La première Jurassienne de l'histoire?
Sept arguments pour «EBS» au Conseil fédéral

Après «EWS» (Eveline Widmer-Schlumpf), la Suisse aura-t-elle «EBS» au gouvernement? Elisabeth Baume-Schneider pourrait bientôt annoncer sa candidature. La Jurassienne possède de nombreux atouts pour inquiéter les favorites alémaniques. Notre argumentaire en sept points.
Publié: 11.11.2022 à 06:00 heures
|
Dernière mise à jour: 12.11.2022 à 09:20 heures
8 - Adrien Schnarrenberger - Journaliste Blick.jpeg
Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

«Evi contre Eva». C’est la formule toute faite de la presse alémanique pour la succession de Simonetta Sommaruga. Il faut dire que malgré plusieurs défections (Flavia Wasserfallen, notamment), le PS tient avec Evi Allemann et Eva Herzog deux candidates de choix qui correspondent à beaucoup de critères. Dont celui d’être des femmes, au grand dam de Daniel Jositsch.

Mais il y en a une autre qui coche toutes les cases. Et qui pourrait bien entrer dans la course très prochainement. Tout juste citée en bout de liste par les éditorialistes alémaniques, Elisabeth Baume-Schneider a tout pour jouer les troubles-fêtes et être davantage qu’une simple option romande. Voici pourquoi.

1. Elle est (aussi) Alémanique

Dès l’annonce de démission de Simonetta Sommaruga, le poste semblait promis à une Alémanique. Jusqu’à ce que le directoire du PS décide que toutes les régions étaient en lice, sous réserve que les candidatures soient féminines. Soudain braqués sur la Suisse romande, les projecteurs se sont éteints avec les refus des deux ministres vaudoises, Rebecca Ruiz et Nuria Gorrite. Mais Elisabeth Baume-Schneider pourrait se glisser sur le ticket du PS.

Tout juste citée en bout de liste par les éditorialistes alémaniques, Elisabeth Baume-Schneider a tout pour jouer les troubles-fêtes.
Photo: Keystone

Avec déjà trois ministres (Berset, Parmelin et Cassis), les cantons latins se trouveraient alors en majorité. Une situation qui ne s’est présentée qu’une fois (1917-1920) et qui, même si le coprésident Cédric Wermuth appelle à «ne pas avoir peur des Romands», pourrait freiner les ardeurs. Et ce en dépit des rumeurs qui vouent à Alain Berset des velléités de départ après son année de présidence, qui commence sauf surprise dans un gros mois.

Or, «EBS» a beau être née dans les Franches-Montagnes, elle possède de solides attaches de l’autre côté de la Sarine. Ou plutôt des racines, puisque son père est un Alémanique et qu'elle maîtrise parfaitement le suisse-allemand. Un atout non négligeable qui explique aussi pourquoi elle s’est rapidement fait un nom à Berne, où elle a été élue avec le meilleur score de son canton, en 2019. Elle est entrée directement dans le «club» du Conseil des Etats, une Chambre qu’elle doit présider en 2024. Sauf si elle accède au gouvernement d'ici là.

On pourrait même affirmer que la socialiste a réconcilié le Jura avec les Alémaniques: c’est elle qui a créé une maturité bilingue à cheval sur les deux cantons (deux ans à Laufon en allemand, deux en français à Porrentruy), qui connaît un franc succès. Cela permet notamment aux Jurassiens d’être plus compétitif sur le marché de l’emploi grâce à leur maîtrise des deux langues et, surtout, du dialecte.

2. Elle est mère de famille

Certaines voix au PS voudraient une jeune mère au gouvernement. A respectivement bientôt 61 ans et bientôt 59 ans (les deux sont de décembre), Eva Herzog et Elisabeth Baume-Schneider n’entrent pas dans cette case.

Mais la Jurassienne connaît peut-être mieux que quiconque en politique suisse la difficile réalité d’allier carrière et vie de famille. En 2007, celle qui était encore ministre jurassienne dévoilait son organisation familiale au «Temps». Elle était en avance sur le sien, puisque c’est son mari qui gérait le foyer pendant qu’elle pouvait donner libre cours à son ambition. Pas feinte: «Cela peut faire penser que je suis une grimpionne, alors qu’on dirait sans doute d’un homme qu’il est lucide et décidé», critiquait-elle alors.

Dans les années 2000, alors qu’elle était députée au Parlement jurassien (qu’elle a présidé par la suite), Elisabeth Baume-Schneider a fait sensation en prenant son bébé en séance avec elle. Une première dans l’histoire du Jura et à l'échelle suisse, probablement. Dix-huit ans, en tout cas, avant qu'une députée de Bâle-Ville ne soit exclue parce qu’elle allaitait au Parlement.

Désormais adultes, les deux garçons pourraient se retrouver avec une conseillère fédérale de maman, grimpionne ou non.

3. Elle représente les régions rurales...

Première femme socialiste au gouvernement jurassien, elle pourrait marquer l’histoire de son canton, jamais représenté au Conseil fédéral. Même si la Bâloise Eva Herzog peut aussi faire valoir une sous-représentation globale du nord du pays, Elisabeth Baume-Schneider a légitimement le droit de se poser en plus en ardente défenseuse de toutes les régions dites «périphériques» du pays, celles où les bus ne passent pas toutes les 10 minutes.

La Jurassienne est toujours restée fidèle à son village des Breuleux, dans les Franches-Montagnes, là où des moutons à nez noir paissent dans son jardin. Difficile de faire plus «proche des gens»: l’assistante sociale est bénévole dans une épicerie solidaire, tandis que son mari est moniteur d’auto-école.

Les Breuleux, une région jamais représentée au gouvernement.
Photo: Keystone

4. …mais connaît les réalités urbaines

Si elle a toujours habité sa région, où elle a notamment présidé la Conférence des Gouvernements de la Suisse du Nord-Ouest et développé les lignes ferroviaires Bâle - Delémont - Bienne, Elisabeth Baume-Schneider connaît aussi la réalité urbaine de la Suisse romande. Elle a ainsi dirigé la Haute école de travail social, à Lausanne lorsqu’elle a quitté le gouvernement jurassien, en 2015.

5. Elle est très PS compatible

En février, la Jurassienne a succédé à Ada Marra à la vice-présidence de son parti. Membre de plusieurs commissions importantes du Conseil des Etats, dont celle de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie qu’elle préside, Elisabeth Baume-Schneider est très appréciée de son camp politique. On dit même que sa position influente dans son groupe parlementaire est son atout numéro un.

La Jurassienne aux premières loges lors de la votation sur AVS 21.
Photo: Keystone

6. …mais aussi capable de faire des alliances

Fille d’un homme PLR alémanique, originaire d’un canton sur lequel a longtemps flotté la bannière PDC, elle sait former des majorités. Alors qu’elle pouvait sembler «monothématique» à son retour en politique en 2019, après ses mandats jurassiens et la direction de la Haute Ecole de travail social, elle a su se profiler sur beaucoup de dossiers importants à Berne, notamment en matière de défense de l’environnement.

Elisabeth Baume-Schneider sait obtenir des compromis, une faculté très importante dans un Conseil fédéral. Si elle venait à l’intégrer, elle n’aurait ainsi pas peur de naviguer en eaux inconnues, une qualité non négligeable puisqu’elle ne pourrait sans doute pas choisir son département.

7. Elle connaît parfaitement l’exécutif

Les douze années passées par Eva Herzog à l’exécutif bâlois depuis son échec en 2010 face à une certaine Simonetta Sommaruga sont l’une des grandes raisons avancées pour justifier le statut de favorite de la socialiste alémanique.

Elisabeth Baume-Schneider a largement de quoi rivaliser: elle a passé quinze ans dans l’exécutif cantonal, mais, contrairement à sa future rivale (temporaire) rhénane, elle y était minoritaire. C’est, là aussi, un paramètre que la Jurassienne pourrait faire valoir si elle venait à entrer dans la course pour le Conseil fédéral. Réponse bientôt?

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la