La marque de déco vacille
La crise des enseignes Depot en Allemagne touche aussi la Suisse

L'ex-filiale de Migros vit des temps difficiles en Allemagne. En Suisse aussi, l'heure est à la réduction. La concurrence chinoise met le secteur de la décoration sous pression.
Publié: 13.04.2024 à 13:59 heures
Andreas Güntert

Lorsque des cadres expérimentés de Migros évoquent le sujet des enseignes Depot, l'émotion est de mise. Mais leurs sentiments sont mitigés et oscillent entre le soulagement et l'effroi.

Soulagement, car ils savent que Depot ne fait plus partie du géant orange. Dans les dix années suivant son acquisition en 2009, la spécialiste allemande de l'ameublement et de la décoration a subi de lourdes pertes. Sa vente en 2019 a été un ultime choc. Pour permettre à Depot et à l'ensemble du groupe Gries Deco Group (GDC) de se tourner vers l'avenir avec confiance, le groupe Migros a largement renoncé à récupérer les prêts qu'il avait accordés à la GDC depuis 2009.

À l'époque, l'opération leur avait coûté 400 millions de francs suisses. Selon les calculs de Blick, la perte s'est élevée, au total, à environ 800 millions de francs suisses sur dix ans, ce qui représente une somme considérable… même pour le géant orange.

La chaîne allemande Depot est connue pour la vente de meubles, d'articles de décoration et d'articles ménagers.
Photo: depot.ch
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Depot à nouveau en crise après la pandémie de Covid-19

Après la crise du Covid-19, Depot s'est à nouveau retrouvé en difficulté. La générosité suisse n'a pas suffi à remettre l'entreprise et sa principale chaîne de magasins sur la voie du succès. La pandémie a durement affecté Depot, par une baisse des ventes marquée, puis des coûts de fret élevés pour les expéditions depuis l'Extrême-Orient. L'entreprise – principalement active en Allemagne, en Autriche et en Suisse – se bat pour sa survie.

Le propriétaire et dirigeant de l'entreprise, Christian Gries, petit-fils du fondateur, veut sauver l'entreprise par des coupes sévères, comme l'écrit le journal allemand «Handelsblatt». La réduction du nombre de filiales est une des mesures envisagées. Sur les 300 magasins que compte l'Allemagne, 90 sont sur la sellette: «Nous espérons pouvoir conserver au moins la moitié des filiales menacées», a déclaré Christian Gries au «Handelsblatt». Cela signifie que, dans le meilleur des cas, plus de 10% des magasins Depot disparaîtraient tout de même en Allemagne.

Depot Suisse n'est pas Depot Allemagne

Du côté de Depot, on déclare à propos de l'activité suisse, où 35 filiales sont actuellement présentes sur le marché: «Dans l'ensemble, c'est tout le commerce de détail qui connaît une baisse de la fréquentation des clients ainsi que du moral des consommateurs. Nous en faisons l'expérience, tout comme d'autres acteurs du marché.» Néanmoins, l'entreprise est globalement satisfaite de ses activités en Suisse où elle est également rentable.

Pour rester attractif auprès des clients, des baisses de prix seront appliquées à l'avenir. L'entreprise tient manifestement à bien séparer les activités commerciales en Suisse de celles en Allemagne: «Comme Depot Suisse est une société indépendante, Depot Allemagne sert ici de fournisseur. Il est ainsi possible de négocier entre nous des conditions plus avantageuses.» Ces avantages tarifaires sont donc volontiers répercutés sur la clientèle suisse.

L'application de shopping chinoise Temu comme ennemie

Tel est le message officiel de Depot. Mais les spécialistes s'étonnent quelque peu de l'affaiblissement de la fréquentation des clients. Après une période de paralysie due à la pandémie de Covid-19, le commerce de détail local tend à indiquer que le commerce physique est redevenu plus attractif, les clients appréciant à nouveau l'expérience tactile, ce qui a également permis un retour des centres commerciaux.

Toutefois, ce qui pourrait davantage affecter une chaîne de décoration comme Depot sont les expéditeurs chinois à bas prix comme Temu. C'est en tout cas ce qu'annonce la société de conseil en commerce en ligne Carpathia, basée à Winterthour, qui a récemment identifié quatre secteurs suisses de la vente au détail qui souffrent tout particulièrement de l'offensive agressive de Temu. En font partie, outre les assortiments d'outils et de bricolage ainsi que les accessoires électroniques pour la maison, surtout les secteurs «Décoration et accessoires» et «Home et Living».

C'est dans ces deux derniers secteurs que Depot évolue – et est donc particulièrement menacé, comme l'explique la directrice de Carpathia, Alexandra Scherrer: «Comme les articles de marque jouent ici un petit rôle, l'assortiment ne se démarque pas fortement de la masse et fonctionne donc fortement par le biais du prix.» Souvent, ce que les clientes et les clients trouvent dans les magasins Depot est tout aussi made in China que les assortiments à bas prix de Temu. Alexandra Scherrer explique: «Pour les commandes d'appareil ménager, on est tributaire du bon fonctionnement des appareils et du respect des normes locales.» Ce n'est pas le cas pour les petits meubles et les accessoires d'intérieur comme les vases, les diffuseurs de parfum, les pots de fleurs ou les textiles d'extérieur – et là, les différences de prix sont parfois massives.

Ventes de liquidation agressives de part et d'autre

On ne sait pas encore comment l'action de sauvetage de Depot va se répercuter sur le réseau de filiales suisses de Depot. Du côté de l'entreprise, on affirme actuellement être «en pourparlers avec trois sites». L'entreprise ne veut pas dire lesquels.

Dans de nombreux magasins suisses comme dans ceux d'Allemagne, des «liquidations totales» sont en cours. Mais, dit-on sur place, cela n'a qu'un rapport avec la réduction des anciens stocks. C'est maintenant à l'entreprise de prouver si elle peut ainsi se débarrasser de ses problèmes chroniques.

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