Les viols de Mazan ont de l'écho en Suisse
Pour cet UDC romand, la soumission chimique est «trop facile d'accès»

La soumission chimique, au cœur des viols de Mazan, est un mode opératoire «facile d'accès» en Suisse. Le conseiller national UDC Thomas Bläsi souhaite compliquer la tâche des criminels. Sa motion s'attaque à la sécurisation trop faible des ordonnances médicales.
Publié: 11.09.2024 à 16:50 heures
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Dernière mise à jour: 11.09.2024 à 17:16 heures
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Léo MichoudJournaliste Blick
La soumission chimique consiste à administrer à sa victime une substance (drogue ou médicaments) la mettant dans un état second, afin de commettre un crime.
Photo: Shutterstock

La soumission chimique est bien «trop facile d'accès» en Suisse, alerte Thomas Bläsi, conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) et pharmacien à Genève. Droguer sa victime pour l'endormir ou lui faire tout oublier, ceci afin de l'agresser sexuellement ou de la détrousser: ce crime est au cœur de l'actualité avec le procès de Mazan, en France. Pas moins de 50 hommes sont accusés d'avoir violé une femme, Gisèle Pelicot, profitant de l'état d'inconscience dans lequel l'a mis son mari Dominique entre 2011 et 2020.

Ce mardi 10 septembre, l'élu UDC a déposé à Berne un texte visant à compliquer aux criminels la tâche d'obtenir les médicaments nécessaires à cet acte violent. De quoi rassembler des signataires aussi bien dans son camp politique que chez les Vert-e-s, les socialistes (PS) ou les libéraux-radicaux (PLR) romands.

Des ordonnances illégales, mais communes

En cause pour l'élu UDC, interrogé mardi par Blick? La pratique illégale mais «confortable» qui pousse les médecins à délivrer — et les pharmacies à accepter — des ordonnances que les «patients» montrent uniquement sur leur téléphone. «Une sécurisation des ordonnances par QR code ou toute autre méthode pour les rendre infalsifiables doit être urgemment mise en place», conclut le texte de la motion déposée au Parlement.

En plus d'être élu UDC au Conseil national, Thomas Bläsi est pharmacien de profession et s'inquiète des dérives des ordonnances médicales en Suisse.
Photo: Keystone

Il y a donc les vrais patients — qui ne prennent que la dose indiquée — et des «déviants», qui font un usage détourné de certains médicaments courants distribués sur ordonnance comme les anxiolytiques, les anti-dépresseurs, les antihistaminiques ou les benzodiazépines. Selon Thomas Bläsi, «les moyens de contrôle sont déficients et les ordonnances actuelles permettent d'obtenir facilement les mêmes médicaments dans plusieurs établissements».

Dans sa pharmacie, le conseiller national genevois «ne délivre jamais des médicaments qui pourraient être utilisés pour un usage détourné», lorsqu’ils lui sont présentés sur téléphone. «Le problème, c’est que c’est devenu tellement systématique chez énormément de médecins, alors même que c’est interdit, se désole le professionnel de la santé. Cela devient dangereux. Il y a une vraie sensibilisation à faire auprès des prescripteurs et des pharmaciens.»

Particulièrement facile en Suisse

Les ordonnances manuscrites du médecin ne sont plus la norme. Celles intégrées au dossier électronique du patient ne le sont pas encore. «En Suisse, il n’y a pas de standard d’ordonnance, déplore Thomas Bläsi. Un bout de papier avec un tampon peut être considéré comme une ordonnance.»

De quoi générer des conflits en cas de refus du pharmacien. «Les faux patients savent y faire», se plaint Thomas Bläsi, poussé à devoir «gérer des arnaques de rue» au quotidien dans sa boutique de remèdes.

Son souhait le plus cher? «Avoir les moyens de contrôler que ces médicaments vont aux personnes qui en ont besoin et non aux personnes qui veulent les utiliser pour assouvir leurs idées perverses.» Pour l'élu UDC, la solution est simple: «Il suffirait d’un lecteur et d’un QR code pour voir qu’une ordonnance a déjà servi une première fois. Et éviter qu’un patient ne fasse le tour des pharmacies pour se constituer un stock.» Des moyens supplémentaires qu'il demande au Conseil national de considérer.

Quid des viols de Mazan?

L’histoire des viols de Mazan a choqué Thomas Bläsi: «Des gens ont une perversité impressionnante et un manque d’empathie totale. C’est totalement affreux de se dire que les médicaments permettant une soumission chimique ont pu être obtenus par le criminel pour endormir sa femme.»

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«Si vous allez dans une pharmacie française avec une photo d’ordonnance, jamais vous n’obtiendrez les médicaments que vous cherchez»
Thomas Bläsi, conseiller national UDC et pharmacien
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Pourtant, il l'assure, la France est bien plus sécurisée que la Suisse sur le plan de la facilité d'accès aux médicaments potentiellement dangereux. «Si vous allez dans une pharmacie française avec une photo d’ordonnance, jamais vous n’obtiendrez les médicaments que vous cherchez. Ce serait intéressant de savoir comment l'ex-mari a obtenu les médicaments en question.»

Thomas Bläsi espère obtenir le soutien de la population, ainsi que du Conseil fédéral. «Il est nécessaire de sensibiliser les parents et les jeunes qui sortent beaucoup. Mon constat de politicien, c’est que quand on a la pression de la population, les textes comme celui-ci finissent par passer la rampe.»

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