L’app du traçage des cas
SwissCovid, de l'argent jeté par la fenêtre?

Lorsque l'application SwissCovid a été lancée à l'été 2020, les experts et la Confédération espéraient qu'elle serait un outil efficace dans la lutte contre le Covid-19. Mais le bilan est mitigé.
Publié: 15.01.2022 à 19:33 heures
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Dernière mise à jour: 15.01.2022 à 19:34 heures
Fabian Vogt

Ce fut présenté comme l’idée qui allait permettre de mettre un terme à la pandémie de Coronavirus. Mais un et demi après la mise en service de l’application SwissCovid, le bilan est plutôt mitigé.

Le concept est simple: les personnes positives au virus entrent leur «code Covid» dans l’application. Tous qui ont eu un contact récent avec celle-ci, et qui possèdent également l’application, reçoivent alors une notification. Mais le succès n’a pas été au rendez-vous.

Depuis le lancement de l’application le 25 juin 2020, 121’432 codes ont été saisis. Parallèlement, 1,6 million de tests Covid positifs ont été confirmés. On peut donc s’interroger sur l’impact réel de l’application sur la gestion de la pandémie en Suisse.

Marcel Salathé est co-développeur de l'application Swisscovid. Il estime que la Confédération ne fait pas assez de publicité pour le produit.
Photo: Keystone

1 à 2% des cas identifiés

A l’origine, l’application a été lancée pour permettre le traçage des contacts. C’était en été 2020, alors que le nombre de cas ne dépassait pas les deux ou trois chiffres. Il s’agissait avant tout de maintenir la courbe des infections à plat. Un an plus tard, Viktor von Wyl, professeur à l’université de Zurich, a dressé le bilan dans une étude. Selon ses recherches, l’application aurait contribué à détecter 500 à 1000 cas positifs chaque mois entre janvier et avril 2021, soit 1 à 2% de tous les cas (200’000 pour la période). Des études antérieures seraient arrivées à la même conclusion.

Le nombre de cas de Covid-19 est désormais bien plus élevé: la barre des 10’000 a été atteinte au début de décembre 2021. La stratégie a bien changé depuis le début de la pandémie. Il ne s’agit plus, et ce depuis longtemps, de tracer le virus, mais de prévenir les évolutions graves de la maladie. L’application ne semble alors avoir que peu d’utilité.

Le développeur souhaite davantage de publicité

Marcel Salathé voit les choses tout autrement. L’épidémiologiste a participé au développement de l’application et a siégé jusqu’en février 2021 dans la Task Force Covid de la Confédération. Il n’y a guère d’interview durant laquelle il manque de faire référence à l’application. Mercredi, il a déclaré au journal quotidien de la radiotélévision suisse alémanique, le Tagesschau, qu’il souhaitait que les autorités fassent davantage de publicité pour l’application.

La Confédération n’est pas du même avis. À Blick, elle rappelle l’étendue de son action: outre les annonces, les affiches, les collaborations avec des influenceurs et les spots TV, Berne a également emprunté des nouveaux canaux en misant sur TikTok, des quiz Instagram ou des sessions Skype.

Pourtant l’Office fédéral de la statistique compte actuellement 1,6 million d’utilisateurs actifs sur SwissCovid. Ce chiffre est reste relativement stable depuis juillet 2020, mais très loin de l’objectif initialement annoncé par l’OFSP: c’est-à-dire trois millions d’utilisateurs.

Le nombre de codes saisis augmente

Malgré tout, la Confédération continue de défendre l’utilité de l’application. Elle est toujours active et fonctionne, fait savoir le Département fédéral de l’intérieur (DFI). Mais il ajoute qu’elle sert actuellement surtout d’instrument de sensibilisation.

Le nombre de «codes Covid» saisis montre toutefois qu’elle est toujours utile. Récemment, entre 1000 et 2000 entrées sont comptabilisées chaque jour. Mais avec environ 30’000 infections déclarées chaque jour, cela ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan.

100 francs par code

L’investissement en valait-il vraiment la peine? Pour le prototype et le développement de la méthode de traçage par contact, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) disposait de cinq millions de francs au maximum, comme l’ont expliqué des représentants en été 2020. A cela s’ajoutent jusqu’à 7,3 millions de francs investis par la Confédération jusqu’en juin 2022. Cela fait un total d’environ 12 millions de francs, ou 100 francs par code saisi.

Mais combien de contaminations l’application SwissCovid a-t-elle empêchées jusqu’à présent? Le DFI explique qu’une analyse n’est pas possible pour des raisons de protection des données. En revanche, le département estime que jusqu’à quatre personnes sont informées par code saisi, ce qui «confirme l’efficacité et l’utilité de l’application». Difficile donc de tirer des conclusions définitives.

L’application est dépassée par Omicron

Mais une chose est sûre, l’application SwissCovid n’est pas particulièrement utile pour faire face au «raz-de-marée Omicron». Elle est configurée de telle sorte qu’il faut se trouver à une distance de deux mètres d’une personne infectée pendant au moins 15 minutes pour qu’une notification soit envoyée. Cela avait du sens pour le variant d’origine du virus, mais plus aujourd’hui. Marcel Salathé l’explique lors de son passage au Tagesschau: «Comme le virus est plus contagieux, des contaminations peuvent avoir lieu en moins de temps d’exposition et à une plus grande distance. L’application ne peut alors plus les identifier, car elle n’est pas configurée ainsi.»

Selon la Confédération, l’application serait en train d’être mise à jour et adaptée en vue des semaines et mois à venir.


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