L'alliance s'effrite fortement
Les dirigeants du Centre ne croient pas au deal à 15 milliards avec la gauche

Avec leur accord de plusieurs milliards pour l'armée et la reconstruction de l'Ukraine, des élues du Centre ont surpris la direction de leur propre parti. Celle-ci réagit désormais avec scepticisme. L'alliance avec la gauche semble, elle, avoir du plomb dans l'aile.
Publié: 30.04.2024 à 06:09 heures
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Daniel Ballmer

En public, le président du Centre Gerhard Pfister garde un silence de fer sur l'accord de 15 milliards de francs que des élus de son groupe ont conclu avec la gauche au Parlement. Une alliance de circonstance qui doit permettre d'allouer 10,1 milliards de francs à l'armée et 5 milliards à la reconstruction de l'Ukraine, et ce, en bravant le frein à l'endettement et en faisant passer cet investissement pour une dépense extraordinaire.

Mais en coulisses, la gronde serait au sein du parti du Centre. Des voix rapportent que le Gerhard Pfister se serait senti pris au dépourvu. «Ça va pas? Comment peuvent-ils faire ça dans mon dos?», aurait-il fulminé. «Pfister est profondément blessé», peut-on encore entendre en coulisses.

La direction du Centre n'était pas au courant du plan secret

En fait, la direction du parti n'était pas au courant du plan secret, explique-t-on dans l'entourage de Gerhard Pfister. Et ce, même si Andrea Gmür (LU) et Marianne Binder (AG), deux conseillères aux Etats du Centre, y ont pris part de manière déterminante. La ministre de la Défense et seule représentante du parti au Conseil fédérale Viola Amherd serait également favorable à l'accord. Des documents internes semblent le prouver et corroborer ainsi des propos entendus dans les couloirs du Département de la défense (DDPS).

Le Centre et la gauche ont ficelé un paquet de 15 milliards pour l'armée et l'Ukraine.
Photo: Keystone
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Problème: pour que cette coalition de circonstance obtienne une majorité au Parlement, il faudrait que le groupe parlementaire du Centre vote pratiquement en bloc en faveur du deal. Mais la direction du parti n'y croit pas: «Certains membres ne participeront en aucun cas: pour eux le frein à l'endettement est intouchable», peut-on ainsi entendre. En fait, les conseillers aux Etats centristes Peter Hegglin (ZG), Benedikt Würth (SG) et Beat Rieder (VS) rejettent déjà clairement le deal de plusieurs milliards, à l'instar du conseiller national saint-gallois Markus Ritter.

Les Vert-e-s aussi se distancient déjà

A cela s'ajoute le fait que la cheffe du groupe parlementaire des Vert-e-s Aline Trede (BE) s'est montrée peu enthousiaste à l'égard de l'accord de plusieurs milliards au micro de la chaîne de télévision régionale zurichoise Telezüri. La Conseillère nationale a souligné que le deal avait été forgé en premier lieu par le Centre et le Parti socialiste (PS). Dans le même temps, elle a rappelé que les accords sur la guerre en Ukraine avaient pratiquement tous échoué au Parlement.

Le conseiller national des Vert-e-s et ex-président du parti Balthasar Glättli (ZH) semble partager cet avis: «Si tu conclus un accord avec le Centre, il n'en reste généralement pas grand-chose à la fin», a-t-il ironisé sur X. Les signaux sont donc clairs: l'alliance centre-gauche s'effrite fortement, après quelques jours seulement.

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Les femmes du Centre, elle, se battront jusqu'au bout. «Il serait nouveau pour moi que le frein à l'endettement puisse repousser des missiles», a martelé Marianne Binder dans les colonnes de la «SonntagsZeitung». Et sa collègue Andrea Gmür de renchérir: «Qu'est-ce qu'une situation extraordinaire, si ce n'est une guerre en Europe?»

A la tête du Centre, personne ou presque ne croit à un succès

Les juristes de la Confédération ne sont pas du même avis. Selon l'administration des finances, la guerre en Ukraine est certes un événement extraordinaire, mais l'augmentation progressive du budget de l'armée est en revanche planifiable et peut être obtenue via un budget conforme au frein à l'endettement. L'Office fédéral de la justice parvient à la même conclusion en ce qui concerne la reconstruction de l'Ukraine. C'est ce qui ressort d'une prise de position interne dont Blick a eu connaissance.

Le président du parti Gerhard Pfister se contente de déclarer que le groupe Centre discutera et statuera définitivement sur sa position lorsque les séances prévues à cet effet auront lieu. Mais il semble déjà clair qu'à la tête du parti, personne ne croit à un succès. «En principe, il faut saluer le fait que les membres de la commission cherchent des solutions», entend-on. «Mais un accord de 15 milliards est peut-être un peu exagéré.»

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