C'est décidé: le Conseil fédéral veut économiser sur les rentes de veuves. Avec la révision prévue, les veufs et les veuves seront mis sur un pied d'égalité, au détriment des femmes. La situation des veuves se détériore et des centaines de millions de francs sont ainsi économisés. Et ce, bien que la réforme de l'AVS, qui entrera en vigueur l'année prochaine, se fasse aussi au détriment des femmes.
Une alliance de figures féminines prend le contre-pied et lance un manifeste pour de meilleures rentes. «Nous nous opposons au nouveau projet de démantèlement des rentes de veuves», déclare Vania Alleva, cheffe d'Unia et co-lanceuse du manifeste. «Au lieu de cela, nous demandons une amélioration par l'introduction d'une 13e rente AVS.»
Ruth Dreifuss veut le minimum vital
Parmi les premières signataires, on compte une soixantaine de femmes éminentes issues du monde politique, économique, culturel, sportif et social. Parmi elles, l'ancienne conseillère fédérale socialiste Ruth Dreifuss qui s'est engagée en faveur de la reconnaissance des tâches éducatives et d'assistance afin d'améliorer les retraites des femmes. Pour elle, l'AVS est le cœur social de la prévoyance vieillesse.
«Des réformes sont toujours nécessaires pour réaliser l'objectif constitutionnel d'une AVS garantissant le minimum vital», déclare Ruth Dreifuss à Blick. Une 13e rente AVS serait un petit pas dans cette direction. «Nous devons faire ce pas maintenant, et pas seulement pour les femmes!» Une rente de vieillesse plus élevée est aussi importante pour la classe moyenne, souligne-t-elle.
L'ex-Miss Suisse pour une 13e rente AVS
L'ex-Miss Suisse et actrice Melanie Winiger soutient également le manifeste. «Une augmentation de la rente AVS est nécessaire de toute urgence, notamment pour nos mères et nos grands-mères qui ont fourni tant de soins et de gardiennage pour les enfants, explique-t-elle afin justifier son engagement. Car ce travail important, mais non rémunéré, fait qu'à la retraite, elles sont pauvres. Cela doit changer.»
La footballeuse Sarah Akanji s'engage aussi pour une meilleure rente AVS. «Une grande partie du travail non rémunéré des femmes est encore considérée comme allant de soi et n'est pas valorisée, bien que nous en soyons dépendants en tant que société», déclare l'ancienne conseillère cantonale du Parti socialiste (PS) zurichois. «Avec une AVS forte et des rentes équitables – aussi pour les femmes – nous pouvons tout de même contrecarrer un peu ce déséquilibre.»
L'AVS, importante pour les temps partiels
La cheffe de l'association professionnelle des soins, Yvonne Ribi, apporte son soutien: «Dans la branche des soins, en particulier, de nombreuses femmes travaillent à temps partiel et dans des secteurs à bas salaires, informe-t-elle. Une bonne prévoyance vieillesse est d'autant plus importante – dont la 13e rente AVS est un élément central.»
La professeure en chef Dagmar Rösler souligne que de nombreuses enseignantes travaillent à temps partiel parce que beaucoup d'entre elles doivent encore assumer la prise en charge de la famille – la charge mentale ménagère – et ce, toujours gratuitement. «Cela est également dû à la situation encore insatisfaisante de la prise en charge externe des enfants», commente Dagmar Rösler.
Après le relèvement de l'âge de la retraite des femmes et la détérioration prévue des rentes de veuve, il s'agit au moins d'améliorer la situation des retraites pour les femmes, selon l'enseignante en cheffe. «La 13e rente AVS peut apporter un remède ciblé chez les femmes.»
Le manifeste des femmes a par ailleurs reçu le soutien de la cycliste professionnelle Marlen Reusser, médaillée d'argent aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020, de l'influenceuse Morena Diaz, de la chanteuse de cabaret Rebekka Lindauer, de la chercheuse en genre Franziska Schutzbach ou encore de l'économiste Mascha Madörin. De nombreuses femmes politiques ont aussi signé le manifeste, comme la coprésidente du PS Mattea Meyer et la cheffe des femmes du même parti Tamara Funiciello.
Une défaite pas encore digérée
Pour l'Alliance des femmes, le manifeste marque le début de la campagne de votation pour l'initiative populaire pour une 13e rente AVS, qui sera soumise aux urnes le 3 mars 2024. Elle doit donner un coup de pouce au camp du oui, en particulier chez les femmes.
Beaucoup n'ont en effet pas encore digéré le fait que, lors de la réforme de l'AVS, une majorité d'hommes ait mis les femmes en minorité et leur a ainsi imposé un âge de la retraite plus élevé.
«Cette votation fait encore mal à beaucoup de femmes aujourd'hui», confie Vania Alleva. Il est d'autant plus important que le travail des femmes soit reconnu, y compris financièrement, avec de meilleures rentes. La syndicaliste est claire: «L'initiative pour une 13e rente AVS est le moyen le plus rapide d'y parvenir.»