«Ils offrent une tribune à un homme condamné pour viol»
Roman Polanski tourne à Gstaad, les féministes enragent

Le réalisateur franco-polonais Roman Polanski, poursuivi depuis 1977 aux États-Unis pour le viol d'une mineure et accusé par d'autres femmes depuis, est en tournage à Gstaad. Dans une tribune, une partie du milieu culturel romand et des féministes montent au front.
Publié: 24.03.2022 à 18:00 heures
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Dernière mise à jour: 24.03.2022 à 18:09 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Jusqu’ici, l’information n’avait pas fait de vagues en Suisse romande. Roman Polanski tourne en ce moment son prochain film à Gstaad, où il possède un pied-à-terre. Mais ce jeudi, dans une tribune publiée par «Le Temps», «un collectif de technicien·nes, comédien·nes, cinéastes romand·es, soutenu·es notamment par SWAN, Swiss Women’s Audiovisual Network, la Coordination romande des collectifs de la Grève féministe et des femmes*» s’en indigne.

«Faciliter la carrière d’hommes ayant été reconnus coupables de viol sur mineure, comme Roman Polanski, c’est invisibiliser, banaliser et même normaliser les violences faites aux femmes», affirment les quelque 150 cosignataires, dont font notamment partie la conseillère nationale verte vaudoise Léonore Porchet ou Anaïs Emery, directrice du Geneva international film festival (GIFF). Avant d’enfoncer le clou: «C’est cracher sur les victimes.»

Une entreprise lausannoise dans le viseur

Le réalisateur a le droit de travailler et il n’est pas possible de l’en empêcher, note le texte, mais «nous pouvons prendre la parole pour dénoncer la facilité avec laquelle un homme condamné pour viol, accusé à de multiples reprises et qui fuit encore et toujours la justice, peut s’engager sans encombre dans une démarche artistique publique». Hors de question donc de se taire et de donner un «accord tacite» aux activités du cinéaste en Suisse.

«Faciliter la carrière d’hommes ayant été reconnus coupables de viol sur mineure, comme Roman Polanski, c’est invisibiliser (...) les violences faites aux femmes», affirment les quelque 150 cosignataires.
Photo: AFP

Un motif de satisfaction est toutefois mis en avant: «Le film n’a reçu aucun financement public en Suisse». Reste que «donner la parole à Polanski, même grâce à de l’argent privé, n’est pas un acte neutre, est-il souligné. Privé ne veut pas dire apolitique». Dans le viseur du collectif: l’entreprise CAB Productions, basée à Lausanne, qui coproduit le long métrage, la commune de Saanen, dont Gstaad fait partie, et le Gstaad Palace, qui sert de décor.

De la bonne pub pour Gstaad?

Interrogé par «Le Courrier», Jean-Louis Porchet, fondateur de CAB Productions, est «très satisfait de collaborer avec l’un des plus grands réalisateurs de notre temps» et ne comprend pas «l’indignation morale» suscitée par l’événement. Cités par «Der Bund» et repris par le quotidien de gauche genevois, les propos d’Andrea Scherz, copropriétaire du Gstaad Palace, vont dans le même sens. Clouer Roman Polanski au pilori «presque 50 ans plus tard» est «exagéré», même s’il «a fait des erreurs», estime-t-il. De son côté, Toni von Grüningen, syndic de la localité, qui n’a pas eu à délivrer d’autorisation pour ce tournage, se réjouit: ce film sera une belle vitrine pour Gstaad.

Pour mémoire, Roman Polanski, aujourd’hui âgé de 88 ans, est poursuivi aux États-Unis depuis 1977 pour le viol d’une adolescente de treize ans. Condamné à trois mois de prison après avoir plaidé coupable et libéré après 42 jours pour conduite exemplaire, il ne s’était pas présenté à une nouvelle audience en janvier 1978 et s’était envolé pour Paris, rappelle «franceinfo». Il est considéré comme fugitif par les autorités étasuniennes. Ni la Suisse, ni la Pologne et encore moins la France n’ont accepté de l’extrader. Ces dernières années, plusieurs autres femmes, parfois sous couvert d’anonymat, l’ont accusé d’actes de violences sexuelles. La star, oscarisée pour «Le Pianiste», réfute tous ces derniers témoignages.

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