Entretien avec le président des pharmaciens vaudois
Détecter la violence conjugale: «en pharmacie, la consultation ne laisse aucune trace»

Neuchâtel va former ses pharmaciens à détecter la violence conjugale. Des cours créés par Vaud, qui lance maintenant un label pour identifier les officines compétentes. Le président des pharmaciens vaudois en dit plus.
Publié: 22.11.2023 à 10:44 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2023 à 11:25 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Au tour de Neuchâtel de former ses pharmaciens à détecter et aiguiller les victimes de violences conjugales, révélait «Le Temps» le 20 novembre. L'idée repose sur la pharmacie comme un lieu accessible sans rendez-vous, où l'on peut discuter avec un professionnel de la santé sans qu'une facture de consultation ne laisse de trace.

Les pharmaciens vaudois sont à l'origine de cette formation, démarrée en début d'année 2023. Genève a suivi en octobre. Les officines qui forment plus de deux membres de leur personnel arboreront désormais d'un label, mettant en lumière les compétences spéciales de l'équipe, annonçait lundi 20 novembre l'État de Vaud. Entretien avec Christophe Berger, président de la Société vaudoise de pharmacie (SVPH).

Christophe Berger, qu'est-ce qui a motivé la création d'une formation?
Être confrontés à une victime de violence domestique, nous l'avons toujours vécu. Mais chacun faisait un peu à sa manière. Nous voulions donner des outils de sensibilisation et d'information pour harmoniser les pratiques. Nous apprenons aussi à rassurer la personne. Il y a une partie communication dans la formation, comment dialoguer avec une victime qui souvent pense que c'est sa faute.

Christophe Berger et l'autocollant qui sera posé sur les vitrines d'officines qui auront formé au moins deux employés à la question.
Photo: KEYSTONE/DR

Vos collègues ont-ils été emballés?
On pensait que 60 pharmaciens seraient intéressés, en fait, plus de 300 se sont inscrits à l'ouverture de la formation. (Vaud a déjà formé plus de 416 pharmaciens et assistants, ndlr.) Le Valais est maintenant intéressé.

Si vous étiez déjà confrontés à ces situations, qu'apprenez-vous de neuf?
Le volet du droit est intéressant. Nous sommes pharmaciens et non juristes. Nous ne savons pas ce qu'il se passe quand on envoie les gens à l'hôpital. Nous sommes désormais formés pour conseiller à une victime d'aller faire un constat aux urgences, par exemple, et lui expliquer clairement ce que ça veut dire pour elle. On transmet toutes les informations à une personne. Les pharmaciens qui ont suivi le training sont au même niveau.

Qui a élaboré ces cours?
J'ai eu une stagiaire qui réalisait son travail de mémoire sur ce sujet. Nous avions déjà identifié la problématique dans ma pharmacie, et essayé de trouver une solution à notre échelle. Au fil de discussions, plusieurs pharmaciens ont montré beaucoup d'intérêt à l'idée d'être formé. Nous avons travaillé avec le Canton, qui prend en charge une partie des coûts (à Neuchâtel, la formation est offerte jusqu'au 8 mars, puis coûtera 80 francs, ndlr), et avec le Bureau de l'égalité.

N'avez-vous pas peur qu'un label puisse dissuader les victimes qui cherchent la discrétion, ou pourraient être poussées à entrer ailleurs par leur conjoint si le signe devenait trop reconnu?
Je comprends ce que vous voulez dire. Si une victime arrive en présence de son abuseur, elle ne sera de toute façon pas libre de parler. Mais l'avantage d'une pharmacie, c'est qu'il s'agit d'un lieu ouvert 6j/7, sans rendez-vous. On peut discuter avec des professionnels de la santé sans aucune trace. Nous ne facturons pas de consultations. Et les consultations se font dans une petite pièce à part.

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