Famille, amis, soutiens
Le réseau de Beat Jans a tout pour lui permettre de réussir

L'histoire est désormais connue: Beat Jans a fait une carrière politique fulgurante pour se hisser au Conseil fédéral. Il doit désormais trouver le juste milieu avec ses adversaires politiques. Mais il peut surtout compter sur un réseau de soutien sans faille.
Publié: 19.01.2024 à 16:01 heures
Erich Bürgler, Iris Kuhn-Spogat

Récemment encore, Beat Jans était président du Conseil d'État bâlois. Il figurait alors, avec le conseiller national socialiste grison Jon Pult, sur le ticket du PS pour remplacer Alain Berset au Conseil fédéral. La suite, on la connait, l'homme a remporté la course. 

Beat Jans, 59 ans, a grandi dans des conditions modestes. Contrairement à nombre de ses camarades, il connaît par expérience les causes qu'il défend. Le socialiste, très stratège et conscient de son pouvoir, est un homme politique qui se distingue par le fait qu'il s'intéresse plus à la cause qu'à son ego. Il a de l'expérience en matière de direction et de gouvernement, un curriculum aux multiples facettes. Il est orienté vers le consensus, éloquent et solide sur ses dossiers. L'homme présente bien et maîtrise en plus parfaitement l'anglais. 

Avantage non négligeable, Beat Jans est un citadin. Il est le premier conseiller fédéral issu de Bâle-Ville depuis 50 ans. Lui qui se définit comme un socialiste convaincu a repris le Département de justice et police (DFJP). Au cœur de ses nombreux défis, le dossier sur l'asile, dont sa collègue de parti Elisabeth Baume-Schneider s'est débarrassé au profit du Département de l'intérieur (DFI) après seulement un an à sa tête sans succès notable. Tout juste entré en fonction, voici un tour d'horizon de l'entourage du nouveau Conseiller fédéral, de ses forces et faiblesses qui lui permettront peut-être d'assurer sa réussite s'il parvient à les maîtriser. 

Beat Jans, socialiste convaincu et nouveau ministre de l'Asile en Suisse.
Photo: keystone-sda.ch
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La famille

Beat Jans est marié à Tracy Jans, une Américaine d'origine, experte des chiffres. À 51 ans, elle est spécialiste en statistiques médicales et dirige une équipe de dix personnes à l'Institut tropical et de santé publique suisse à Bâle. Malgré leur carrière respective, la famille a toujours été une priorité pour le couple. Beat Jans a activement participé aux tâches ménagères et à la garde de ses enfants. 

La famille, avec l'épouse Tracy Jans-Glass et les enfants Zoe et Mia, joue un rôle important.
Photo: keystone-sda.ch

Beat Jans et son épouse sont les parents de Mia (15 ans) et Zoé (18 ans), toutes deux au lycée. La famille habite le quartier multiculturel de Kleinbasel et elle compte bien continuer à y vivre. Seul vrai changement dans la vie du nouveau conseiller fédéral: il doit être joignable 24 heures sur 24. 

L'équipe de campagne

Avant son élection au Conseil fédéral, Beat Jans n'a rien laissé au hasard. Une équipe de campagne professionnelle a mis en lumière la «marque Jans». Stefan Batzli, professionnel de la communication, était à la tête de l'équipe. Il est membre de la direction de l'agence de communication bernoise CRK et dispose d'un excellent réseau dans la ville fédérale. Qu'il s'agisse de discours, d'interviews ou d'apparitions publiques, c'est lui qui a tiré les ficelles. Celui-ci et Beat Jans se connaissent depuis 15 ans. Lors de la campagne, Stefan Batzli a su mettre en avant «l'expérience de vie» de Jans et a clairement fait comprendre que son concurrent Jon Pult, membre du Conseil national, était plutôt un novice par rapport à son client. Les lobbyistes Fabienne Thomas et Sibylle Schürch étaient d'autres membres importants de l'équipe de Jans.

Cette dernière, conseillère politique, continuera à faire partie de son cercle le plus proche. «Si Beat a besoin d'un deuxième avis, il m'appelle», a-t-elle déclaré dans une interview au «Tages-Anzeiger». C'est son interlocutrice principale en cas de crise. Les familles Jans et Schürch sont également amies dans le privé.

Quant à Fabienne Thomas, elle a été l'atout de Jans lorsqu'il fallait d'améliorer ses relations avec le lobby paysan. Celle-ci a travaillé quatre ans à l'Union suisse de la profession. Son réseau de relations a été très utile. Des représentants de l'Union suisse des paysans ont en tout cas laissé entendre peu avant l'élection qu'ils préféraient Jans à Pult. Il a donc pu se débarrasser au dernier moment de son image indésirable auprès des agriculteurs. 

La carrière

Après avoir passé sa maturité, Beat Jans a choisi une voie inhabituelle: un apprentissage de paysan. «Après le gymnase, j'avais beaucoup d'énergie et je n'avais pas envie de continuer à fréquenter les bancs d'école. Je voulais sortir, travailler pour de vrai», déclarait-il à Blick. Ce n'est qu'à 34 ans qu'il a adhéré au PS, ce qui est tard pour un homme politique. Le fait qu'il se décide pour le parti à la rose n'allait pas de soi pour le Bâlois. Avant d'entrer en scène, il a pris contact avec tous les grands partis. C'est la présidente du PS de l'époque, Ursula Koch qui l'a convaincu de rejoindre ses rangs par une lettre personnelle.

Avant cela, c'est son travail dans l'aide au développement qui lui a donné envie de s'engager. Il a vécu plusieurs années au Paraguay et en Haïti. Cette période l'a politisé, affirme-t-il. Fils d'une vendeuse et d'un serrurier en construction métallique, il a obtenu une bourse pour étudier les sciences naturelles à l'EPFZ, avant de siéger pendant plusieurs années à la direction de l'organisation de protection de la nature Pro Natura.

Il s'y est engagé pour l'habitat des castors aux côtés l'actuel directeur Urs Leugger-Eggimann. Plus tard, il s'est mis à son compte en tant que conseiller. Beat Jans a adhéré au PS en 1998. Deux ans plus tard, il devenait déjà président du parti cantonal, puis en 2021, président du gouvernement cantonal.

Les opposants

Beat Jans doit désormais trouver sa place au Conseil fédéral aux côtés des deux conseillers fédéraux UDC Guy Parmelin et Albert Rösti, notamment en matière de politique agricole. Cela vaut également pour le président des paysans Markus Ritter, avide de pouvoir.

De même, Jans devra mettre de côté ses propres opinions au profit du consensus au sein du Conseil fédéral et s'opposera forcément de temps en temps à son propre parti, notamment au coprésident du PS Cédric Wermuth, qui exige une ligne de conduite ferme vis-à-vis de l'UE, ou à la vice-présidente du PS Barbara Gysi, qui vise le plafonnement à 10% des primes d'assurance maladie via une initiative populaire. Enfin, le stoïque Daniel Jositsch a déjà fait savoir qu'il interviendrait si Jans devait faire faux bond au parti. 

Les compagnons de route

Eva Herzog voulait elle-même devenir conseillère fédérale et a longtemps été considérée comme une adversaire de Jans au sein du parti. Ainsi, en 2018, tous deux voulaient succéder à Anita Fetz au Conseil des États. Ce n'est qu'après des querelles internes que Beat Jans a renoncé. Auparavant, les deux s'étaient déjà opposés sur la politique fiscale.

Eva Herzog est passée du statut d'opposante à celui d'alliée de Beat Jans.
Photo: keystone-sda.ch

Pourtant, la présidente du Conseil des Etats Eva Herzog a récemment été l'un des principaux soutiens au nouvel élu sous la Coupole. Elle s'est fortement engagée au sein du PS pour qu'il soit inscrit sur le ticket du Conseil fédéral. Le président du Conseil national Eric Nussbaumer et l'ancienne conseillère aux États Anita Fetz font également partie du soutien bâlois. Cette dernière est une amie de Jans et a toujours une grande influence au sein du PS.

Le Bâlois peut aussi compter sur un soutien en dehors de son parti. Il a en tout cas reçu des éloges de la part de la politicienne des Vert-e-s Florence Brenzikofer, qui a déclaré après son élection: «Beat Jans peut le faire.» Et ce, bien que l'ambiance soit actuellement extrêmement tendue entre le PS et les Vert-e-s, après que les camarades ont refusé de soutenir Gerhard Andrey, le candidat des Vert-e-s au Conseil fédéral.

Le Centre se montre aussi amical envers Beat Jans. Le chef du Département de la santé bâlois Lukas Engelberger s'est dit convaincu que le conseiller fédéral fraîchement élu «fera très bien son travail».

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