Le coprésident du PS Cédric Wermuth s'exprime sur «99%»
«Si les riches veulent partir, je les aiderai à faire leurs valises!»

Les revenus du capital doivent être taxés plus lourdement, c'est ce que demande l'initiative des 99% de la JS. Cette requête est tout à fait au goût du coprésident du PS Cédric Wermuth. Il veut que les riches paient plus.
Publié: 14.09.2021 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 14.09.2021 à 16:13 heures
Ruedi Studer (Interview), Alexandre Cudré (adaptation)

Le 26 septembre, le peuple devra se prononcer pour ou contre l'«initiative 99%», proposée par la Jeunesse socialiste. Le PS soutient la campagne de son parti de jeunes à hauteur de 60’000 francs, comme l’a expliqué son président Cédric Wermuth.

Faites-vous partie des 99%?
Cédric Wermuth: Nous faisons en effet partie des 99% de la population qui n’ont que trop peu profité de la réussite économique de ce pays ces dernières années. L’inégalité augmente. Les loyers et les primes d’assurance-maladie augmentent, les pensions sont sous pression, les salaires stagnent et les gens ont moins d’argent dans leur porte-monnaie. Pendant ce temps-là, les fortunes de quelques super-riches explosent. Nous élaborons des politiques pour les citoyens, donc la grande majorité vit de salaires ou de pensions. Pas de revenus du capital.

On connaît le refrain, pourtant: toujours s’en prendre aux méchants riches. La richesse est-elle un crime?
Non, la richesse n’est pas un crime. Ce qui est un crime, en revanche, c’est la lutte des classes qui se poursuit et est maintenue par le haut, et ce depuis des décennies. Nous voulons mettre fin à cette lutte. C’est un crime contre la solidarité dans notre société et contre le droit des salariés et des retraités à partager équitablement la prospérité. Celle-ci a été obtenue ensemble, et non pas par quelques managers de Gucci et Prada qui s’enrichissent démesurément.

«La lutte des classes poursuivie par le haut depuis des décennies est un crime», dit Cédric Wermouth.
Photo: Keystone
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Pourtant, les gens se portent globalement bien en Suisse. Pourquoi changer un système qui fonctionne?
Ceux qui gagnent leur argent en travaillant sont, malgré eux, les dindons de la farce. C’est une réalité en Suisse. La droite a restructuré le système de telle sorte que ce sont principalement ceux qui vivent du travail des autres qui engrangent un maximum d’argent. En termes de politique économique, l’UDC, le PLR, le Centre et les Vert’libéraux appliquent simplement la ligne désirée par les grandes entreprises. Ils se font susurrer leurs souhaits en matière de fiscalité pour l’appliquer tel quel au Parlement.

Vous exagérez!
Depuis des années, les partis de droite font des cadeaux fiscaux aux niveaux fédéral comme cantonal, à la place d’investir. Résultat: nous avons aujourd’hui une pénurie de personnel soignant, les bureaux de poste ferment les uns après les autres, il n’y a pas de places en crèche et les primes d’assurance maladie sont à peine abordables. Si les revenus du capital contribuaient juste un peu plus au financement des services du public, la vie s’améliorerait pour tout le monde.

Pourtant, le système fiscal est équilibré et l’impôt fédéral direct est une machine à redistribution…
C’est précisément l’impôt fédéral direct qui montre à quel point les revenus et les biens sont inégalement répartis. Avec l'«initiative 99%», nous pouvons réduire un peu cette inégalité.

Cédric Wermuth

Cédric Wermuth a 35 ans. Originaire d'Argovie, a rejoint les Jeunes socialistes en 1999 et en devient le président en 2008. En 2009, il devient membre du parlement de la ville de Baden (AG), et en 2011, membre du Conseil national. Il est coprésident du Parti socialiste suisse depuis le 17 octobre 2020, avec Mattea Meyer. Il a étudié les sciences politiques et travaille pour une agence de communication. Il est marié, père de deux enfants et vit à Zofingen (AG).

Cédric Wermuth a 35 ans. Originaire d'Argovie, a rejoint les Jeunes socialistes en 1999 et en devient le président en 2008. En 2009, il devient membre du parlement de la ville de Baden (AG), et en 2011, membre du Conseil national. Il est coprésident du Parti socialiste suisse depuis le 17 octobre 2020, avec Mattea Meyer. Il a étudié les sciences politiques et travaille pour une agence de communication. Il est marié, père de deux enfants et vit à Zofingen (AG).

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N'allez-vous pas créer de nouvelles injustices avec un taux de 150%?
La constitution prévoit une taxation en fonction des performances économiques.

Cela existe déjà avec avec l'impôt progressif, non?
Depuis une bonne trentaine d’années, le capital est exonéré d’impôts pratiquement chaque année. La constitution est depuis longtemps violée de manière flagrante. Cela prouve qui est le plus important dans ce pays: les sièges sociaux qui dirigent, pas les gens. Ce n’est pas acceptable. Prenons, par exemple, l’imposition partielle sur les dividendes: pourquoi ces gens paient-ils moins d’impôts qu’un salarié normal?

C'est en effet vrai pour les PME familiales lorsqu'un actionnaire détient plus de 10%...
Il n’y a aucune raison d’imposer moins les revenus sur les dividendes que les revenus sur le salaire. En outre, la Suisse n’a même pas d’impôt sur les gains en capital.

Au lieu de cela, elle a un impôt sur la fortune, qui n’existe pas dans de nombreux autres pays.
Et pourtant, les actifs explosent au sommet. Cela fait maintenant deux ans que je suis à la Commission économique du Parlement. L’objectif de la droite est clair et, d’ailleurs, ouvertement déclaré: le capital et les sociétés doivent être exemptés de pratiquement tous les impôts. Les impôts doivent toujours être payés sur les revenus et la consommation. Nous devons combattre un autre cadeau fiscal absurde par un référendum. L’abolition du droit de timbre ne soulagera que les centres financiers et les grandes entreprises. Nous voulons que le peuple soit à nouveau au centre de la politique.

L’initiative de la Jeunesse socialiste ne touchera pas que les riches. Prenons par exemple le cas d’un propriétaire qui décide, vingt ans après son achat, de vendre sa propriété avec un bénéfice. Cette personne sera punie.
Non, elle ne sera pas punie. L’initiative propose un seuil de 100’000 francs de revenus du capital. Supposons un rendement d’environ 3%, ce qui représente environ 3 millions de francs d’actifs. Les citoyens qui parviennent à acquérir ce montant peuvent s’accommoder de quelques francs d’impôts en plus. L’initiative ne concerne qu’un peu plus de 80’000 personnes en Suisse — soit presque exactement 1% de la population. Une petite classe privilégiée de super-riches, somme toute. Cette initiative ne leur fera pas de mal.

Que dites-vous aux PME familiales dont les actionnaires vivent des dividendes, et dont la succession pourrait être rendue difficile?
Malheureusement, l'Union suisse des arts et métiers (USAM) est complètement sous la coupe des lobbies et grandes entreprises. Plus personne ne s’y bat pour les PME. Un plan de succession est avant tout un changement de propriétaire, qui n’a rien à voir avec l’imposition des revenus du capital.

Pourtant, le successeur a besoin des revenus du capital. Sans ceux-ci, il doit contracter des dettes puis les rembourser pour reprendre l’entreprise…
Chaque fois que nous demandons un peu plus de justice sociale, on trouve des droitards qui arrivent en brandissant l’argument massue des PME. La majorité des PME de ce pays ne paient pas d’impôt sur les bénéfices et elles ne dégagent pas de revenus du capital assez massifs pour les distribuer à leurs actionnaires. Seules quelques grandes entreprises sont concernées par l’initiative. Personne ne veut interdire les revenus sur le capital. Nous voulons juste que les personnes qui les touchent apportent une juste contribution à la collectivité.

La gauche veut-elle frapper la famille Blocher au portefeuille?
Je ne suis pas intéressé par la famille Blocher. L’initiative des Jeunes socialistes est tout à fait pragmatique. Certaines personnes se sont simplement trop enrichies ces dernières années, aux dépens de nous tous. Trop de capitaux sont encore isolés entre une poignée de mains et sont utilisés pour faire de la spéculation, ce qui entraîne des crises et pèse sur le pouvoir d’achat de la majorité. Les personnes concernées par l’initiative ne remarqueront même pas que quelque chose aura changé derrière une des virgules des longs chiffres de leurs comptes en banque.

N’est-ce pas jouer avec le feu? Si les capitaux partent à l’étranger, cela nuira à notre place économique. Au final, il en restera moins pour tout le monde.
Arrêtez avec cela! Nous n’avons pas à nous demander ce que le capital nous laisse encore le droit de faire ou non! Chaque fois qu’il est question de salaire minimum, de lutte contre la pauvreté ou de l’expansion de l’Etat-providence, les riches menacent de retirer leur capital et de provoquer une crise économique. C’est un chantage au peuple et à la démocratie! Ces personnes se comportent comme des empereurs ou des rois de temps révolus et laissent penser qu’ils peuvent s’approprier tous les privilèges. Nous ne devons pas nous laisser intimider. Que ceux qui ne veulent pas contribuer à une société juste partent, s'ils le veulent. Je peux les aider à porter leurs valises. La vérité, c’est que très peu s'en iront. La qualité de vie en Suisse est unique et les retiendra.

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