Conflit avec les caisses
«Sans avocat, les assurés n'ont presque aucune chance»

Bien qu'une thérapie contre le cancer soit comprise dans l'assurance de base, la caisse maladie SLKK a refusé de la financer à un homme de 82 ans. Le tribunal est intervenu... mais trop tard. L'homme est décédé entre temps. L'expert Felix Schneuwly décortique le cas.
Publié: 24.12.2021 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 24.12.2021 à 11:25 heures

Il aurait eu une chance de vaincre le cancer, mais son assurance SLKK a refusé de financer la thérapie de Karl Riebli-Föhn. La caisse maladie zurichoise a refusé de prendre en charge les coûts de ce Nidwaldien… de façon complètement illégitime.

La thérapie contre le cancer qui aurait pu l’aider, Kymriah, faisait partie de l’assurance de base. Mais au lieu de remplir son devoir, l’assureur a préféré aller en justice. Cela a d’abord coûté du temps à cet homme malade de 82 ans. Puis la vie. Il est mort un jour avant que le Tribunal fédéral ne rende son jugement. Et lui a donné raison.

Comment est-ce possible? La caisse a justifié son refus par le fait que les critères «EAE» n’étaient pas remplis. Selon ces critères, un traitement doit être efficace, approprié et économique.

L'assureur zurichois est sous le feu des critiques pour avoir refusé de payer un traitement de base contre le cancer. Une décision lourde de conséquences...
Photo: Screenshot SLKK
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«Jouer sur la montre en cas de vie ou de mort n’est pas acceptable»

Felix Schneuwly, expert en caisses maladie auprès du site Comparis, déclare à Blick: «C’est un cas flagrant. Cela peut arriver, car les caisses maladie sont frileuses à l’idée de payer des traitements aussi coûteux, avec des chances de succès d’environ 50%. Mais jouer sur la montre n’est pas du tout acceptable quand il s’agit de vie ou de mort.»

Si une caisse d’assurance maladie va au tribunal dans un tel cas, «elle devrait au moins proposer au client en phase terminale d’avancer les frais si le client prend en charge le financement, au cas où le tribunal se déciderait en faveur de la caisse», explique l’expert.

Il ajoute toutefois que l’assuré de base ne peut pas toujours compter automatiquement sur le financement. «Même si un traitement comme Kymriah est une prestation obligatoire, cela ne signifie pas qu’il doit être payé dans chaque cas particulier.»

L’OFSP a agi trop tard

Le fils du défunt, Armin Riebli, ne critique pas seulement la caisse maladie, mais aussi l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce dernier n’aurait pas rempli son rôle d’organe de surveillance. L’OFSP conteste ces reproches. Il serait intervenu et aurait engagé une procédure de surveillance. L’enquête n’est toutefois pas encore terminée.

Selon l’expert de Comparis, «il est certain que l’OFSP a agi trop tard» dans ce cas. L’office effectue certes des audits auprès des caisses, mais «le public ne sait pas ce qui est contesté et si les caisses incriminées corrigent assez rapidement leurs erreurs».

Il s’est avéré par la suite que Karl Riebli-Föhn n’était pas le seul à s’être vu refuser la même thérapie par cet assureur. Sauf que l’autre patient en question a pu se payer la thérapie lui-même… et est encore vivant. Felix Schneuwly parle même d’un troisième cas similaire.

La SLKK est-elle simplement un mouton noir parmi les caisses? «Tant que l’OFSP ne fait pas preuve de transparence à ce sujet, on ne peut que le supposer», répond Felix Schneuwly.

Plus de transparence serait nécessaire

Il estime toutefois que les autorités ont le devoir de faire preuve de plus de transparence. «L’OFSP doit veiller à ce que chaque caisse maladie applique la loi de la même manière. Je me demande si l’OFSP en fait assez pour garantir l’égalité de traitement de tous les assurés, quelle que soit la caisse auprès de laquelle ils paient leurs primes».

Si le Parlement et le Conseil fédéral agissent législativement à grande échelle ce sujet, l’effet principal serait de «faire grimper les coûts de la bureaucratie et des tribunaux». «Je ne comprends pas que l’OFSP organise chaque année avec Alain Berset une conférence de presse sur les primes de l’année suivante, mais rien au sujet de l’activité de surveillance. Ce serait très important pour renforcer la confiance de la population dans un système qui fonctionne», souligne l’expert en caisses maladie.

«Il y a une inégalité de traitement en Suisse»

Selon lui, la réglementation va dans la mauvaise direction. «Sans avocat, les assurés n’ont pratiquement plus aucune chance d’obtenir gain de cause. La loi sur l’assurance maladie doit à nouveau être simplifiée. En contrepartie, l’OFSP doit obtenir la compétence d’exclure les caisses maladie, les médecins, les hôpitaux, etc. qui ne respectent pas la loi de manière répétée.»

Daniel Tapernoux, de l’Organisation suisse des patients (OSP), appelle lui aussi les autorités à agir. «Il y a une inégalité de traitement en Suisse. D’après notre expérience, ce sont plutôt les petites caisses-maladie et les caisses bon marché qui refusent les médicaments et les thérapies. Les autorités compétentes devraient enfin agir dans ce domaine», déclare-t-il à Blick.

Mais il ne tient pas à s’exprimer sur la SLKK en particulier. En raison du nombre peu élevé de déclarations qui parviendraient à l’OSP, impossible de procéder à des évaluations statistiques pour les caisses maladie concernées.

«Nous regrettons le décès de Monsieur Riebli»

L’association de caisses maladie Santésuisse se dit désolée du drame. «Nous regrettons beaucoup le décès de Monsieur Riebli et comprenons très bien la douleur de ses proches. Nous leur adressons nos sincères condoléances», déclare le porte-parole de Santésuisse Michael Müller à Blick.

Il souligne en même temps que l’évaluation de cas individuels et des circonstances qui y sont liées relève de la responsabilité de l’assureur concerné. «Il prend ensuite ses décisions sur la base de cette évaluation. C’est la Confédération qui a fixé cette procédure», explique le porte-parole.

La SLKK ne désire pas s’exprimer sur l’affaire, malgré les demandes répétées de Blick.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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