Elias Vogt, le jeune qui a court-circuité Albert Rösti
«Cette loi détruira la nature et est dangereuse pour notre démocratie»

Après avoir défait le conseiller fédéral de l'Union démocratique du centre (UDC) Albert Rösti devant les siens, Elias Vogt, président de Paysage Libre Suisse, croit à une victoire des opposants à la loi sur l'électricité. Verdict le 9 juin prochain. Interview.
Publié: 07.04.2024 à 12:53 heures
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Dernière mise à jour: 08.04.2024 à 08:40 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Elias Vogt est un quasi inconnu en terres romandes. Outre-Sarine par contre, le jeune homme de 28 ans est en train de se faire un nom. La raison: celui qui préside Paysage Libre Suisse est l’un des fers-de-lance des opposants à la loi sur l’électricité, soumise au vote le 9 juin prochain.

L’heureux propriétaire de l’Hôtel Chasseral, établissement incontournable du Jura bernois, a d’ailleurs réussi un sacré tour de force il y a quelques jours. Précisément Le 23 mars, à Langenthal (BE). Nous sommes alors en pleine assemblée des délégués de l’Union démocratique du centre (UDC).

Elias Vogt débat face au conseiller fédéral Albert Rösti. Objectif du ministre de l’Énergie qui ronronne devant sa propre famille politique: défendre le texte attaqué par référendum. Mais, épaulé par certains poids lourds conservateurs, l’outsider convainc l’auditoire! BIM, dans les dents du grand Sage. «C’était impressionnant», murmure à Blick un cacique romand de l’UDC. Il prend un ton solennel: «Nous avons assisté à l’émergence d’une nouvelle personnalité avec laquelle il faudra désormais compter en Suisse.»

Elias Vogt, président de Paysage Libre Suisse, est l'un des opposants à la loi sur l'électricité qui sera soumise à la population le 9 juin prochain.
Photo: Keystone

Au bout du fil, ce dimanche 7 avril, l’Alémanique, qui s’exprime dans un très bon français, fait peu de cas de ce glorieux épisode. Pour lui, seul le débat de fond compte. Le pas encore trentenaire assure en substance qu’il est pour les énergies renouvelables à condition que la nature n’en pâtisse pas.

Cet énergumène aux airs de Winkelried des temps modernes balaie en outre l’argument de la souveraineté énergétique avancé par les défenseurs du texte — l’ensemble de la classe politique et différentes grandes associations de défense de la nature — mais est sous tension au moment de se prononcer sur le nucléaire. Interview du militant qui rêve ouvertement de court-circuiter les partis en réseau sous la Coupole.

Elias Vogt, il y a deux semaines, vous dézinguiez le conseiller fédéral UDC Albert Rösti alors qu’il défendait la loi sur l’électricité devant ses troupes. Cela doit être une victoire au goût particulier, non?
Pour moi, ce n’était pas important de battre un individu, même s’il s’agit en l’occurrence d’un conseiller fédéral et donc d’une personnalité très forte. Ce qui comptait vraiment, c’était que nos arguments convainquent les gens. Car cette loi n’est pas bonne du tout pour le pays.

Le plus dur pour vous reste à faire: tous les partis sont favorables au texte que vous combattez. Vous croyez réellement à la victoire du pot de terre contre le pot de fer?
Même s’il est vrai qu’une victoire n’est pas très probable, je pense que nous avons de sérieuses chances. Nos deux arguments principaux contre cette loi — la destruction de la nature et le danger pour notre démocratique qu’elle engendrerait — sont porteurs. On a des soutiens à l’UDC, mais aussi au Parti libéral-radical (PLR) et chez les Vert-e-s, où certaines sections et personnalités militent à nos côtés. Je pense que nous avons par ailleurs une solide base au sein de la population.

Vous y allez fort! En quoi cette loi menacerait notre démocratie?
En cas d’acceptation, le Conseil fédéral pourra concentrer et abréger les procédures d’autorisation de construction d’éoliennes et de parcs solaires en pleine nature. Il pourra même interdire les votations communales contre des projets particuliers. Dans les faits, une simple ordonnance suffira. Cela signifie concrètement que le peuple suisse ne pourra pas s’y opposer par référendum. C’est pourtant un droit essentiel.

Voici l'un des visuels de campagne dévoilés ce dimanche 7 avril par Elias Vogt.
Photo: D.R.

Mais ce texte doit permettre à la Suisse de produire l’électricité dont elle a besoin. Elle pourra faire baisser la part de ses importations et gagnera par conséquent en souveraineté. Vous êtes contre la souveraineté du pays?
On ne peut pas détruire la nature en se cachant derrière cet argument de la souveraineté! Il y a d’autres solutions. Comprenez-moi bien, nous voulons des énergies renouvelables. Mais sur les toitures, pas dans la nature. Nous avons déjà un grand potentiel avec les surfaces disponibles sur les infrastructures déjà existantes.

La nouvelle présidente des Vert-e-s, Lisa Mazzone, assure ce samedi dans les journaux de TX Group qu’en réalité, pour les opposants dont vous faites partie, chaque éolienne et une éolienne de trop. Et que c’est la vraie raison derrière votre combat.
À Paysage Libre Suisse, nous sommes effectivement très critiques envers les éoliennes. C’est une infrastructure dont la construction nécessite par exemple le défrichement des forêts en de nombreux endroits de Suisse. C’est un coût global désastreux pour la nature et le climat pour peu d’électricité au final.

Sans éolienne, la Suisse n’arrivera pas à ses objectifs. À moins que vous soyez pour le nucléaire?
C’est faux! Le potentiel solaire et hydraulique réel du pays va bien au-delà de la consommation actuelle du pays et des objectifs fixés par la loi que nous combattons. Ce qui est bien avec le solaire, c’est que nous pouvons produire et stocker directement dans des zones ensoleillées, y compris pendant la période hivernale. Comme à Sion ou Crans-Montana, par exemple.

Vous ne répondez pas à ma question: vous êtes pour le retour du nucléaire?
Paysage Libre Suisse n’est ni un ami ni un ennemi du nucléaire. Ce n’est pas le sujet de la loi sur laquelle nous votons. La seule question qui compte est: où voulons-nous produire cette énergie renouvelable dont nous avons effectivement besoin? En pleine nature, avec les conséquences désastreuses que nous connaissons, où en profitant d’infrastructures déjà existantes?

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