Égalité dans le langage
La Confédération ne veut pas de l'astérisque de genre en allemand dans les textes officiels

La Confédération s'efforce d'utiliser un langage sensible au genre, mais ne veut pas de l'astérisque de genre, utilisé en allemand sur le même principe que le point médian en français. Dans une récente directive, elle interdit son usage à ses fonctionnaires.
Publié: 22.06.2021 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 22.06.2021 à 08:40 heures

L'utilisation de l'astérisque de genre (*) s'est démocratisée dans la langue allemande pour attribuer un genre neutre aux mots, sur le même principe que le point médian ou les tirets courts en français.

En Suisse alémanique, les militant·es (ou militant*es) de gauche ne sont pas les seuls à utiliser le symbole pour écrire de manière inclusive. Les autorités des cantons germanophones utilisent également de plus en plus cet astérisque, les deux points (comme dans citoyen:nes par exemple), ou le tiret (citoyen_ne).

Beaucoup de spécialistes s'accordent sur le fait que la langue allemande s'y prête mieux que la nôtre. La Confédération, cependant, se refuse à ces nouvelles orthographes inclusives. Une nouvelle directive de la Chancellerie fédérale interdit explicitement aux fonctionnaires fédéraux d'utiliser les astérisques, les deux points et les tirets dans les documents officiels en allemand.

L'astérisque de genre devra être banni des textes du gouvernement fédéral.
Photo: imago
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Oui au langage de l'égalité des sexes... mais pas comme ça

La Chancellerie fédérale admet que les personnes qui ne s'identifient pas clairement comme un homme ou une femme ne sont «pas représentées de manière égale» dans la langue. Des efforts sont faits pour utiliser un langage aussi inclusif que possible. Toutefois, la Confédération rejette l'utilisation de moyens typographiques «pour des raisons linguistiques, politico-linguistiques et juridiques».

Par exemple, la Chancellerie fédérale fait valoir que les signes ne peuvent pas être correctement exprimés par des mots. De plus, leur utilisation systématique pourrait conduire à une «altération considérable de la lisibilité d'un texte». Surtout s'il faut adapter non seulement les noms, mais aussi les pronoms et les adjectifs. Un autre argument avancé est le manque d'accessibilité, car on ne sait pas comment les textes comportant un astérisque peuvent être lus par des personnes malvoyantes.

L'astérisque de genre et les autres ajustements typographiques sont accusés de toujours être des signes chargés politiquement. Toutefois, la Confédération ne devrait pas faire de telles déclarations «avant que les discussions sociales, politiques et juridiques pertinentes aient eu lieu et que les décisions appropriées aient été prises».

Des ajustements interdits dans les textes officiels

Le règlement s'applique à tous les textes de l'administration fédérale, qu'il s'agisse du livret de vote, des sites web, des lettres ou des rapports. Il en va de même pour la rédaction des initiatives populaires et des notes explicatives du livret de vote.

Il relèvera du rôle des fonctionnaires du gouvernement de traquer ces ajouts typographiques et de les supprimer. Dans le cas où la Confédération traduirait une proposition d'un conseiller national, il pourrait également omettre les astérisques de genre et autres modifications orthographiques du texte.

Le conseiller national du Centre Philipp Kutter comprend que la Confédération attache de l'importance à une orthographe compréhensible: «Les textes officiels doivent être compris par tous.» L'astérisque de genre (ou le point médian) n'est pas encore la solution optimale dans ce domaine selon lui. «Il n'est pas facile à manier et conduit parfois à des formulations linguistiquement peu soignées» continue le conseiller national.

Le dictionnaire n'a pas encore tranché sur la question

Philipp Kutter fait partie d'un groupe parlementaire qui défend les préoccupations de la communauté LGBTQI+. Ce groupe récemment formé réunit aussi bien des parlementaires de droite que de gauche. Le conseiller national du Centre appelle à trouver des solutions: «Nous devons trouver un langage qui rende justice à la diversité des identités de genre.» Mais cela prendra probablement un certain temps: «Le Duden (ndlr: dictionnaire de langue allemande) n'a pas encore pu trancher à ce sujet non plus.»

Au lieu d'écrire les politicien·nes (ou politicien*nes), les chercheur:ses et les conseillers_ères fédéraux_ales, les fonctionnaires fédéraux germanophones devront plutôt privilégier l'utilisation de la forme féminine et masculine des mots ou utiliser des expressions non sexistes selon cette nouvelle directive. Si l'espace manque, l'usage de la barre oblique sera toutefois autorisé (comme dans citoyen/ne).

Qu'en est-il du français?

La Confédération a publié son premier « guide de rédaction non sexiste » francophone en 1986, qui a par la suite évolué. La version utilisée actuellement date de 2006. Elle ne se prononce pas le langage inclusif. En mars de cette année, une motion a été déposée par le conseiller national valaisan Benjamin Roduit (PDC) pour interdire explicitement le langage inclusif «dans tous les documents issus de son administration et des institutions dépendantes de l'administration fédérale» au motif qu'il n'est pas reconnu par l'Académie française. Dans son avis du 19 mai, le Conseil fédéral propose de la rejeter. Il affirme que toutes les consignes indispensables à la rédaction du français dans les documents officiels sont répertoriées sur le site web de la Confédération, notamment dans son «guide de rédaction non sexiste». Il n'y a donc selon le gouvernement «pas lieu de modifier des instructions qui ne prévoient pas l'usage de l'écriture inclusive ni d'imposer de nouvelles règles à l'heure actuelle».

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