Inondations dans le Jura
«En 38 ans, je n’ai jamais vu la flotte monter jusqu’ici»

Dans la nuit de lundi à mardi, le Jura a été frappé par les intempéries. Les précipitations ont provoqué de nombreuses inondations. Notamment dans le village de Buix, où les quelques pompiers volontaires disponibles font leur maximum pour éviter le pire. Reportage.
Publié: 13.07.2021 à 17:23 heures
|
Dernière mise à jour: 14.07.2021 à 09:43 heures
Blick_Antoine_Hurlimann.png
Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Objectif Buix. Accéder au petit village de la commune de Basse-Allaine, dans le district de Porrentruy, n’est vraiment pas de tout repos. À cause des intempéries monstres qui se sont abattues sur l’Ajoie dans la nuit de lundi à mardi, des voies ont été fermées préventivement à la circulation. En bordure de route, des champs inondés ressemblent à des lacs. Les quelques personnes qui s’y activent malgré ces conditions difficiles portent des cuissardes ou des salopettes étanches.

Plus nous approchons de notre destination, plus les panneaux d’alerte posés par les soldats du feu se multiplient. Il est 13h, mardi. À cause du déluge de la veille, l’eau va bientôt s’immiscer dans les maisons. Les autorités, impuissantes, le savent. Il faut absolument limiter la casse. Rendez-vous est pris avec les pompiers, le maire et son équipe à Montignez, juste au-dessus de Buix. Sur place, tout le monde s’assoit autour d’une table, l’air grave, dans une petite salle accolée à l’église du village jurassien. «Nous sommes mobilisés depuis hier soir 18h, explique Christophe Berthold, vice-commandant du Service d’incendie et de secours (SIS) Basse-Allaine. Depuis 5h ce matin, tous les hommes disponibles nous ont rejoints: nous sommes une douzaine. Cela ne sera probablement pas assez.»

L'Allaine est sortie de son lit.
Photo: Darrin Vanselow / Blick
1/11

À côté du pompier volontaire, Thierry Crétin, le maire de la commune de Basse-Allaine. L’homme confie regarder en continu… l’Allaine. Cette fameuse rivière – d’ordinaire idyllique – à laquelle la commune doit son nom et qui lui cause tant de soucis ces dernières heures. «L’eau monte et cela devrait continuer durant les prochaines heures, analyse l’édile. On n’évitera pas l’inondation, on le sait. On vit un épisode similaire en moyenne tous les 10 ans et on est justement en train de travailler pour que cela s’arrête.»

Thierry Crétin, maire de la commune de Basse-Allaine, en Ajoie.
Photo: Darrin Vanselow

Les rats prennent la clé des champs

Le vice-maire, Pierre Clavel, reprend. «Nous proposerons un nouveau règlement communal à l’organe délibérant cet automne. Nous sommes en plein dans la phase de financement et de réglementation.» La proposition, a priori peu populaire puisqu’il s’agit d’imposer une nouvelle taxe à la population, est, à leurs yeux, indispensable. «Nous voulons élargir le lit de la rivière à Buix, du côté où il n’y a pas de maisons, poursuit Pierre Clavel. Aujourd’hui, il est admis que l’eau déborde. Mais cela a à chaque fois un coût.»

L’investissement prévu se monte à deux millions de francs. Loin d’être une paille pour la commune qui dispose d’un budget annuel de quatre millions de francs. «Nous allons devoir convaincre, concède Thierry Crétin. Mais peut-être que les événements désagréables d’aujourd’hui nous aideront.»

Sébastien Cayla, commandant du SIS, et Christophe Berthold coupent court à la discussion. «Les affaires commencent à Buix, il y a de l’eau chez la Odile.» Tout le monde se lève, saute dans son véhicule. En tête du cortège, les pompiers. Dans le village en contrebas, l’eau est en train de quitter les terres agricoles et le lit de la rivière.

Sébastien Cayla, commandant du SIS.
Photo: Darrin Vanselow

Non loin de là, dans le jardin d’une vieille maison, des rats quittent leur trou et prennent la clé des champs. Les soldats du feu ferment la route principale et sortent leurs tuyaux. Des garages et des rues sont instantanément inondés. Alors qu’il y a normalement quatre mètres entre le pont et la rivière, l’eau est maintenant à la même hauteur et ruisselle dans toutes les directions. Il faut pomper, pomper et toujours pomper. Fait cocasse, la station de pompage de la localité est submergée. Un fontainier se démène pour que l’eau sale ne se mélange pas à l’eau propre, ce qui priverait les habitants d’eau potable.

Les soldats du feu ont fermé la route principale et sorti leurs tuyaux.
Photo: DARRIN VANSELOWI
1/8

«Il nous faut plus d’hommes»

«En 38 ans, je n’ai jamais vu la flotte monter jusqu’ici», assure Willy Rérat. Ce retraité qui habite le bâtiment de la gare s’est levé à 5h du matin à cause des intempéries. L’homme a dû mettre à l’abri ses lapins, avec l’aide des pompiers, qu’il élève par «hobby». «On est habitué à ces débordements mais là c’est quand même autre chose», souffle-t-il.

Willy Rérat pose devant ses lapins.
Photo: Darrin Vanselow

Un peu plus loin, trois inspecteurs cantonaux font un état des lieux. «Il faut mettre des sacs de sable où c’est possible mais on ne peut pas faire grand chose de plus, lâche l’un deux. Pour l’instant, la situation n’est pas dramatique. Mais tout peut encore évoluer…» Christophe Berthold s’immisce dans la discussion. «Il nous faut plus d’hommes», plaide-t-il. «Il n’y en a malheureusement pas d’autres disponibles», rétorque John Mosimann, inspecteur cantonal. Ce dernier affirme qu’au moins 200 pompiers sont actuellement mobilisés. «Pour l’instant, cela joue ainsi mais si pareille situation se reproduit la semaine prochaine, on risque d’avoir un problème», soupire-t-il, avant de reprendre le travail.

À Buix comme dans toute l’Ajoie, la population attend. Et espère que les nouvelles intempéries, qui devraient s’abattre sur la région dès ce mercredi soir, ne viendront pas aggraver une situation déjà précaire. Dans quel cas, la bonne volonté et les sacs de sable ne suffiront cette fois pas.

Les habitants et les autorités se préparent à affronter les prochaines pluies.
Photo: Darrin Vanselow
1/2
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la