Glacier en travaux pour la Coupe du monde de ski
«Si on n'a pas accès au dossier vendredi, on va saisir le Conseil d'État»

Des ratraks ont été repérés mercredi sur le glacier du Théodule, malgré l'interdiction prononcée la veille. Avocat-e-s pour le climat réagit et demande un accès immédiat au dossier vendredi 27 octobre. Sinon, ils saisiront le Conseil d'État valaisan.
Publié: 27.10.2023 à 06:59 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2023 à 12:28 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

L'histoire semble sortie d'un autre temps. D'une époque où une fonte record ne menaçait pas les glaciers de Suisse. Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, président d'Avocat-e-s pour le climat, juge l'affaire «anachronique et triste» au bout du fil. Son association représente le WWF, Pro Natura et Mountain Widerness Schweiz dans leur combat contre les pelleteuses qui creusent le glacier du Théodule.

Malgré une interdiction prononcée la veille, des ratraks ont été repérés mercredi 25 octobre en dehors de la zone skiable. Avocats et associations ont tout de suite dénoncé. Ils demandent un accès complet au dossier, sous peine de faire recours au Conseil d'État valaisan.

Zone illégale et autorisations manquantes

Pour comprendre, il faut remonter un peu dans le temps. Comme révélé par plusieurs médias à la mi-octobre, des pelles mécaniques ont été repérées sur le glacier, aménageant une piste pour la Coupe du monde de ski, les 11-12 et 18-19 novembre prochain. Le comité de l'étape de Zermatt, nommée Matterhorn Cervino Speed Opening, n'avait pourtant pas obtenu toutes les autorisations nécessaires. Il a été coupé dans son élan par la Commission cantonale des constructions (CCC) du Valais.

La photo des ratraks repérés via la webcam a été jointe à la requête urgente.
Photo: DR

Mardi 24 octobre, cette dernière a effectivement rendu une décision allant dans le sens des militants pour le climat. Elle a reconnu qu'une portion du Théodule où les pelleteuses grignotaient la glace était hors zone de ski. Ce qui est «parfaitement illégal», résume Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui. Ces travaux-là ont ainsi été interdits. Par ailleurs la CCC a reconnu que des travaux effectués à l'intérieur de la zone skiable n'avaient pas reçu les homologations nécessaires.

Mais elle ne les a pas interdits. «C'est très curieux. Quand on constate l'illicéité, on bloque tout, non?» s'interroge l'avocat engagé. Puis, le jour même, des dameuses ont été repérées en dehors de la partie skiable du Théodule, grâce à la webcam «Matterhorn Glacier Paradise».

Tout interdire

Une fois les dameuses repérées mercredi, Avocat-e-s pour le climat a écrit au comité. Premièrement pour constater la violation de l'interdiction, puisque les ratraks étaient en train de travailler. Deuxièmement, pour «dérouler la pelote jusqu'au bout. Si on constate des manquements sur les zones skiables et non skiables, alors on interdit tout.» Et finalement, pour demander un accès immédiat au dossier.

C'est ce qui intéresse le plus les ONG et leurs défenseurs. Les associations «y ont droit. Depuis le début, certaines informations données par le comité ne correspondent pas à ce que nous avons pu observer. On veut aller sur le glacier, on veut voir ce qu'il se passe», soutient Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui.

Mesures superprovisionnelles

Décortiquons ce dernier point. Dans un souci d'urgence, Avocat-e-s pour le climat, toujours au nom du WWF, de Pro Natura et Mountain Widerness Schweiz a déposé une requête urgente. C'est ce qu'on appelle des mesures superprovisionnelles.

On demande à l'autorité de première instance administrative de prendre des mesures sans avoir entendu la partie adverse. C'est ce que la CCC a fait, notamment en interdisant de concourir sur la partie non skiable du Théodule. Pour l'avocat des associations, les documents qu'ils ont envoyés à la CCC étaient «tellement probants» qu'il n'était pas nécessaire d'entendre le Comité.

Une certaine pression politique

«La Commission est normalement très lente, là, ça a été très rapide», salue Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui. Peut-être que les nombreux articles et une certaine pression politique y ont été pour quelque chose. Si les ONG ne sont pas contentes de la réponse apportée, elles peuvent saisir le Conseil d'État, puis le tribunal cantonal, puis les juges de Mon-Repos.

Les associations recourront ainsi de façon urgente auprès du Conseil d'État si le comité ne leur envoie pas le dossier vendredi 27 octobre. Elles ne l'ont pas fait d'emblée, puisque la CCC leur a donné partiellement raison. Mais aucune vue d'ensemble.

Puis, si nécessaire, aux Tribunaux cantonaux et fédéraux. «Dans ces situations urgentes, les autorités sont capables de réagir très vite», affirme le défenseur des ONG.

Colère en cas de refus

Le fameux dossier, selon Arnaud-Nussbaumer-Laghzaoui, ne devrait pas poser trop de problème à l'envoi. «Il n'est pas énorme. Ils n'ont jamais demandé d'autorisation de construire, donc le dossier consiste en des documents donnés par l'avocat du comité. Ils pourraient nous l'envoyer par email dans la minute.» S'ils refusent, «nous serons très fâchés», prévient l'homme de loi.

«Ils sont dans l'obligation d'agir. Le Conseil d'État, de son côté, a un peu changé son fusil d'épaule et est bienveillant vis-à-vis de nos démarches.»

À moitié fondu d'ici 2080

Toute cette affaire survient alors qu'il est prédit que la moitié du Théodule fondra d'ici à 2080. Bien qu'il n'existe pas de corrélation prouvée entre trouer la glace et l'accélération de la fonte, l'image renvoyée par ces pelleteuses n'est pas dans l'air du temps.

«Tout ce qui est enlevé d'un bout de glacier c'est pour l'éternité. Chaque mètre cube de glace compte, expose l'avocat pour le climat. Il y a une année à Zermatt, ils n'avaient pas pu courir à cause du manque de neige et après l'été le plus chaud de l'histoire de l'humanité ils se disent 'allons creuser le glacier'? C'est vraiment absurde. Je suis choqué.»

Lois violées

Dans un second temps, Avocat-e-s pour le climat déposera plainte pour violation de la loi sur l'aménagement du territoire et de la loi sur la protection de la nature. Mais «on aurait un résultat final dans quatre ans. Là, c'est tellement urgent. On a quelques jours, par plusieurs années.»

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