«Initiative 99%»: la JS s'attaque à nouveau aux riches
Le Grand Soir du partage des richesses est-il arrivé?

La pandémie a rendu les pauvres plus pauvres et les riches plus riches. Dans une ambiance qui rappelle celle de la fin du XIXe siècle, les jeunes socialistes soutiennent l'initiative 99%. Sans détour, ils ciblent les riches. Avec des demandes radicales.
Publié: 04.07.2021 à 13:37 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2021 à 14:25 heures
Danny Schlumpf

Septembre 2020. La présidente de la Jeunesse socialiste (JS) Ronja Jansen, 26 ans, se tient devant la villa de la milliardaire Magdalena Martullo-Blocher, un panneau à la main. Son texte? «Tu vas bientôt payer, Magdalena!»

Ce n'était pas une menace en l'air: en septembre 2021, le peuple se prononcera sur l'initiative de la JS dite «99%». «Nous demandons une taxation équitable du 1% des plus riches de la population», explique Ronja Jansen. Concrètement, «les revenus sur le capital et les gains boursiers à partir de 100'000 francs devraient être taxés 1,5 fois plus que les salaires.»

Ronja Jansen et sa pancarte «Tu vas bientôt payer, Magdalena!» en septembre 2020.
Photo: Facebook/Juso Schweiz

La pandémie a accru l'urgence de cette demande. Alors que le virus a poussé de nombreuses entreprises à mettre la clé sous la porte, coûtant leur emploi à d'innombrables employés, les propriétaires d'actions et de biens immobiliers se sont enrichis.

«Les revenus sur le capital et les gains boursiers à partir de 100'000 francs devraient être taxés 1,5 fois plus que les salaires», estime la Jeunesse socialiste et sa présidente, Ronja Jansen.
Photo: keystone-sda.ch

Personne ne devrait posséder plus de 100 millions

Une autre initiative de la JS demande que personne ne puisse, en Suisse, posséder plus de 100 millions de francs de patrimoine privé, et que les revenus supplémentaires soient consacrés à la lutte contre le changement climatique. Selon la présidente de la JS, le système économique orienté vers le profit en est responsable: «Le changement climatique et la pandémie forment les deux grandes crises actuelles. Dans les deux cas, les riches en profitent.»

Les inégalités ne cessent en effet d'augmenter, confirme Katja Rost, professeure de sociologie à l'université de Zurich. Pourtant, les inégalités de revenus en Suisse sont relativement modérées. «Mais en ce qui concerne les inégalités de fortune, nous sommes parmi les plus inégalitaires au niveau international.» Cela n'a pourtant n'a rien de nouveau, précise Katja Rost. «Mais nous sommes en train de revenir à des proportions de celles du XIXe siècle».

La référence à une époque où la révolution industrielle avait enrichi les patrons et créé une classe ouvrière qui avait à peine de quoi vivre, poussant parfois les travailleurs à monter aux barricades, peut prêter à confusion. «Les conditions actuelles provoquent une réaction comparable», continue la professeure. «Il s'agit d'une forme moderne de lutte des classes.»

«Le socialisme rend tout le monde pauvre»

David Trachsel, 26 ans, président des Jeunes UDC, s'oppose à ce constat: «C'est une absurdité. L'économie de marché rend effectivement les riches plus riches. Mais elle rend aussi les pauvres plus riches. Le socialisme, en revanche, rend tout le monde pauvre.» Quant au concept de lutte des classes moderne: «Ce sont des idées socialistes surannées qui n'ont toujours abouti qu'à la souffrance et à la pauvreté.»

Le coprésident du PS Cédric Wermuth souligne que la lutte des classes n'a pas été créée par la gauche: «Depuis des années, nous résistons à une lutte des classes imposée par le haut qui sert le capital et dessert les travailleurs. Nous voulons mettre fin à cette lutte!»

La gauche cible les riches

Le référendum contre l’abolition du droit de timbre n'est pas le seul élément concerné. Il s'agit aussi de la suppression de la taxe d'émission sur le capital propre, de la taxe sur l'achat et la vente de titres et des prélèvements sur les primes d'assurance.

Le PS, les Verts et les syndicats s'y opposent. «L'abolition totale du droit de timbre représente une perte de plus de deux milliards de francs par an», déclare Cédric Wermuth. «Seules quelques sociétés en profiteraient, principalement celles qui font d'ailleurs du profit durant la pandémie.»

Taxation plus élevée sur le capital, plafonnement des actifs et arrêt des cadeaux fiscaux aux entreprises: la gauche cible les riches. Mais «pas tout à fait sans raison», estime l'historien Jakob Tanner, auteur de l'ouvrage de référence «Histoire de la Suisse au XXe siècle».

Les explosions de salaires ne sont pas justifiables

Ces dernières années, les hauts salaires et les grandes fortunes ont explosé. Jakob Tanner explique que «cette explosion ne peut plus être justifiée. Ce n'est pas comme si les riches travaillaient soudainement plus longtemps et étaient devenus plus productifs.»

Ils ont également profité de la hausse des valeurs boursières et immobilières durant la pandémie. «Depuis les années 1980, la charge fiscale sur les sociétés et les gains en capital ont fortement diminué, et l'évasion fiscale prospère à l'international», explique Jakob Tanner. «L'initiative 99% est donc une étape logique». N'est-ce pas trop radical? Jakob Tanner balaie cette idée: «Il est normal d'imposer le capital plus lourdement que les revenus du travail. Une politique fiscale solidaire renforce la démocratie.»

Partage du gâteau

Mathias Binswanger, professeur d'économie à la Haute école spécialisée nord-occidentale de la Suisse, estime que les propositions de la JS sont utopiques: «La gauche aime jouer à vouloir distribuer les parts du gâteau», dit-il en utilisant une métaphore bien connue des économistes. «Mais elle se soucie peu de la façon dont le gâteau est fait.» Selon lui, le facteur décisif est le suivant: «La répartition influence la taille du gâteau. Parce que cela envoie un message qui incite à se comporter différemment.» Et de citer en conséquence des entreprises qui délocalisent à l'étranger. Mathias Binswanger conclut que «le gâteau ne se maintient pas toujours à la même taille.»

La JS tenait un stand à Wettingen (AG) pour soutenir son initiative.
Photo: keystone-sda.ch

«De telles idées n'ont aucune chance en Suisse», déclare David Trachsel. Ronja Jansen, en revanche, n'en est pas si convaincue: «Durant la pandémie, beaucoup de gens ont se sont rendu compte des inégalités.» Pour ces personnes, il est bien clair qu'«il faut changer quelque chose».

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