Des mesures «simplistes»
La semaine de la vaccination est-elle un échec avant même d'avoir commencé?

La Confédération a alloué 96 millions de francs pour sa semaine nationale de la vaccination. Mais les Cantons ne semblent pas intéressés à rapidement en profiter puisqu'ils n'ont utilisé que 17,7 millions. Les visites à domicile et les appels téléphoniques sont annulés.
Publié: 07.11.2021 à 08:02 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2021 à 11:04 heures
Tobias Marti, Sven Zaugg

Avant même de débuter, la semaine nationale de la vaccination ne commence pas très fort. La semaine prochaine, une véritable armada de 1700 conseillers (1 pour 5000 habitants) était censée déferler sur le pays pour venir sonner aux portes des citoyens suisses.

Les premières offres pour lesquelles les cantons ont demandé leur budget ont été soumises à nos collègues du SonntagsBlick. Et les Cantons ne se montrent pas pressés de profiter des 96 millions de francs alloués par la Confédération.

Pour l’heure, ils n’ont accepté que 17,7 millions. Cet argent sert principalement au financement de divers personnels, tels que des équipes de vaccination mobiles ou des renforts pour permettre des heures d’ouverture plus longues des centres de vaccination et des cabinets médicaux.

Des dizaines de fourgons de vaccination seront en circulation dans toute la Suisse. Ici à Obwald.
Photo: Thomas Meier
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Photo: Blick

Les visites à domicile annulées

La mission de Michael Beer, responsable de la semaine nationale de la vaccination, est politiquement plus délicate qu’il n’y paraît. Il a d’ailleurs fait marche arrière sur plusieurs points proposés. «Il n’y aura pas de campagnes téléphoniques ni de visites à domicile», a-t-il révélé. Pourquoi? Parce que pas un seul canton n’en veut.

Ce n’est pas la première mission spéciale de cet homme de 56 ans, qui est vice-directeur de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. Lorsque le monde attendait un vaccin contre le Covid et que l’usine de Lonza à Viège (VS) manquait de spécialistes, il avait rassemblé le personnel du fournisseur pharmaceutique.

Des mesures «un peu trop simplistes»

Même le processus de consultation laissait présager un départ difficile. Les cantons ont critiqué le paquet de mesures. De Saint-Gall à Genève, l’adhésion ne s’est pas fait sentir. «Nous étions un peu trop rigides, nous avons imaginé quelques mesures un peu trop simplistes», admet Michael Beer

La Confédération sera elle aussi active durant la semaine de la vaccination. Elle a prévu de dépenser dix millions de francs, a prévu un «village de la vaccination» en pleine gare centrale de Zurich et a organisé cinq concerts de soutien, tous déjà pleins.

La majeure partie de la campagne de vaccination doit toutefois être financée par les cantons. Michael Beer sait depuis mercredi combien leurs efforts sont importants.

Les cantons de Suisse centrale doivent mettre le turbo

Le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures a demandé 65’000 francs pour sa campagne de vaccination. C’est étonnant, car il s’agit de l’un des cantons ayant le taux de vaccination le plus bas de Suisse, avec 57%. L’investissement canton ne se monte qu’à 2,70 francs par habitant.

Les contre-exemples existent pourtant. Le canton d’Obwald, avec un taux de vaccination tout aussi faible (55%), a puisé 310’000 francs suisses dans la cagnotte du Conseil fédéral — 18 francs par habitant.

Le canton de Berne est de loin celui qui a demandé le plus, son taux de vaccination étant pourtant de 65%. Elle a demandé 3,9 millions de francs à la Confédération, soit 10,70 francs par personne non vaccinée.

«Épuiser toutes les possibilités»

«Nous espérons que les cantons vont à nouveau appuyer sur l’accélérateur et épuiser toutes les possibilités», déclare Michael Beer. Résolument optimiste, il constate que les cantons sont motivés et créatifs.

Lukas Engelberger, président des directeurs cantonaux de la santé publique (CDS), souligne que les cantons avaient déjà fait beaucoup avant le lancement de la campagne de vaccination. Il pointe aussi du doigt leurs ressources humaines limitées.

Le Conseil fédéral veut faire vacciner un demi-million de plus que prévu

Le conseiller fédéral en charge de la santé Alain Berset a refusé de désigner une cible devant les médias mercredi. Le gouvernement vise un taux de vaccination de 93% chez les plus de 65 ans. Pour les personnes âgées de 18 à 65 ans, l’objectif est de 80%.

Nos collègues du SonntagsBlick ont pourtant appris que la Confédération espérait un demi-million de personnes supplémentaires doublement vaccinées d’ici la fin de l’année. Berne mise surtout sur les migrants et les personnes âgées.

Jours intenses à Obwald

Parmi les cibles «non-désignées» par Alain Berset: la Suisse centrale. Maya Büchi est assise de manière tendue dans le nouveau centre de vaccination, qui a été présenté au public vendredi. La directrice de la santé d’Obwald a vécu des journées intenses. Depuis la semaine dernière, son canton fait la une des journaux. Neuf résidents sont morts du Covid dans une maison de retraite à Giswil.

La population d’Obwald, critique vis-à-vis du vaccin, occupe l’une des dernières places du pays avec une couverture de 55%. Si vous demandez à la directrice de la santé pourquoi il en est ainsi, elle se refuse à répondre. Elle ne sait pas et ne veut pas fournir de raisons ou de spéculations. «Il y a encore de la place pour des améliorations à Obwald», concède-t-elle.

En tout cas, les autorités du canton veulent se rapprocher de la population. Un camion de vaccination sillonne les routes de montagne et s’arrête sur les places des villages. Une affiche optimiste au look disco, sur laquelle des habitants du canton déclarent leur soutien à la vaccination: un DJ, un dentiste, un ancien conseiller cantonal et Maya Büchi elle-même.

Une séance d’hypnose pour les phobiques

En Suisse orientale, des efforts sont aussi fournis. Mercredi, des politiciens de Saint-Gall, de Thurgovie et des deux Appenzell ont fourni des informations sur les semaines de vaccination. Des heures d’ouverture un peu plus longues pour les centres de vaccination, des injections sans rendez-vous préalable, même de courte séance d’hypnose pour les phobiques.

«Ne nous leurrons pas», a déclaré Yves Noël Balmer, directeur de la santé d’Appenzell Rhodes-Extérieures, «nous ne serons pas en tête de classement, même après la semaine de vaccination.» Il a rappelé la longue tradition appenzelloise de guérison naturelle et a indiqué que même la vaccination contre la rougeole avait suscité la colère populaire.

Pendant ce temps, le directeur de la santé de Saint-Gall, Bruno Damann, pose des objectifs ambitieux. «Nous visons un taux de vaccination de 80%», dit-il. Actuellement, il est de 58%.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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