«Je ne veux pas de cet homme»
Victime d'un mariage forcé, elle souhaite divorcer 19 ans plus tard

De plus en plus de femmes réfugiées en Suisse s'opposent aux mariages forcés qu'elles ont subi dans leur pays d'origine bien des années en arrière. La pression familiale ainsi que les menaces rendent le processus compliqué et le divorce reste très difficile à obtenir.
Publié: 26.05.2024 à 18:01 heures
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Dernière mise à jour: 27.05.2024 à 10:17 heures
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Andreas Schmid

Elle a 33 ans, est mère d'un fils de 19 ans et de deux autres enfants mineurs. Il y a quelques mois, elle a fui l'Afghanistan pour se réfugier en Suisse. Ici, dans sa nouvelle patrie, elle veut se libérer du mariage forcé qu'elle a subi à l'âge de 14 ans avec un homme bien plus âgé qu'elle. A la suite de son mariage, elle était tombée enceinte alors qu'elle était encore adolescente.

Victime d'un mariage contraint, la jeune femme souhaite maintenant divorcer. Mais son mari n'est pas d'accord. Sa famille restée en Afghanistan lui fait parvenir des menaces de mort et l'accuse d'être infidèle.

«Je ne veux pas de cet homme», a-t-elle clairement affirmé auprès de son conseiller en charge du cas au sein du service spécialisé dans les mariages forcés. Anu Sivaganesan, la présidente du service, soutient la victime et souhaite l'aider à trouver une issue.

La justice n'intervient que dans très peu de cas contre les mariages forcés.
Photo: IMAGO/Pond5 Images
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Une issue possible seulement en Suisse

Aujourd'hui, cette Afghane d'origine est dépressive et suicidaire. Qu'adviendra-t-il de ses enfants? Comment trouver une solution quant à son mari qui refuse de céder et à ses proches qui profèrent des menaces?

Anu Sivaganesan explique que de plus en plus de mères de plus de 30 ans s'adressent au centre pour échapper à des mariages forcés. Les années précédentes, le service conseillait surtout des femmes d'une vingtaine d'années et des mineures mariées de force. Désormais, il reçoit très souvent des victimes qui sont mariées depuis de nombreuses années.

Selon la directrice du service, cela s'explique par le fait que ces femmes ne voient une issue à leur mariage forcé qu'une fois arrivées en Suisse. Mais il faut compter environ deux ans pour qu'un divorce soit prononcé si leur partenaire ne cède pas. «C'est un temps extrêmement long compte tenu de la situation», explique-t-elle. Certaines femmes ont par ailleurs subi des violences dans leur couple. Le problème majeur réside surtout dans le fait qu'avec des enfants en commun, il est encore plus difficile de dissoudre le mariage.

Les menaces de l'entourage et la perspective d'être rejetées empêchent de nombreuses femmes de rompre avec leur famille, constate Anu Sivaganesan. Ainsi, selon les chiffres du centre spécialisé dans les mariages forcés, seule une personne mariée de force sur six quitterait sa famille d'origine.

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Le nombre de cas non recensés reste considérable

L'année dernière, le service spécialisé dans les mariages forcés a pris en charge 337 femmes concernées. Le nombre de cas est constant depuis plusieurs années. Les changements concernent non seulement l'âge des femmes, mais aussi leur origine. Plus de 40% d'entre elles sont issues de l'asile. La plupart ont été mariées dans leur ancienne patrie.

En 2022, seuls 25% des personnes concernées étaient des demandeuses d'asile, une augmentation frappante que la directrice du service explique par le fait que de plus en plus de réfugiées afghanes se sont adressées au centre. Ce pays d'origine arrive en tête des cas pris en charge. De nombreuses victimes sont également originaires de Syrie et d'Irak. Les années précédentes, ce sont surtout des femmes albanophones de la deuxième génération, nées et ayant grandi en Suisse, qui se sont adressées au centre.

Anu Sivaganesan part du principe que le nombre de cas non recensés reste considérable et que toutes les personnes mariées de force ne se défendent pas. Les mariages forcés et les mariages de mineurs sont pourtant interdits en Suisse. Les procédures pénales ne sont que très rarement engagées. «Les procédures juridiques ne représentent même pas 1% des mariages forcés signalés», déclare la spécialiste.

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Le Parlement veut combler les lacunes

Lundi, le Conseil national débattra d'une nouvelle loi qui permettrait d'empêcher les mariages forcés ou les mariages de mineurs. Dans son projet, le Conseil fédéral propose comme élément central d'adapter le délai de plainte pendant lequel un mariage peut être annulé. A l'avenir, les mineurs mariés et les autorités devraient pouvoir contester un mariage jusqu'à ce que les deux partenaires aient 25 ans. Jusqu'à présent, ils ne pouvaient le faire que jusqu'à l'âge de 18 ans.

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