L'accompagnement social bientôt inscrit dans la loi?
Le Conseil des États doit statuer sur la prise en charge des agresseurs sexuels

Le Parlement veut actualiser le droit pénal en matière sexuelle, notamment la définition du viol. En plus des victimes de violences, les agresseurs sont aussi au centre des débats quant à leur prise en charge pour éviter la récidive.
Publié: 07.03.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 07.03.2023 à 08:29 heures
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Rebecca Spring et Lea Hartmann

Comment un homme devient-il un criminel? Voici la question centrale de la profession de Christoph Gosteli. Ce travailleur social de 38 ans travaille au Mannebüro Züri, un centre de conseil et d’information pour les auteurs de violences domestiques et sexuelles. Les hommes qui le consultent ont déjà frappé, menacé ou contraint sexuellement une femme. L’objectif de la consultation: faire en sorte qu’il ne recommence pas.

«Souvent, les victimes n’ont pas de désir de punition, mais souhaiteraient plutôt que les agresseurs prennent conscience de ce qu’ils ont fait», explique Christoph Gosteli. Lors de l’entretien avec un auteur de violences, ils travaillent sur son délit, entraînent la perception de soi: «S’il se retrouve dans une situation similaire, il doit reconnaître s’il retombe dans les mêmes travers.»

La consultation tourne aussi beaucoup autour d'un thème récurrent. «La violence sexuelle est fréquemment liée à des représentations de la masculinité», souligne encore le travailleur social. Avec de fausses représentations de la masculinité.

Christoph Gosteli travaille avec des hommes auteurs de violences sexuelles pour éviter leur récidive.
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Les agresseurs en point de mire

Aujourd’hui, Christoph Gosteli et ses collègues conseillent surtout des hommes qui cherchent de l’aide de leur propre initiative. Mais les tribunaux doivent-ils à l’avenir pouvoir obliger les délinquants sexuels à suivre de tels programmes?

C’est ce que doit décider ce mardi le Conseil des États, au moment de débattre à nouveau de l’actualisation du droit pénal en matière sexuelle. Le cœur du projet, et aussi sa partie la plus controversée, est une nouvelle définition du viol (voir encadré). Comme le Conseil national veut emprunter une autre voie que le Conseil des États, ce dernier doit revoir sa copie.

Définition du viol: un compromis se dessine

Dire non ne suffit pas. Aujourd'hui, on considère qu'il y a viol lorsqu'une femme est contrainte d'avoir des relations sexuelles par la violence physique ou psychologique. Des hommes victimes de viol? Il ne peut pas y en avoir aujourd'hui, en vertu de la loi.

Il est incontestable que l'infraction doit désormais être formulée de manière neutre du point de vue du genre. Il en va de même pour le fait que la violence physique ou psychique ne doit plus être une condition préalable à l'existence d'un viol.

En revanche, le Conseil national et le Conseil des États ne sont pas d'accord sur la question de savoir si la solution de l'opposition ou celle du consentement doit s'appliquer à l'avenir. La solution du consentement – connue comme «Seul un oui est un oui» – définit une agression sexuelle comme un acte sexuel commis sans le consentement d'une personne. La solution de l'opposition, en revanche, définit un acte sexuel auquel une personne ne dit pas «non».

En décembre, le Conseil national s'est prononcé à la surprise générale en faveur de la réglementation plus large du «Seul un oui est un oui» – il s'agissait d'un succès de lobbying pour des organisations comme Amnesty International, qui se battent depuis des années pour la solution du consentement. Pour le Conseil des États en revanche, cette réglementation va trop loin.

La commission juridique de la Chambre haute propose un compromis. On veut s'en tenir à la règle du «Non c'est non», mais avec un complément: le «freezing», ou sidération, souvent observé chez les victimes, doit être expressément mentionné dans la loi. Cela signifie qu'il y a infraction même si une victime ne dit pas explicitement «non» parce qu'elle se trouve en état de choc.

Il est probable que ce compromis finisse par s'imposer. Les partisans de la solution «Seul un oui est un oui» ont toutefois clairement fait savoir qu'ils se battraient jusqu'au bout. Mais face à la majorité bourgeoise du Conseil des États, ils risquent bien de finir par perdre la partie.

Dire non ne suffit pas. Aujourd'hui, on considère qu'il y a viol lorsqu'une femme est contrainte d'avoir des relations sexuelles par la violence physique ou psychologique. Des hommes victimes de viol? Il ne peut pas y en avoir aujourd'hui, en vertu de la loi.

Il est incontestable que l'infraction doit désormais être formulée de manière neutre du point de vue du genre. Il en va de même pour le fait que la violence physique ou psychique ne doit plus être une condition préalable à l'existence d'un viol.

En revanche, le Conseil national et le Conseil des États ne sont pas d'accord sur la question de savoir si la solution de l'opposition ou celle du consentement doit s'appliquer à l'avenir. La solution du consentement – connue comme «Seul un oui est un oui» – définit une agression sexuelle comme un acte sexuel commis sans le consentement d'une personne. La solution de l'opposition, en revanche, définit un acte sexuel auquel une personne ne dit pas «non».

En décembre, le Conseil national s'est prononcé à la surprise générale en faveur de la réglementation plus large du «Seul un oui est un oui» – il s'agissait d'un succès de lobbying pour des organisations comme Amnesty International, qui se battent depuis des années pour la solution du consentement. Pour le Conseil des États en revanche, cette réglementation va trop loin.

La commission juridique de la Chambre haute propose un compromis. On veut s'en tenir à la règle du «Non c'est non», mais avec un complément: le «freezing», ou sidération, souvent observé chez les victimes, doit être expressément mentionné dans la loi. Cela signifie qu'il y a infraction même si une victime ne dit pas explicitement «non» parce qu'elle se trouve en état de choc.

Il est probable que ce compromis finisse par s'imposer. Les partisans de la solution «Seul un oui est un oui» ont toutefois clairement fait savoir qu'ils se battraient jusqu'au bout. Mais face à la majorité bourgeoise du Conseil des États, ils risquent bien de finir par perdre la partie.

plus

Si jusqu’à présent, le Parlement a surtout parlé des victimes, ce sont désormais les auteurs de violences qui sont au centre de l’attention. La commission juridique du Conseil des États propose à son conseil d’intégrer un nouvel élément au projet: les auteurs ne doivent pas seulement être punis d’une amende ou d’une peine de prison, il doit également être possible de les contraindre à participer à un «programme d’apprentissage».

«Travailler avec les auteurs, c’est protéger les victimes»

La commission qui a préavisé la réforme du droit pénal sexuel soutient cette proposition sans opposition. On peut donc s’attendre à ce que le Conseil des États se prononce en sa faveur.

La conseillère nationale PS Tamara Funiciello avait déjà demandé de tels cours de prévention lors des débats au Conseil national. Elle souhaitait toutefois qu’ils soient obligatoires pour tous les délinquants sexuels condamnés – ce qui allait trop loin pour une majorité des partis bourgeois. Le compromis du Conseil des États devrait en revanche être approuvé par le National.

Christoph Gosteli se réjouirait que le travail de prévention soit ancré dans la loi. «Travailler avec les auteurs, c’est protéger les victimes, assure-t-il. Nous avons absolument besoin d’offres pour les victimes, elles doivent aussi être développées.» Mais en parallèle, il faut aussi investir dans le travail avec les auteurs de violences.

«Aujourd’hui, il est très facile pour les auteurs de s’évanouir dans la nature», estime le trentenaire. Les hommes qui ne se rendent pas compte eux-mêmes qu’ils ont un problème doivent être contraints de l’affronter.

Une démarche soutenue par la science

Tamara Funiciello est également de cet avis. La proposition de la commission juridique du Conseil des États est un «grand succès pour le mouvement féministe», a-t-elle déclaré au nom des Femmes socialistes après la décision de la commission, en janvier dernier. Elle a fait référence à des chiffres qui prouvent que les auteurs de violences ayant suivi un conseil en matière de violence ou ayant dû participer à un programme d’apprentissage ont un taux de récidive significativement plus bas.

En effet, une évaluation des autorités zurichoises sur les programmes d’apprentissage pour les auteurs de violences domestiques en 2021 indique que de tels programmes peuvent être très efficaces, de court à moyen terme. En l’espace de deux ans, aucun des hommes passés par ces formations n’est réapparu sur le radar de la police. En outre, on est arrivé à la conclusion que de tels programmes valaient également la peine d’un point de vue financier. Prévenir un acte de violence est nettement moins cher que d’en assumer les conséquences.

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