Face-à-face Glarner vs Gallati
Ces deux amis UDC que le Covid déchire

Jean-Pierre Gallati et Andreas Glarner sont deux compères de toujours. Or, le Covid est venu jeter un gros froid entre le ministre cantonal de la Santé et le conseiller national. Blick les a réunis pour en débattre.
Publié: 24.08.2021 à 03:07 heures
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Dernière mise à jour: 24.08.2021 à 07:10 heures
Interview: Rahel Lenz & Ladina Triaca, Adaptation: Adrien Schnarrenberger

Il est 9h du matin et la place de la gare d'Aarau est presque déserte. C'est le moment choisi pour la rencontre entre Jean-Pierre Gallati et Andreas Glarner. Les deux hommes se connaissent depuis des décennies, ont fait les 400 coups ensemble. Seulement voilà: la crise du Covid est passée par là et leurs deux positions sont impossibles à rapprocher.

Le ministre argovien de la santé et le président de la section cantonale de l'UDC ne seront jamais d'accord en ce qui concerne la pandémie — et le rendez-vous organisé par Blick ne va rien y changer.

Pour être précis, c'est Jean-Pierre Gallati qui a initié la rencontre. Parce qu'il ne voulait pas réagir par médias interposés aux attaques de son pote, mais discuter avec lui.

Le conseiller national UDC Andreas Glarner (à gauche) et le conseiller national Jean-Pierre Gallati (à droite), du même parti, entretiennent une amitié mise à mal par le Covid.
Photo: Philippe Rossier
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Monsieur Glarner, vous avez traité Jean-Pierre Gallati de «Höseler» («mauviette»). Pourquoi s'en prendre à votre ministre de la santé, dans le dos qui plus est?
Glarner:
Il faudrait rajouter un -s à mauviette(-s): j'entendais par là l'ensemble du gouvernement argovien, et non pas mon ami Gallati. De toute façon, c'est simple à résumer: nous n'avons pas la même position en ce qui concerne toute cette histoire de coronavirus.

Entre les ministres cantonaux de l'UDC et les pontes du parti, il y a un fossé sur la question de la loi Covid. Ce week-end, les délégués ont décidé d'adopter le mot d'ordre «Non» sur la loi — et donc également le certificat. Êtes-vous déçu, Monsieur Gallati?
Gallati: Je m'en tiens au fait que l'UDC a voté oui à la loi et au certificat sous la Coupole, tant au Conseil des États qu'au Conseil national.

Êtes-vous déçu?
Gallati: Non, je suis simplement d'un avis différent. Et j'essaie de convaincre les gens avec mes arguments. Je dirais par exemple aux restaurateurs argoviens que ce n'est pas une chasse aux sorcières que d'adoper ce certificat. C'est notre seul moyen d'éviter des fermetures.

Monsieur Glarner, vous vous étiez abstenu lors de la votation au Parlement. Maintenant, vous êtes en première ligne contre ce certificat. D'où vient cette volte-face?
Glarner: À l'époque, nous ne savions même pas où ce certificat allait être employé. Je ne vois pas pourquoi la vie sociale dans les restaurants, par exemple, devrait être de nouveau restreinte.

Que proposez-vous, alors?
Glarner: Nous devrions laisser les règles dans les restaurants comme elles sont actuellement. Mais en tout cas, plus aucun gros événement...

Gallati: ...Alors ça, que tu ne veuilles plus de gros événement, ça m'étonne.

Glarner: Attends un peu. Lorsqu'un organisateur dit qu'il veut restreindre l'accès aux guéris, aux vaccinés et aux testés (les fameux «3G» en allemand), je n'ai pas de problème avec ça. C'est l'affaire de l'organisateur.

Gallati: Et bien ça, sans certificat, ça ne fonctionne pas!

Monsieur Glarner, vous combattez de nouvelles mesures Covid, malgré la hausse des hospitalisations. N'avez-vous aucune considération pour notre système sanitaire?
Glarner: L'enjeu, ce sont les capacités de nos hôpitaux. Nous avons besoin de davantage de places! Il y a un an, cher Jean-Pierre, tu nous disais qu'il y avait 100 places aux soins intensifs. Combien y en a-t-il aujourd'hui?

Gallati: Normalement, nous avons 50 places aux soins intensifs en Argovie. Lors de la première vague, nous avons acheté le plus d'appareils respiratoires possibles, si bien que nous avions jusqu'à 96 places. Mais au cours de la pandémie, nous avons constaté qu'il fallait trois à cinq fois plus de personnels pour chaque malade du Covid-19. Notamment en raison des quarantaines et maladies au sein du personnel, nous avons dû ramener ce total des places à 50 ou 60.

Glarner: Mais combien de personnel supplémentaire avez-vous recruté — à l'étranger, par exemple? Il faut embaucher tous les gens que l'on peut. Et il faut aussi faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de six personnes pour retourner un patient. C'est une farce!


Monsieur Gallati, pourquoi est-il si difficile de trouver du personnel qualifié?
Gallati
: Nous avons discuté à maintes reprises de la manière dont nous pouvions accroître les capacités de notre système de santé. Il faut le dire une fois pour toutes: cela ne fonctionne pas, point final. Tout d'abord parce qu'il s'agit d'une tâche très spécialisée. Ensuite parce que je ne peux pas, comme Andreas le suggère sans arrêt, «recruter en Pologne». D'ailleurs, ça m'étonne un peu que cette proposition vienne de lui.

Glarner: On peut aussi embaucher en Allemagne, je n'ai pas évoqué la Pologne forcément. Si je publie une annonce dans la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» en disant que nous avons besoin de personnel aux salaires en vigueur en Suisse, notre boîte e-mail va exploser.

Monsieur Gallati, avez-vous essayé de recruter à l'étranger?
Glarner: Évidemment que non!

Gallati: Nous avons fort heureusement déjà beaucoup de personnel qui est venu d'Allemagne pour travailler ici. Mais ce n'est pas aussi facile que de publier une annonce dans le journal et tout le monde rapplique. Surtout pas lorsque l'on parle de soins intensifs et d'emplois hautement qualifiés.

Le canton d'Argovie veut augmenter largement sa part vaccinale et a commencé les piqûres dans les écoles. Est-ce que ça fonctionne?
Gallati: La vaccination à l'école se fait évidemment sur une base volontaire. Pour les élèves en-dessous de 16 ans, il faut l'accord des deux parents.

Glarner: Quelle belle liberté, lorsque l'enseignant arrive en classe et demande qui est vacciné et qui ne l'est pas! Ça met une immense pression sur les enfants.

Gallati: Andreas et moi étions écoliers dans les années 1970. Nous avions alors un nombre incalculable de vaccins, et personne n'a jamais parlé d'obligation. Ce remède contre le Covid est extrêmement efficace: 99% des patients aux soins intensifs ne sont pas vaccinés.

Monsieur Glarner, que reprochez-vous à la vaccination?
Glarner: Je ne veux pas être celui qui va devant le peuple et dit «Faites-vous vacciner!» Je ne connais ni les effets secondaires, ni les conséquences dans deux ans par exemple. Des tests sur l'humain sont encore en cours, alors qu'on nous sert déjà cette «sauce»!

Vous êtes donc vacciné?
Glarner: Oui, je suis vacciné.

Gallati: Vous voyez, je ne comprends pas Andreas. Il parle de «sauce» et il est lui-même vacciné. S'il y avait autant de risques qu'il prétend, il ne l'aurait pas fait!

Glarner: Ce qui m'importe, c'est que la vaccination reste une affaire personnelle. Je me suis vacciné parce que je voulais me rendre à l'étranger. Je ne peux pas supporter qu'on m'enfile un coton-tige dans le nez sans arrêt. Mais d'un autre côté, je comprends les pays qui ne veulent accepter que des gens vaccinés.

Gallati: ... Donc vous voyez: il n'a aucun problème avec les autres pays qui introduiraient une obligation vaccinale.

Glarner: Chaque pays est libre de fixer les règles pour l'immigration. Ce n'est d'ailleurs pas une obligation vaccinale. On n'a pas d'obligation de voyager à Taïwan, par exemple.

Monsieur Gallati, vous lancez ces jours une campagne de promotion pour le vaccin avec des célébrités locales. Qu'aviez-vous en tête?
Gallati: Nous voulions des exemples. Des gens qui se sont fait vacciner et qui l'assument. Comme Monsieur Glarner, qui est un très bon exemple.

Glarner: Pour l'amour de Dieu, je n'ai pas envie d'être un exemple!

Monsieur Glarner, à vous entendre, on pourrait penser que vous souhaiteriez un autre ministre UDC au gouvernement argovien?
Glarner: Absolument pas. C'est le meilleur que nous puissions avoir.

...Mais?
Glarner: Vous voyez, nous avons des rôles différents. Et il a choisi un autre chemin que le mien, c'est tout.

Gallati: Toute la question est de savoir si le virus est une menace pour notre système de santé ou non. Lorsque j'entends comment Monsieur Glarner dit qu'il n'y a pas de problème, que personne ou presque ne meurt et que le «Covid long» n'existe pas...

Glarner: Attention, je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas de «Covid long»! Je suis moi-même touché: je suis très fatigué depuis que j'ai été infecté par le Covid.

Quels seraient vos souhaits respectifs en ce qui concerne cette crise du Covid?
Gallati: Ouvre les yeux et regarde ce qui se passe vraiment.

Glarner: Renforce nos capacités hospitalières. Quel qu'en soit le prix.

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