Joachim Son-Forget se livre
«Chers collègues UDC, je ne suis pas venu pour voler votre siège!»

Après les critiques émises par Yvan Perrin concernant l'adhésion de Joachim Son-Forget à l'UDC d'Yverdon-les-Bains (VD), l'ancien député macroniste Joachim Son-Forget se confie sans détour à Blick sur ses réelles motivations. Un entretien étonnant et... détonnant.
Publié: 06.01.2023 à 19:15 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Yvan Perrin n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Dans une interview accordée à Blick ce jeudi, l’ancien poids lourd de l’Union démocratique du centre (UDC) confiait tout le mal qu’il pensait de l’arrivée de Joachim Son-Forget au sein de la section d’Yverdon-les-Bains (VD) du parti conservateur. Selon le Neuchâtelois, l’ex-député des Français de Suisse, habitué des polémiques, représenterait un «danger» en cette année d’élections fédérales. Ce vendredi, le principal intéressé a décidé de lui répondre.

Pas pour faire monter la mayonnaise, non. Mais pour apaiser la situation et éclaircir certains points, nous assure-t-il. Celui qui avait débuté au Parti socialiste, avant d’être élu sous la bannière d’Emmanuel Macron puis de se rallier au polémiste d’extrême-droite Éric Zemmour, affirme qu’il n’est pas là «pour voler un siège» mais pour «proposer ses compétences» à un parti dont il se sent proche. Il répond sans détour à toutes les attaques et se veut rassurant: il ne briguera aucune fonction importante. Du moins, pas tout de suite.

Il se livre, en outre, sur un dérapage qui a marqué son mandat et sur de mystérieux rendez-vous diplomatiques à Genève, auxquels il aurait participé. Il se confie, par ailleurs, sur «son amitié» avec le conseiller national valaisan Jean-Luc Addor, qui a pourtant indiqué sur Facebook partager l’avis d’Yvan Perrin. De quoi éteindre l’incendie ou, au contraire, allumer un nouveau départ de feu? Interview.

Joachim Son-Forget assure vouloir tourner la page des polémiques.
Photo: Keystone

Joachim Son-Forget, la prise de position au vitriol d’Yvan Perrin sur nos plateformes le démontre: tout le monde ne vous souhaite pas la bienvenue à l’UDC. Vous vous y attendiez?
La première chose importante à relever, c’est que j’ai reçu beaucoup de messages d’anonymes ou de simples militants qui, eux, sont ravis. Il y a eu quantité de réactions très gentilles. Vous remarquerez, par ailleurs, qu’il n’y a pas énormément de commentaires négatifs qui émanent du canton du Vaud.

Vous avez donc le sentiment que la section vaudoise vous ouvre les bras?
J’ai l’impression d’être bien accueilli, oui. Surtout chez les jeunes. Pour revenir sur les doutes émis par Monsieur Perrin, déjà, j’avoue que je ne connaissais pas très bien son parcours. Lorsque j’étais député à l’Assemblée nationale, en France, mes contacts professionnels se limitaient à des conseillers nationaux en fonction ou à des conseillers fédéraux.

Vous devez désormais bien connaître Yvan Perrin...
Je suis dans une démarche d’apprentissage pour savoir qui est qui au niveau local. Je me suis renseigné sur lui, il a l’air d’être un honnête homme. Beaucoup de gens, qui pensent à tort que je vis pour la polémique, s’attendent à ce que je lui réponde avec des noms d’oiseaux. Mais ça n’est pas du tout mon intention. J’ai vu qu’il a eu des problèmes de santé et qu’il a eu le courage — contrairement à beaucoup d’autres personnalités politiques — de reconnaître ses faiblesses et de se soigner. Je suis médecin: il me serait donc malvenu de lui jeter la pierre.

Il n’y a cependant pas que cet ancien cador neuchâtelois de l’UDC qui s’inquiète. Sur Facebook, le conseiller national valaisan Jean-Luc Addor dit partager les doutes d’Yvan Perrin. Ça vous surprend?
Oui, peut-être un petit peu. Car je considère Jean-Luc comme un ami et je pense que c’est réciproque.

Vraiment? On a vu plus soutenant, comme ami…
On s’est vu à de multiples reprises. On a discuté dans le cadre de l’appel d’offres pour les avions de combat, notamment. Il me semble que ça remonte au Breitling Airshow, à Sion, en 2017. J’y étais pour accompagner les efforts de la société Dassault et c’est là que j’ai rencontré pour la première fois Jean-Luc. On est resté en contact et, quand j’ai fait mon décalage à droite, il s’est de plus en plus intéressé à mon profil. Plusieurs membres de l’UDC valaisanne — des binationaux — nous ont ensuite rapprochés. Je suis allé manger chez lui, je connais sa famille, et je l’ai aussi invité à plusieurs reprises à des événements privés. J’ai notamment facilité une rencontre avec Éric Zemmour après l’un de ses meetings.

Vous allez le contacter pour essayer de le faire changer d’avis?
On a déjà échangé quelques courts messages. Il m’a exprimé que ses doutes portaient sur la méthode. Pas sur mon engagement, mais sur la façon de m’y prendre. Je l’écoute, j’apprends. Il est vrai que mon but initial n’était pas de faire du foin.

Alors pourquoi les choses ont-elles dérapé?
Peut-être parce que la section genevoise a compris que je voulais à tout prix la rejoindre. Or, ce n’était pas mon intention, j’étais déjà en discussion avec des Vaudois, comme Patrizia Mori (ndlr: conseillère communale lausannoise) et Ruben Ramchurn (vice-président de la section UDC d’Yverdon-les-Bains).

C’est pourtant bien à la section du bout du Léman que vous avez adressé votre demande d’adhésion, non?
Quand on est sur le site de l’UDC et qu’on s’inscrit, probablement que notre demande est envoyée à la section qui s’occupe de la ville dans laquelle on habite. Je pense que c’est de là que part le quiproquo. À Genève, je ne connais personne au sein du parti, à part une jeune députée très sympathique, Virna Conti, que j’ai vu qu’une seule fois à un meeting d’Éric Zemmour. Je voulais aller là où j’ai des connaissances.

Vous n’habitez pas dans le canton de Vaud, ça reste étrange comme choix.
Ce choix n’a rien d’anormal. C’est là que j’ai travaillé des années durant. Notamment au CHUV — d’où je n’ai pas été viré, contrairement à ce qu’a affirmé un certain média — et à l’EPFL. C’est aussi un canton rural, ce qui fait le lien avec mes origines, et, à terme, une région dont je pourrais me rapprocher pour y vivre. Je ne sais pas encore si cela sera Vaud, Valais ou ailleurs. Chose certaine: je suis attiré par la campagne.

Parlons franchement: si, un jour, vous déménagez en terres vaudoises, par exemple à Yverdon-les-Bains, et que vous êtes membre de la section locale de l’UDC, prétendrez-vous à une fonction politique?
(Il réfléchit) Ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas mon but. Je veux maintenant passer davantage de temps avec mes trois enfants, me concentrer sur mon cabinet à Genève, qui fonctionne bien et dont l’activité me passionne. Aussi, dans le cas où je reprendrais véritablement la politique, je ne serais pas intéressé par une fonction inférieure à celle que j’occupais. Toutefois, pour occuper un poste national, je sais, qu’en Suisse, il faut normalement passer par tous les échelons inférieurs. Ce qui ne m’intéresse pas aujourd’hui. Vous voyez donc que je suis très loin de prétendre à quoi que ce soit.

Vous ne dites pas seulement ça pour rassurer l’UDC?
Non. Mais j’ai un message. Chers collègues de parti, je ne suis pas venu pour voler votre siège! Je me sens idéologiquement proche de vous, même s’il y a des différences comme au sein de tous les partis, et je pense humblement que je peux vous apporter des compétences.

Causons idéologie, justement. Yvan Perrin — et il n’est pas le seul — souligne votre «souplesse». Vous êtes passé du Parti socialiste à… Eric Zemmour. Est-il vrai que l’ambition vous tient lieu de conviction?
J’ai commencé au Parti socialiste genevois, alors que je n’avais pas encore la nationalité suisse, parce que, en tant que jeune qui allait devenir médecin, j’étais attiré par l’humanitaire. C’est d’ailleurs toujours le cas, je ne pense pas qu’on lutte contre l’immigration de masse en laissant les gens crever. On se doit d’agir dans les situations d’urgence et je l’ai fait! Notamment en soutenant, avec Emmanuel Macron, l'Aquarius, un bateau qui secourait des migrants. J’ai déjà raconté tout cela dans les colonnes du «Point».

Revenons au Parti socialiste genevois.
Oui. J’ai été très déçu par le Parti socialiste et son fonctionnement réel, qui est très loin de ce que le parti prétend. Puis, par capillarité, j’ai rencontré des centristes et m’en suis rapproché. Mais, là aussi, je suis tombé de haut. Comme à gauche, ce sont des gens accrochés à leur fonction et à leurs petits intérêts. Tout le reste devient secondaire. Dans votre interview, Yvan Perrin a raison de dire qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. C’est vrai, j’ai changé d’avis. Je l’assume.

Mais en quoi croyez-vous?
Je suis libéral, conservateur, avec une touche d’humanisme, et j’ai la volonté de donner un bon coup de peinture sur la façon des «boomers» de faire de la politique. Aussi, je ne lâche jamais quand un combat me tient à cœur, par exemple les mauvais comportements ou les violences faites aux femmes. C’est souvent à cause de ma ténacité que sont nées les différentes polémiques me concernant.

Par exemple?
On peut citer l’accrochage avec l’ancienne sénatrice d’Europe Écologie-Les Verts, Esther Benbassa. Quand je l’ai visée sur Twitter, je savais qu’elle était accusée de harcèlement moral par d’anciens collaborateurs. Je ne pouvais pas laisser passer ça.

Vous dites précédemment que le sexisme vous écœure, pourtant vous l’avez attaquée sur son maquillage. Pourquoi ne pas l’avoir fait sur les accusations dont vous parlez ou, plus prosaïquement, sur son action politique?
C’était une entrée en matière, qu’on peut juger maladroite…

Donc, pour vous, la fin justifie les moyens?
Non, pas toujours! Mais on connaît la suite: elle a été exclue de son groupe puis a quitté son parti. Les faits étaient sérieux.

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Vous avez mentionné des compétences que vous pourriez apporter à l’UDC. Lesquelles?
Mes compétences en matière de sujets diplomatiques à très haut niveau et sur les questions de sécurité, notamment. Lorsque j’étais député, j’ai eu la possibilité de rencontrer en Suisse des gens que je n’aurais pas pu voir à Paris. Disons que certaines unités françaises n’auraient jamais toléré que je sois approché par des représentants de certains pays sur sol français. J’ai eu plusieurs avertissements, mais ce n’est pas grave parce que j’avais une mission: avertir plus haut.

Pouvez-vous préciser ces rencontres?
À Genève, j’ai pu discuter avec des personnalités très importantes et faire avancer plusieurs dossiers épineux. Notamment avec des représentants de la mission permanente de la Corée du Nord et réciproquement avec des diplomates de Corée du Sud. Ou avec des Syriens sunnites, ou des Kurdes, ou avec les Russes à de nombreuses reprises quand j’étais le seul interlocuteur français toléré sur le sujet, pendant quelques mois, pour faire la courroie de transmission. Genève est un terrain de jeu diplomatique auquel j’avais accès: j’avais tout sous la main, tous les jours. J’ai aussi accueilli des exilés vénézuéliens, qui étaient les assistants de la procureure générale du pays, qui était elle-même en exil et avec laquelle j’étais en contact direct. J’ai par ailleurs obtenu l’asile pour un de leurs députés gays à Paris, persécuté pour cette raison dans son pays.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans ce rôle-là?
Les choses se sont faites toutes seules. Les gens savaient que j’étais un membre important du parti gouvernemental. Un moment donné, des Vénézuéliens ont appelé à l’aide et j’étais le seul à m’occuper de ce sujet.

Concernant toutes ces rencontres et actions que vous citez, certains vous traiteront d’affabulateur. Comment pouvez-vous prouver ce que vous avancez?
Pour le Venezuela, les sceptiques peuvent demander à l’ancien député en exil, toujours en France, qui vit aujourd’hui en sécurité. Concernant la Syrie, plusieurs acteurs de cette problématique me connaissent et peuvent confirmer mes propos. Il y a aussi différentes photos de mes voyages officiels qui peuvent servir de documents. Bref, je ne vais pas vous faire une liste détaillée, vous allez vous ennuyer. (Rires)

Passons à la question européenne. Il y a peu, vous étiez encore ouvertement pro-européen. Ce n’est pas vraiment la position de l’UDC. Qu’en est-il aujourd’hui?
C’est une bonne question. Aujourd’hui, je suis contre une adhésion de la Suisse à l’Union européenne. L’institution européenne n’est pas un exemple à suivre. Contrairement à l’idéal européen, qui est un bel idéal. L’institution, elle, est malheureusement une petite entreprise qui connaît la crise. Je suis triste d’arriver à ce constat. Je le dis sans polémique et de façon claire à mes nouveaux collègues de parti.

À propos des polémiques, quelle sera la prochaine que vous lancerez?
(Rires) J’en ai ma claque des polémiques et c’est aussi pour ça que j’ai voulu rejoindre le plus grand parti de droite suisse, pays où la politique est plus consensuelle et apaisée. Vous aurez remarqué que j’ai aussi changé ma manière de faire, je suis beaucoup moins actif sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Je ne suis vraiment pas là pour faire une entreprise d’autodestruction.

Je ne peux pas le confirmer, vous m’avez bloqué sur Facebook.
On s’était disputés?!

Pas à ma connaissance…
Ce n’était pas moi qui gérais les blocages, mais mes assistants. Ils ont peut-être fait des choses à la truelle et bloqué à tour de bras pour éviter que des polémiques enflent. Je vais vous débloquer! (Rires)

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