En cas de pénurie d'énergie
Ceux qui chaufferont trop leur maison pourraient risquer la prison

En cas de pénurie d'énergie, le plan du Conseil fédéral est clair: il faudra chauffer moins. Pour ceux qui enfreindront l'ordonnance sur le gaz, les sanctions pourraient être sévères, allant de la simple amende à... la prison.
Publié: 06.09.2022 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2022 à 08:43 heures
Ruedi Studer

Risquerez-vous la prison si vous chauffez à 20 degrés au lieu de 19 cet hiver? Si le gaz vient à manquer durant la saison froide, la Confédération pourrait effectivement sévir dans ce sens. Dans les bâtiments chauffés au gaz, la température intérieure ne devra pas dépasser 19 degrés, l’eau chaude ne pourrait plus être chauffée qu’à 60 degrés et les radiateurs ou les tentes à air chaud seraient interdits. Les saunas et les piscines, eux, devraient rester éteints.

Ceux qui enfreignent les directives du gouvernement risquent une amende, voire une peine d’emprisonnement! En cas d’infraction délibérée des directives, une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison pourrait être prononcée. Même en cas d’infraction par négligence aux mesures, une peine pécuniaire pouvant aller jusqu’à 180 jours-amende est possible.

C’est ce que prévoit la loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays, à laquelle le Département de l’économie (DEF) renvoie explicitement dans un document officiel.

Si vous augmentez trop le chauffage en cas de pénurie d'énergie, vous risquez une amende.
Photo: Keystone
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Délits, voire crimes

«Les infractions à la loi sur l’approvisionnement du pays sont toujours des délits, voire ponctuellement des crimes, et doivent être poursuivies d’office par les cantons», explique le porte-parole du DEF, Markus Spörndli. La loi ne propose donc «aucune base pour des amendes d’ordre».

Les peines pécuniaires ne devraient toutefois pas être nécessairement plus élevées que les amendes et peuvent être traitées par ordonnance pénale par le Ministère public, détaille Markus Spörndli. Ainsi, le taux journalier des peines pécuniaires est généralement de 30 francs au minimum et de 3000 francs au maximum. «Le nombre de jours-amende est déterminé en fonction de la faute», poursuit le porte-parole. Et le montant du jour-amende l'est en fonction de la situation personnelle et économique de l’auteur.

En clair: si vous avez mal réglé votre thermostat par mégarde, vous vous en tirerez mieux que votre voisin qui a volontairement chauffé sa piscine à 25 degrés. La sanction devrait être encore plus lourde pour une entreprise qui dépasse délibérément les limitations de consommation de gaz. L’ordonnance sur le contingentement est également soumise aux dispositions pénales.

Contrôles ponctuels possibles

Risque-t-on une chasse aux sorcières concernant les personnes trop gourmandes en énergie? «Nous ne sommes pas un Etat policier, avait assuré le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, mercredi dernier lors de la conférence de presse du Conseil fédéral. La police ne passe pas chez tout le monde, mais il peut y avoir des contrôles ponctuels.» Il existe en effet des directives dans d’autres domaines qui ne sont pas contrôlées en permanence.

«Les projets d’ordonnances se basent en premier lieu sur le fait que la grande majorité de la population respecte les lois», souligne Markus Spörndli.

Justement, les contrôles ne sont pas exclus, surtout si l’on est dénoncé par un voisin mécontent ou un justicier de quartier un peu trop zélé. Dans ces cas-là, celui qui chauffe à 20 degrés au lieu de 19 peut s’attendre à une amende. Le porte-parole du DEF le confirme également, du moins «si l’infraction était signalée et contrôlée et pouvait ensuite être prouvée».

Des contrôles dans la zone grise

La Confédération est toutefois parfaitement consciente qu’elle évolue dans une zone grise. La seule question de savoir si les mesures sont effectuées au bon endroit – il fait généralement plus frais sur un mur extérieur que sur un mur intérieur – pourrait occuper les tribunaux.

Dans ses explications, le DEF précise qu’il est «extrêmement difficile de définir le critère 'non utilisé' de manière plus détaillée et surtout plus précise» en ce qui concerne l’interdiction de chauffer les bâtiments non utilisés. La question de savoir où la limite entre utilisation et non-utilisation devrait raisonnablement se situer «place le législateur devant un grand défi».

Appliquer la loi avec «discernement»

Le défi est encore plus grand pour les cantons qui doivent contrôler les prescriptions d’interdiction. Le directeur de la police, Fredy Fässler, avait déjà appelé la Confédération à «n’ordonner que des mesures qui soient applicables et surtout contrôlables».

Le conseiller d’Etat saint-gallois ne veut pas encore se prononcer concrètement sur la question de savoir si les ordonnances présentées répondent à ce souhait, renvoyant à la consultation en cours.

«Il y a cependant encore quelques questions ouvertes qui doivent être clarifiées», précise Fredy Fässler à Blick. Ainsi, il faudrait délimiter précisément quelle autorité ou institution est responsable de quels contrôles. Le conseiller d'Etat ne veut pas que la police de l’énergie fasse du porte-à-porte: «Nous voulons appliquer l’ordonnance avec discernement.»

Comme cela s’est parfois produit du temps de la pandémie de Covid, Fredy Fässler sait qu’il faut s’attendre à une certaine délation. «Si une plainte est déposée dans ce sens, la police doit agir», explique le directeur de la police.

Faudra-t-il recourir à des amendes d’ordre?

En raison des dispositions pénales actuelles, il faudrait également faire appel au Ministère public, voire aux tribunaux. «La question se pose ici de savoir si, au lieu de procédures pénales coûteuses, de simples amendes d’ordre ne seraient pas, comme dans la crise du Covid, le bon moyen, questionne Fredy Fässler. Nous devrons certainement en discuter.»

Les cantons ont désormais jusqu’au 22 septembre pour faire part de leurs doutes et de leurs propositions sur cette question.

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