Jacqueline de Quattro s'indigne
«L'Etat devrait faire un contrôle dans cet établissement!»

Notre reportage dans le pire hôtel de Suisse romande a suscité l'émoi. Ex-conseillère d'Etat, la conseillère nationale vaudoise Jacqueline de Quattro suggère au Canton d'agir. L'avocat David Raedler perçoit trois infractions possibles parmi les faits révélés par Blick.
Publié: 10.04.2024 à 12:43 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2024 à 13:22 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Odeur de moisi ignoble, ventilation dysfonctionnelle et immonde, rideau de douche maculé, mauvais repas: le reportage de Blick dans «le pire hôtel de Suisse romande»* a provoqué bien des haut-le-cœur. La faîtière GastroVaud et l'Association romande des hôteliers sont catastrophées (lire encadré en fin d'article).

Mais elles ne sont pas seules: membre du comité de la Fédération suisse du tourisme, Jacqueline de Quattro est «indignée» par sa lecture. «Cet établissement ne fait pas honneur à notre tradition touristique et fait du mal à la branche de la gastronomie et de l'hôtellerie, tacle la conseillère nationale. Après un séjour pareil, on n'a pas envie de revenir en Suisse pour les vacances!»

Parmi les éléments révélés par Blick qui ont marqué l'ex-conseillère d'Etat libérale-radicale: l'état de la ventilation dans la salle de bain de la chambre et la lasagne servie au restaurant de l'hôtel, en pleine campagne vaudoise.

«Gâche-métier», «mauvais exemple»: la libérale-radicale (PLR) vaudoise ne mâche pas ses mots. Conseillère d'Etat entre 2007 et 2019, Jacqueline de Quattro a été la ministre de tutelle de l'Office de la consommation (OFCO), responsable des inspections des restaurants. Ce mardi, la parlementaire juge le cas de cet hébergement de la campagne vaudoise «limite». «L'Etat devrait faire un contrôle dans cet établissement. Si j'étais encore en fonction, je demanderais au chimiste cantonal, respectivement à la police du commerce, de vérifier l'état de la cuisine et des sanitaires.»

Objectif: vérifier si les normes d'hygiène sont respectées. La politicienne précise toutefois que «la saleté n'est pas une infraction pénale en soi». En clair, tant que les normes d'hygiène sont respectées et qu'il n'y a pas de risque pour la santé, les autorités ne peuvent rien faire contre un bouiboui crasseux.

«Trois violations possibles»

Spécialiste en droit commercial et docteur en droit, David Raedler voit «trois violations possibles» de la Loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB), au vu des éléments mis en évidence dans l'article publié le 3 avril sur nos plateformes. Selon l'avocat, la première est même «claire» puisque personne n'a vérifié l'identité de l'auteur de ces lignes au moment où il s'est présenté à la réception (sans réceptionniste).

«Pour la cuisine (et potentiellement la chambre), on pourrait imaginer une violation de l’article 39 de la LADB (hygiène alimentaire et règles en matière sanitaire)», poursuit le trentenaire, par ailleurs député vert au Grand Conseil vaudois, par message. Et enfin, «il serait aussi envisageable d’évoquer l’article 41 concernant la promotion des produits du terroir vaudois: je ne pense pas que la lasagne 'maison' soit réellement une bonne promotion du terroir vaudois. Dans les faits toutefois, cette obligation n'est qu'une obligation de principe».

Sans entrer dans les détails, une autre loi — celle sur les constructions — et d'autres normes s'appliquent également. Et c'est le canton, sa police du commerce et son OFCO, qui sont chargés de les faire respecter, notamment pour préserver la santé de la clientèle.

Mais que fait la police (du commerce)?

Certains des problèmes soulignés par Blick constituent-ils des infractions? Sachant que l'hôtel est pointé du doigt depuis des années par les internautes, à quand remonte le dernier contrôle des chambres effectué par l'Etat? La police du commerce est-elle intervenue depuis la publication du reportage? Va-t-elle le faire? Quid des normes incendie?

Contacté par mail, le Département de l'économie — de la PLR Isabelle Moret — refuse de commenter les cas particuliers. Le canton accepte cependant de détailler ses pratiques: les restaurants doivent être visités par l'OFCO tous les deux ans. Pour les hôtels, le procédé est différent.

La police du commerce agit essentiellement sur dénonciation, ce qui peut expliquer qu'un gîte passe entre les mailles du filet. Ce sont les communes qui sont responsables de la surveillance des établissements sis sur leur territoire. «Les municipalités, ainsi que les polices cantonales et communales, sont tenues de signaler immédiatement à la police du commerce qui peut prendre des décisions telles que des avertissements, retrait des autorisations d’exercer et/ou d’exploiter, fermeture temporaire ou définitive de l’établissement», écrit Emmanuelle Rose, porte-parole.

Commentaires en ligne pas scrutés

Les commentaires sur les plateformes et les notes en ligne ne sont pas scrutés par la police du commerce. «Si les avis déposés sur les plateformes peuvent être utiles pour avoir une idée générale de l’expérience des clients dans un établissement, ils ne fournissent pas une évaluation officielle et réglementée des normes sanitaires, argumente la communicante. Par ailleurs, le contenu des avis sur les plateformes appartient aux utilisateurs dont la véracité n’est pas garantie.»

Le syndic du village était-il au courant du service proposé par cet hôtel? Qu'en pense-t-il? Notre courrier électronique de ce lundi est resté lettre morte.

«Qu'il change de job!»

Connu pour sa verve, Gilles Meystre n'est pas tendre avec le boss des lieux, également actif derrière les fourneaux. «Je n'ai qu'un commentaire à faire, amorce le président de GastroVaud, faîtière des restaurants et hôtels vaudois, joint par message le 4 avril. Qu'il change de job! Ou qu'il vienne prendre des cours!»

Directeur de l'Association romande des hôteliers (ARH), Alain Becker grince aussi des dents. «Évidemment, [les éléments soulevés dans votre article] nous déplaisent au plus haut point, mais [ils] ne correspondent en rien à la qualité globale de l’hôtellerie en Suisse et en Suisse romande», écrit le Neuchâtelois dans un e-mail, également le 4 avril. Selon lui, l'ARH n'a jamais eu connaissance d'un tel cas.

Connu pour sa verve, Gilles Meystre n'est pas tendre avec le boss des lieux, également actif derrière les fourneaux. «Je n'ai qu'un commentaire à faire, amorce le président de GastroVaud, faîtière des restaurants et hôtels vaudois, joint par message le 4 avril. Qu'il change de job! Ou qu'il vienne prendre des cours!»

Directeur de l'Association romande des hôteliers (ARH), Alain Becker grince aussi des dents. «Évidemment, [les éléments soulevés dans votre article] nous déplaisent au plus haut point, mais [ils] ne correspondent en rien à la qualité globale de l’hôtellerie en Suisse et en Suisse romande», écrit le Neuchâtelois dans un e-mail, également le 4 avril. Selon lui, l'ARH n'a jamais eu connaissance d'un tel cas.

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*Blick ne donne pas le nom de cet hôtel. L’objectif du reportage initial était de vérifier la pertinence des notes données par les utilisatrices et utilisateurs des établissements hôteliers sur les plateformes numériques. La démonstration a pu être faite. Il ne nous appartient pas de dénoncer cet établissement qui est, malheureusement, un parmi de nombreux à offrir un service insatisfaisant. Pour être équitable, notre tâche serait sans fin. L’Etat peut d’ailleurs, s’il le juge utile, rendre visite à tous les établissements dont les conditions d’hygiène sont dénoncées par des notes et des commentaires publics. Chaque citoyenne, chaque citoyen peut également consulter les plateformes numériques avant de planifier ses séjours hôteliers. Blick n’entend endosser ni la responsabilité des autorités, ni celles de ses lectrices et lecteurs.

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