Des prescriptions à haute dose
En Suisse, les requérants d’asile sont gavés de psychotropes

Une enquête des titres de Tamedia révèle que les médecins des centres d’asile fédéraux auraient la main lourde avec les calmants qu’ils prescrivent aux réfugiés. Une famille pakistanaise, expulsée de Suisse et vivant aujourd’hui en France, témoigne.
Publié: 29.09.2024 à 19:11 heures
Alessia Barbezat
Selon une enquête des titres de Tamedia, les médecins des centres d’asile fédéraux auraient la main lourde avec les calmants qu’ils prescrivent aux réfugiés.
Photo: IMAGO/Lobeca

C’est l’histoire de Bisra Fayyaz que racontent les titres dominicaux de Tamedia. Durant son périple, du Pakistan à la Suisse, la jeune femme subit des événements traumatisants. Elle fait une fausse couche et sombre dans une sévère dépression.

À son arrivée en Suisse, un médecin du centre fédéral d’asile lui prescrit des psychotropes. D’abord des antidépresseurs, puis de la prégabaline, un médicament pouvant entraîner des graves anomalies congénitales pour le fœtus lors d’une grossesse. Or, Bisra Fayyaz est enceinte sans le savoir. Et le médecin menant son entretien – dix minutes à l’aide de Google Translate – ne s’en est pas soucié.

Psychotropes prescrits à haute dose

Comme le rapporte une enquête mandatée par la Confédération en 2018 et citée par les journaux de Tamedia, plus de la moitié des demandeurs d'asile dans les centres fédéraux souffrent de problèmes psychiques. Pourtant, au lieu de recevoir une prise en charge adéquate, ils se voient souvent prescrire des psychotropes dont de puissants tranquillisants pouvant causer de sérieux effets secondaires.

Sept médecins travaillant dans ces centres ont été interrogés par Tamedia. Ils évoquent des conditions de travail «insuffisantes au niveau médical», un manque de ressources et une forte pression temporelle. Sans compter la barrière linguistique qui complique davantage la situation. Faute de suivi adéquat dû aux déplacements incessants des requérants entre les centres, les risques de dépendance, de surdosage et d'interruption brutale du traitement sont réels.

Potentiel d'amélioration selon le SEM

Pour les experts interrogés, il est urgent de renforcer la présence de psychothérapeutes avec une formation interculturelle dans les centres et de mieux dépister les souffrances psychiques dès l'arrivée des demandeurs d'asile. Les titres de Tamedia rapporte également que le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) reconnaît un potentiel d'amélioration dans la transmission des dossiers médicaux et prévoit d'aborder cette question avec les cantons.

Quant à Bisra Fayyaz, si elle va mieux grâce à une vraie prise en charge psychothérapeutique en France, l'avenir de sa famille reste incertain. Leur demande d'asile ayant été rejetée en France, ils risquent l'expulsion vers le Pakistan.

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