La CEDH rend sa décision mardi
Cette senior va-t-elle faire condamner la Suisse pour inaction climatique?

Mardi, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) rendra son arrêt concernant une plainte déposée par les Ainées pour la protection du climat. Un jugement qui risque d'avoir des conséquences importantes.
Publié: 09.04.2024 à 08:23 heures
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Dernière mise à jour: 09.04.2024 à 11:34 heures
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Tobias Bruggmann

Pour un jour d'avril, il fait chaud. Oda Müller n'en a cure. Cette femme monte dans un train direction de Strasbourg. Là-bas, les juges de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) vont statuer sur une plainte déposée par cette grand-mère aujourd'hui âgée de 79 ans. Aux côtés de plus de 2500 Ainées pour la protection du climat, elle demande à la Suisse d'en faire plus contre le changement climatique. «Nous, les seniors, ressentons particulièrement les conséquences des vagues de chaleur.»

Plus d'un an s'est écoulé depuis que le procès a eu lieu. Mais encore fallait-il attendre le jugement. Celui sera finalement rendu mardi : «Nous avons confectionné des banderoles pour les brandir avant l'énoncé du jugement. Nous avons soudainement dû nous dépêcher», explique Oda Müller en riant.

Une heure de mails – par jour

Ce combat pour une meilleure protection du climat a débuté en 2016: «On nous a souri», se souvient Oda Müller. «Moi aussi, au début, je l'ai fait plutôt en marge.» Plusieurs femmes retraitées se sont d'abords plaintes auprès du département de l'environnement, mais ce dernier a rejeté la demande. Elles ont donc décidé de porter l'affaire devant les tribunaux – jusqu'à ce que le Tribunal fédéral rejette également leur requête. Motif? Les seniors ne seraient pas suffisamment touchés par le changement climatique. Elles ont donc continué à Strasbourg. «Depuis, il me faut environ une heure par jour rien que pour répondre à tous ces courriels», explique Oda Müller, qui a entre-temps atteint une certaine notoriété.

Oda Müller, avec d'autres seniors du climat, a porté plainte contre la Suisse.
Photo: Matthias Kempf
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Ce parcours de tribunal en tribunal a été coûteux – et rendu possible uniquement par le soutien financier de l'organisation environnementale Greenpeace. Un appui qui a valu aux Ainées pour la protection du climat le reproche de se laisser instrumentaliser. «Je le fais aussi pour mes enfants et petits-enfants», rétorque Oda Müller. Mais pour elle, le changement climatique ne doit pas mettre des bâtons dans les roues des générations d'après. Elle estime par ailleurs qu'il n'est pas répréhensible de se faire aider.

Oda Müller se considère comme «co-responsable du changement climatique» et veut donc se racheter. Entre-temps, elle a vendu sa voiture et elle a cessé de prendre l'avion.

Greenpeace joue un rôle important.
Photo: keystone-sda.ch

Greenpeace coordonne effectivement les activités des Ainées pour la protection du climat. L'ONG les aide ainsi au niveau de la communication et de la collaboration avec l'équipe juridique. «L'association est autonome», tempère toutefois Georg Klingler de Greenpeace. Le soutien est également financier: «Au cours des neuf années d'existence des Aînées du climat, les coûts se sont élevés à plus d'un million de francs», explique Georg Klingler. Selon lui, cela comprend les frais de justice, d'avocat et de traduction. «Environ deux tiers de cette somme ont été financés par Greenpeace, c'est-à-dire par des donateurs privés.»

Des répercussions importantes

Dix-sept juges – dont un Suisse, Andreas Zünd – s'apprêtent donc à rendre leur verdict. Celui-ci aura de grandes répercussions dans toute l'Europe, car c'est la première fois que la Cour s'exprime sur la question du climat. Le meilleur résultat pour Oda Müller serait une condamnation de la Suisse pour avoir violé le droit à la vie et/ou à la santé. Une telle décision ferait sensation. Mais il n'est toutefois pas certain que le tribunal aille aussi loin.

On peut aussi imaginer une condamnation due au fait que les tribunaux suisses n'aient pas examiné la demande des aînées climatiques avec suffisamment de précision. Le match recommencerait alors depuis le début, et l'affaire reviendrait devant les tribunaux helvétiques. La Suisse espère en revanche que les juges rejetteront la plainte: la protection du climat n'est pas une question juridique, mais politique, estime la Confédération, qui se targue en outre d'en faire déjà beaucoup pour le climat.

Pas seulement une pierre

Lorsque les juges rendront leur décision, Oda Müller portera son pendentif en forme d'éléphant. «Mon porte-bonheur». Elle espère certes une condamnation de la Suisse, mais elle promet que rien ne lui enlèvera son plaisir: «Nous ferons la fête, quel que soit le résultat. Aujourd'hui, nous avons déjà fait beaucoup de choses.»

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