Le boom prend fin
Voici pourquoi le marché de l'immobilier s'effondre

La fête de l'immobilier en Suisse est terminée. La demande de maisons individuelles diminue. Et pour les immeubles collectifs, les prix baissent déjà.
Publié: 10.10.2022 à 05:56 heures
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Dernière mise à jour: 10.10.2022 à 16:12 heures
Danny Schlumpf

Depuis 1998, les prix de l'immobilier ont doublé en Suisse. Aujourd'hui, le boom prend fin. Le marché est en train de basculer. En effet, les facteurs qui déterminent les prix ont massivement changé en peu de temps.

Ces dernières années, les taux d'intérêt sont restés bas, l'entretien des maisons était bon marché. Les terrains à bâtir sont devenus rares, la population a augmenté. Une forte demande et une offre limitée - c'était la combinaison parfaite pour une explosion des prix.

Les banques centrales ont réagi

Mais la Russie a ensuite attaqué l'Ukraine. Les prix de l'énergie se sont envolés - et avec eux l'inflation. Les banques centrales de nombreux pays ont réagi en augmentant les taux d'intérêt: en Suisse, le taux directeur de 0,5% est à nouveau positif pour la première fois depuis huit ans. Les taux hypothécaires grimpent aussi.

Les intérêts et l'entretien ne poussent plus les prix des maisons vers le haut, mais vers le bas.
Photo: Keystone
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Il y a un an, les hypothèques fixes à dix ans étaient à 1%. Aujourd'hui, elles sont à 3%. «Les propriétaires ayant une hypothèque sur le marché monétaire verront leur facture d'intérêts augmenter fin 2022 pour la première fois depuis environ 14 ans», déclare Martin Tschopp, CEO du fournisseur d'hypothèques Moneypark.

Le zénith est-il atteint?

L'une des conséquences de cette évolution est que de nombreux propriétaires se tournent à nouveau vers les hypothèques à taux fixe - ce qui se répercute sur leurs prix. Dans son dernier moniteur immobilier, Credit Suisse s'attend à une nouvelle hausse des taux hypothécaires. «Cela suscite des questions ou des craintes chez de nombreux propriétaires, explique Martin Tschopp. Après tout, on s'est habitué à des taux d'intérêt inhabituellement bas.»

Certes, les prix des logements en propriété continuent d'augmenter - surtout parce que les taux de croissance des dernières années ont été flagrants. Toutefois, selon Credit Suisse, «le zénith devrait être atteint».

Les maisons individuelles ne sont plus aussi recherchées

Aujourd'hui, la tendance s'inverse: la demande de maisons individuelles faiblit. Les courtiers ressentent cette réorientation. S'il y avait jusqu'à récemment 15 à 20 personnes intéressées par un bien à acheter, elles sont aujourd'hui 3 ou 4.

«La demande est tombée au niveau d'avant la pandémie, explique Robert Weinert, expert immobilier chez Wüest Partner. Mais elle pourrait encore descendre davantage, si les taux d'intérêt hypothécaires continuent à augmenter.» Les prix chuteraient: c'est déjà le cas aujourd'hui dans des pays comme le Canada, la Suède et l'Australie.

Mais qu'en est-il de l'offre, sachant que celle-ci est aussi déterminante pour les prix que la demande? La réponse: les terrains à bâtir restent rares.

Renversement de tendance également au niveau de l'offre

Et pourtant, du côté de l'offre aussi, on assiste à un renversement. «Pour les maisons individuelles, la baisse de l'offre des dernières années s'est désormais stabilisée», déclare Robert Weinert. C'est ce que montrent les données des grands portails Internet et des journaux: la baisse des offres d'appartements en copropriété s'est arrêtée dès le début de l'année 2022, celle des maisons individuelles s'est ajoutée au deuxième trimestre.

Un nouvel amplificateur de l'offre entre maintenant en scène: plus de 40% des maisons individuelles suisses appartiennent à des baby-boomers - les personnes nées entre 1946 et 1964, qui prendront leur retraite dans les prochaines années. Nombre d'entre eux vendront leur maison. Cela augmente massivement l'offre. D'ici 2045, 420'000 maisons individuelles seront libérées.

Un déplacement de l'offre et de la demande est également en cours sur le marché des capitaux: la flambée des taux d'intérêt rend les emprunts d'État sûrs plus attrayants, car ils rapportent désormais nettement plus qu'il y a quelques mois. Après une longue période de vaches maigres, les obligations constituent à nouveau une alternative de placement à l'immobilier de rendement.

Les fonds immobiliers ressentent rapidement ces changements, car les investisseurs peuvent y réagir plus vite que les propriétaires. En effet, l'indice des fonds immobiliers de la Bourse suisse SIX a déjà perdu un cinquième de sa valeur depuis début 2022. Chez les propriétaires, la pression croissante se fait sentir avec un certain retard - mais elle arrive.

Boom à l'arrêt pour l'instant

Les chiffres de la Banque nationale suisse (BNS) le montrent: les prix des logements collectifs ont baissé au deuxième trimestre 2022. Au cours des douze derniers mois, seuls 22'800 nouveaux logements ont été autorisés dans toute la Suisse. «Le boom des investissements dans l'immobilier de rendement devrait donc s'arrêter pour le moment», déclare Martin Tschopp, de Moneypark.

Beaucoup dépend désormais des grands acteurs du marché immobilier, en particulier des caisses de pension. «Si elles vendent toutes des biens immobiliers à la fin de l'année, elles déclencheront une nouvelle correction des prix», prévoit Donato Scognamiglio, CEO de la société de conseil immobilier Iazi. C'est d'ailleurs ce qui l'inquiète: «Si un acteur vend une centaine de biens en même temps à Zurich, nous aurons une crise immobilière.»

De moins en moins de logements vides

La population continue de croître, le taux de vacance des logements en Suisse est passé de 1,54% l'année précédente à 1,31%. Les prix des loyers sur les portails en ligne ont augmenté de 0,6% au deuxième trimestre 2022 par rapport au même trimestre de l'année précédente. Malgré tout, les locataires sont actuellement avantagés: «Le contexte du marché a rendu la propriété du logement peu attrayante par rapport à la location dans de nombreuses régions», explique Robert Weinert.

L'environnement deviendra encore plus désagréable pour les propriétaires si les taux d'intérêt continuent à augmenter. Mais il faut s'y attendre, assène Donato Scognamiglio: «Si la Banque nationale augmente les taux d'intérêt jusqu'à 3% en peu de temps, certains auront des difficultés.» Il est donc d'autant plus important que les propriétaires gardent le contrôle de leurs dettes, selon le CEO d'Iazi: «Pour qu'ils puissent dormir sur leurs deux oreilles à l'avenir».

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