépensent plus que 25 francs, la marque chinoise est gagnante. Mais si personne n'achète rien... C'est justement le concept du «plus grand hack de l'histoire du e-marketing» proposé par «The Good Goods».

«On aimerait vous faire cliquer des dizaines de fois sans acheter au même moment, énonce Victoire Satto dans un post de son média sur Instagram. Si on s'y met toutes et tous à raison d'une dizaine de clics chacun, on peut faire perdre des centaines de milliers, voire des millions de [francs] à la marque.»

Ruiner Chine, pas pour tout de suite

La jeune femme est consciente que cette opération, imaginée par le Youtubeur Martin Tissier, ne fera pas vaciller Shein. «Néanmoins, c'est un symbole très fort contre la marque d'ultra fast fashion. Le principe ne demande pas beaucoup d'effort: chercher Shein en ligne et cliquer sur les liens sponsorisés une bonne dizaine de fois. Évidemment, il faut quitter le site sans rien acheter une fois que vous atterrissez dessus. Sinon, c'est contre-productif.

«The Good Goods» n'est pas non plus dans le déni quant au fait que le hack profitera à un autre géant, Google. «Nous ne pensons pas ruiner ou enrichir significativement l'une ou l'autre des marques avec cette opération, mais plutôt générer une nouvelle vague d'indignation envers le modèle de l'ultra fast fashion», affirme Victoire Satto. Il est aussi possible d'utiliser Ecosia, un moteur de recherche allemand qui œuvre à la reforestation en Afrique, rappelle la directrice du média sur la mode écoresponsable.

Une autre question soulevée par le média belge «La Libre» est celle du référencement. Si des milliers de personnes se jettent sur le site chinois au même moment, ce dernier ne risque-t-il pas d'être encore mieux référencé par Google? En réalité, beaucoup de paramètres entrent en jeu. Pour éviter ce retour de bâton, il faut quitter la page de la marque le plus vite possible.

Travailleuses exploitées, décharges en Afrique...

Les ombres au tableau de la marque ultra-bon marché qui plaît aux ados sont nombreuses. Les travailleuses chinoises d'abord, qui cousent jusqu'à douze heures par jour, dénonce Public Eye, qui révèle que Shein met une semaine à créer un vêtement, du design à l'emballage.

L'extrême gaspillage que génère la marque chinoise, ensuite. Il lui coûterait moins cher d'envoyer les vêtements retournés au Ghana, que de les préparer pour la revente, indique l'agence Reuters. Quinze millions de pièces neuves arriveraient toutes les semaines au marché de fripes d'Accra. Près de 40% finiraient brûlés en tas autour de la ville de Kantamanto. L'opacité du groupe Shein, finalement, ses multiples marques qui seraient toutes installées dans des paradis fiscaux, toujours selon Public Eye. L'on pourrait ajouter les six millions de clients qui se sont fait voler leurs données dans un grand hack (illégal, celui-là) du site Shein en 2018.

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