Intervention de l'Etat
Quelles différences entre le sauvetage de banques en 2008 et en 2023?

En quoi le sauvetage d'UBS en 2008 se distingue-t-il de la reprise en urgence de Credit Suisse? Quels risques la Suisse prend-elle, et qu'a-t-elle à gagner? Explications.
Publié: 01.04.2023 à 15:09 heures
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Dernière mise à jour: 01.04.2023 à 15:15 heures
Rolf Kromer

Le sauvetage d'une banque par l'Etat? Plus jamais! C'est du moins ce que tout le monde pensait après la crise de 2008. Pourtant il en a été autrement: seulement 15 ans plus tard, l'Etat doit à nouveau venir en aide à une institution de la place financière suisse. Certes, selon la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, le rachat de Credit Suisse par l'UBS n'est pas un sauvetage étatique. Néanmoins, l'Etat prend des risques. Dans cet article, nous comparons le sauvetage de la banque UBS en 2008 avec la reprise d'urgence de Credit Suisse. Entre les deux sauvetages, il y a de deux poids deux mesures.

L'argent de l'Etat

En automne 2008, l'UBS était gravement menacé de faillite. À l'époque, la banque a bénéficié d'un soutien de la Confédération et de la BNS d'un équivalent de 66 milliards de francs au total.

Aujourd'hui, ce sont 259 milliards de francs qui sont disponibles en cas de besoin pour la nouvelle méga-institution UBS. La banque en a très vite disposé. Soit quatre fois plus qu'en 2008! À titre de comparaison, une telle somme permettrait de construire 21 fois le tunnel du Gothard ou de rembourser deux fois la totalité des dettes de la Confédération. La gestion de la pandémie de Covid-19 a, quant à elle, coûté 32 milliards de francs jusqu'à présent.

66 milliards de francs ont été mis à disposition pour le sauvetage de l'UBS en 2008. Eugen Haltiner (Commission fédérale des banques), Jean-Pierre Roth (BNS), Pascal Couchepin (président de la Confédération) et la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf (de gauche à droite) présentent le plan de sauvetage de l'UBS le 16 octobre 2008.
Photo: Keystone
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Le bénéfice

En 2008, l'engagement de l'Etat a porté ses fruits. Jusqu'en 2013, l'aide de 66 milliards a permis à l'Etat d'engendrer un bénéfice d'environ 6 milliards de francs. Le sauvetage devait surtout sauver l'économie nationale, ce qui a été un succès.

Aujourd'hui encore, avec la reprise d'urgence de Credit Suisse, l'Etat a la possibilité de faire des bénéfices financiers. Sur 100 des 259 milliards mis à disposition par la BNS, la Confédération facture à l'UBS des intérêts de 0,25% par an. C'est-à-dire 250 millions ou 21 millions de francs par mois. La prime sera payée par l'UBS tant que le montant sera garanti. La Confédération pourrait donc encore encaisser ce pactole pendant plusieurs mois. Une belle affaire, si le sauvetage de Credit Suisse réussit. Mais le bénéfice n'est pas la principale raison de l'engagement de l'Etat: il sert surtout à éviter une crise financière mondiale.

Les causes de la débâcle

Dans les années précédant 2008, l'UBS spéculait sur des titres immobiliers sans valeur aux Etats-Unis. L'effondrement de la banque américaine Lehman Brothers, un mois avant le quasi-effondrement de l'UBS, avait anéanti en quelques jours le climat de confiance du secteur financier. L'UBS avait alors subi des retraits de fonds de la part de ses clients. Des inquiétudes quant à sa solvabilité avaient émergés. La Confédération et la BNS s'étaient alors précipitées au secours de la banque, car celle-ci était «too big to fail».

L'aide de l'Etat lors de la reprise en urgence de Credit Suisse a été nécessaire parce que les clients ont massivement retiré leur argent après divers scandales et une perte de confiance. La déclaration d'un important actionnaire saoudien de l'institution, qui a avancé qu'il n'investirait plus un centime dans la banque, a certainement été décisive. Récemment, on s'interroge sur le rôle de la banque d'investissement – un type de services financiers – dans le sort de CS.

Les protagonistes

En 2008, le tandem de CEO Peter Kurer et Marcel Rohner est aux commandes de l'UBS. Ils ont négocié en très peu de temps le plan de sauvetage avec les autorités suisses. A Marcel Rohner a succédé Oswald Grübel, qui a dirigé la banque jusqu'en 2011. Puis, de 2011 à 2020, Sergio Ermotti. Il a pris les rênes en réduisant fortement les activités de banque d'investissement à risque. Durant son mandat, il a transformé l'UBS, qui était une banque universelle à l'ancienne, en la plus grande banque de gestion de fortune au monde. Sergio Ermotti est resté à la tête de l'entreprise jusqu'en 2020. Le même Sergio Ermotti deviendra mercredi prochain CEO de cette nouvelle superbanque.

Les derniers top managers de Credit Suisse sont Axel Lehmann, président du conseil d'administration, et Ulrich Körner, CEO. Ces dernières semaines, ils ont eu besoin de l'aide de la Confédération et de la BNS pour sauver du naufrage l'établissement financier, vieux de 167 ans.

Conséquences politiques

Après la crise financière, la politique et l'économie étaient d'accord. Une action de l'Etat dans le plus grand secret comme pour l'UBS ne devrait plus jamais se reproduire. Une nouvelle stratégie «too big to fail» devrait veiller à ce que les activités suisses des banques d'importance systémique puissent être séparées. Il s'agit notamment de s'assurer que les opérations de dépôt et de crédit ainsi que le trafic des paiements continuent de fonctionner en cas d'urgence. Ces règles prévoient également des exigences plus élevées en matière de fonds propres pour ces banques.

Les conséquences de l'affaire Credit Suisse prennent de l'ampleur. Le bureau du Conseil national a annoncé lundi dernier qu'il souhaitait mettre en place une commission d'enquête parlementaire. Lors de la session spéciale qui aura lieu après Pâques, il sera en outre question de la reprise de Credit Suisse par l'UBS. Le nouveau monstre bancaire UBS promet d'être un sujet constant de débat au cours du second semestre de cette année électorale.

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