Des politiciens gays ont dû se battre
«La direction du parti nous mettait des bâtons dans les roues»

Objet des votations du 26 septembre, le mariage pour tous semble plutôt bien se profiler. Mais il y a seulement dix ans, les politiciens homosexuels devaient encore faire face à une forte homophobie. Témoignages.
Publié: 05.09.2021 à 13:41 heures
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Dernière mise à jour: 05.09.2021 à 14:37 heures
Camilla Alabor, Lauriane Pipoz (adaptation)

Le sujet du mariage pour tous avait déjà été mis sur la table en Suisse il y a une vingtaine d'années... pour être très rapidement balayé au sein du Parlement. En 1999, le Conseil national rejetait par 117 voix contre 46 une proposition ressemblant à celle du 26 septembre prochain.

Pourtant, peu de temps après, un changement s'amorce. En 2004, le Parlement, suivi de l'électorat, approuve franchement le partenariat enregistré. Tous ne partagent cependant pas cette position: les milieux conservateurs s'y opposent encore fortement. L'UDC rejette l'amendement à la majorité, tandis que le PDC s'abstient en grande partie.

Mais cette année, la situation est différente: les sondages prévoient qu'une nette majorité de l'électorat se prononcera en faveur du mariage pour tous. Comme le montrent clairement les témoignages des politiciens homosexuels que nous avons récoltés, un profond revirement s'est opéré ces dernières années, notamment au sein du PDC et de l'UDC.

Le mariage pour tous devrait être approuvé par une majorité de l'électorat le 26 septembre.
Photo: keystone-sda.ch
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«Une tumeur qui doit être traitée»

Tout d'abord, rencontre avec le politicien zurichois Michael Frauchiger. Ce dernier se souvient: il y a dix ans, il fondait la section gay de l'UDC à Zurich, «pour montrer qu'il y a aussi des homosexuels de droite». «Cela a donné une impulsion à la cause, continue le Zurichois. Mais la direction du parti nous mettait des bâtons dans les roues à l'époque». Par exemple, la section «Gays dans l'UDC» s'est vue interdire l'utilisation du logo officiel du parti: de nombreux UDC n'appréciaient guère que certains de leurs membres défendent une cause «de gauche» cinq ans après l'introduction du partenariat enregistré, explique-t-il. Le jeune UDC valaisan Grégory Logean avait même qualifié le groupement de «tumeur qu'il faut traiter par chimiothérapie».

Beat Feurer, aujourd'hui directeur de la sécurité de la ville de Bienne, avait répondu au jeune UDC à travers un communiqué, dans lequel il rétorquait que «la psychologie a mis en évidence que les personnes qui ont des sentiments homosexuels mais les refoulent ont de vives réactions contre les homosexuels». Il se rappelle aussi de certaines réserves qu'il a ressenties il y a dix ans en tant que président de la section gay de l'UDC. «Elles étaient rarement exprimés franchement», révèle-t-il. Une seule fois, un membre a déclaré que quelqu'un comme lui ne devrait pas se présenter comme candidat. «C'est la seule phrase dont je me souviens».

Le politicien de centre-droit Markus Hungerbühler affirme quant à lui avoir été épargné par de telles expériences. Il n'a jamais entendu de déclarations homophobes au sein de son parti, affirme l'ancien président du PDC de la ville de Zurich. Pas même lorsqu'il a cofondé un groupe de travail LGBTI au sein du parti il y a une dizaine d'années. «Il faut quand même relever qu'un changement s'est aussi opéré dans le centre: selon les sondages, 63% des électeurs centristes sont aujourd'hui favorables au mariage pour tous, ce qui aurait été impensable il y a dix ans.»

Le partenariat enregistré en tant que pionnier

A quoi doit-on cette évolution? Selon Markus Hungerbühler, le partenariat enregistré, porté par l'ancienne conseillère fédérale PDC Ruth Metzler, a joué un rôle décisif dans cette remise en question. «L'introduction du partenariat enregistré a conduit à une acceptation plus large de l'homosexualité, non seulement dans le parti du Centre, mais aussi dans d'autres segments de la société.»

D'autres facteurs sont également susceptibles d'y avoir contribué. Par exemple, certains pays d'Europe occidentale ont introduit le mariage pour tous il y a quelques années (la Hollande en 2001, l'Espagne en 2005 et même l'Irlande, archi-catholique, en 2015). La communauté homosexuelle a également gagné en visibilité au cours des 20 dernières années: les politiciens ou présentateurs de télévision qui assument pleinement leur orientation homo ou bisexuelle sont depuis longtemps devenus la norme.

«Les homosexuels ne se sentent plus obligés de se cacher, confirme Beat Feurer. Par conséquent, presque tout le monde connaît quelqu'un qui est gay ou lesbienne. Les gens ne font donc plus de commentaires aussi désobligeants qu'auparavant.»

Plus de tolérance

Brigitte Häberli-Koller, membre PDC du Conseil des Etats, représente ce changement de mentalité. La Thurgovienne, qui siégeait au Conseil national à l'époque, s'était abstenue lors du vote sur le partenariat enregistré. En revanche, elle a voté en faveur du mariage pour tous.

En 2004, le mariage traditionnel était encore profondément ancré dans la société, argumente-t-elle. Quelques décennies plus tôt, il était encore illégal de vivre ensemble en tant que couple non marié. «Mais au cours des quinze dernières années, les opinions ont changé. Notre mentalité n'est pas restée statique - et heureusement!»

L'acceptation des relations entre personnes de même sexe s'est par exemple nettement améliorée. «Les gens sont devenus plus ouverts et ont eux-mêmes des parents ou des connaissances qui sont homosexuels», explique Brigitte Häberli-Koller. «Aujourd'hui, je suis clairement partisane du mariage pour tous.» Le 26 septembre, nous saurons si cette tendance se confirme dans les urnes.

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