Homme abattu par la police à Morges
Mohamed Hamdaoui: «Le racisme systémique n’existe pas en Suisse»

Ce mardi soir, des manifestations anti-racistes ont eu lieu en Suisse alémanique après l'enterrement de «Nzoy», trentenaire noir de Zurich abattu par la police à Morges le 30 août. Pour le député bernois Mohamed Hamdaoui, ces actions militantes sont contre-productives.
Publié: 22.09.2021 à 16:52 heures
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Dernière mise à jour: 22.09.2021 à 18:21 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Ce mardi après-midi, «Nzoy» était enterré à Zurich après avoir été abattu par la police le 30 août en gare de Morges. La famille du défunt soutient la thèse d'un acte raciste. «S’il avait été Blanc, il ne serait pas mort», a affirmé Roger Schwab, père du défunt, à «24 heures». Ce mardi soir, des actions militantes antiracistes ont réuni quelques centaines de personnes entre Zurich, Berne, Bâle et Lucerne. Sous un même slogan: «Justice4Nzoy». Une manifestation contre les «crimes policiers» et le racisme s'était déjà tenue à Morges quelques jours après les tragiques événements. Alors que les réseaux sociaux criaient déjà à la «bavure policière».

Ses accusations sont-elles justifiées? Le cas de «Nzoy» — qui s'est apparemment rué sur les agents avant de se faire tirer trois fois dessus — est-il comparable à celui de George Floyd, mort sous le genou de Derek Chauvin, ex-policier de Minneapolis aux Etats-Unis? Peut-on parler de racisme systémique au sein des forces de l'ordre suisses?

Pour répondre à ces questions difficiles et entendre un autre son de cloche, je compose le numéro de Mohamed Hamdaoui. Député bernois (Le Centre), ancien membre de la commission de la sécurité, élu au Conseil de Ville (législatif) de Bienne, musulman né en Algérie, ce journaliste n'a pas peur de ses opinions. Il avait par exemple milité pour l'interdiction de la burqa dans une tribune publiée par «Le Temps». Son téléphone sonne...

Une manifestation s'est tenue à Morges après la mort de Nzoy, abattu par la police sur le quai de gare.
Photo: Keystone

Bonjour Monsieur Hamdaoui, je vous contacte parce qu’à la suite de l’enterrement à Zurich mardi soir de «Nzoy», ce trentenaire noir abattu par la police en gare de Morges, des manifestations contre le racisme ont eu lieu dans plusieurs villes alémaniques, notamment à Berne, dans votre canton. Et je voulais savoir…
… Je vais tout de suite vous répondre. Mais avant, je souligne que je ne commenterai pas ce qu’il s’est passé sur ce quai de gare puisqu’une enquête (pour meurtre, ndlr.) est en cours. J’ai confiance en la justice, qui établira les circonstances de ce tragique événement. Mais, ce qui m’exaspère un petit peu, c’est que sous prétexte que la personne tuée avait une couleur de peau foncée, on descend tout de suite dans la rue pour crier au racisme. Aujourd’hui, il y a presque un marché de l’antiracisme. C’est idiot! C’est contre-productif et inefficace.

Pourquoi?
Parce que les gens vont manifester, crient au racisme avant la fin d’une enquête. Et, souvent, ces procédures concluent qu’il n’y avait aucun motif raciste. Ça permet à une frange de la population de dire que les manifestants se mobilisent contre un phénomène qui n’existe pas. Prenez le cas de Bex (où un policier avait abattu Hervé Mandundu, Congolais de 27 ans armé d’un couteau à pain, en 2016, ndlr.): la justice a confirmé par deux fois que le racisme n’avait joué aucun rôle dans cette mort, qui est évidemment à hurler. Il ne faut pas surréagir. Ça décrédibilise toutes les personnes qui veulent lutter efficacement contre le racisme et les discriminations bien réelles, dans les domaines de l’emploi ou du logement, par exemple.

Je pourrais vous répondre que le racisme systémique touche aussi la justice…
C’est un vaste débat, mais je pense que le racisme systémique n’existe pas en Suisse, contrairement à d’autres pays. Le racisme peut apparaître dans certains métiers, notamment dans le domaine de la sécurité. Parce que certaines personnes qui embrassent ces professions ont des pulsions racistes ou parce qu’elles sont souvent confrontées à des personnes d’origine étrangère dans l’exercice de leur fonction. Par exemple lorsque des requérants d’asile d’Afrique du Nord sont déboutés et se comportent mal. C’est triste et ça me fait mal de le dire, mais c’est la réalité et il ne faut pas la nier. Si on nie l’existence d’un problème, on crée un fantasme raciste dans la population, qui généralise et élargit ses préjugés. C’est un débat qui divise la gauche et c’est une des raisons parmi d’autres pour lesquelles j’ai quitté le Parti socialiste.

Revenons aux forces de l’ordre. Un proche de la famille de «Nzoy» a rappelé dans «24 heures» que «quatre personnes noires sont décédées au contact de la police ces dernières années» dans le canton de Vaud. La Suisse emboîte-t-elle le pas des Etats-Unis?
Non, les deux pays sont incomparables. Les Etats-Unis ont un passé esclavagiste effroyable et, encore aujourd’hui, une quasi-ségrégation raciale existe dans certains Etats. La comparaison avec la France, qui a un lourd passé colonial, n’est pas valable non plus. Même si en Suisse, aux 17 et 18e siècles, certains se sont fait du fric avec la traite des Noirs… Pour revenir aux forces de l'ordre, il est essentiel que les fonctionnaires de police connaissent les réalités sociologiques et ethniques des lieux où ils travaillent et, si possible, en soient originaires. Les policiers hors sol ont peut-être la gâchette trop facile face à des délinquants qui ne leur ressemblent pas. C'est épouvantable à dire.

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