Le n°2 de la task force:
«L'Euro est un Ischgl en puissance»

Urs Karrer, médecin-chef à l'hôpital cantonal de Winterthur et vice-président de la task force Covid-19, parle du rôle important de l'Euro de football dans la propagation du variant Delta.
Publié: 04.07.2021 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2021 à 08:08 heures
Fabian Eberhard

L'Europe vit au rythme de l'Euro de football. Les stades sont pleins, les terrasses et les fan zones aussi, les supporters battent le pavé: assistons-nous à un évènement superpropagateur par excellence?
Urs Karrer: Il ne fait aucun doute que ce tournoi va favoriser les contaminations. Nous savons maintenant qu'il s'est produit plusieurs contaminations massives en lien avec les matches. Près de 2000 fans écossais ont été contaminés à Londres, des centaines de Finlandais après deux matchs à Saint-Pétersbourg. L'Euro est un territoire idéal pour le virus.

Il n'aurait donc jamais dû avoir lieu?
La situation épidémiologique actuelle en Europe ne permet pas l'organisation d'évènements de masse sans contrôles stricts. Les mesures auraient dû à minima être cohérentes pour des hot spots de l'épidémie tels que l'Angleterre ou la Russie. Et nous devrions définir exactement qui est autorisé à se rendre aux matches et qui ne l'est pas. Par exemple, ceux qui ont été vaccinés deux fois.

L'expert allemand en matière de santé Karl Lauterbach a récemment déclaré : «L'UEAF a la mort de nombreuses personnes sur la conscience.» Exagère-t-il?
L'Euro aura sa part de responsabilité dans la propagation du virus et de l'amplification de la pandémie. Dans quelle mesure exactement, cela sera plus clair dans quelques semaines. L'important est de surveiller de près ce phénomène et d'en tirer les bonnes leçons.

Urs Karrer, vice-président de la task force Covid-19, observe avec inquiétude l'euphorie incontrôlée autour de l'Euro.
Photo: Keystone
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En d'autres termes, Lauterbach a raison.
On peut dire qu'un certain nombre de décès seront attribuable à l'Euro. Ce tournoi sportif, c'est un Ischgl en puissance.

Ischgl, la station de ski autrichienne où des milliers de touristes ont été infectés au début de la pandémie... Mais le nombre de cas et les taux d'hospitalisation sont actuellement faibles dans de nombreux pays, les campagnes de vaccination se poursuivent. Ne devons-nous pas aux gens un peu de normalité?
Ne vous méprenez pas : je suis moi-même un fan de football et je comprends tous ceux qui vibrent lors de ces matches. Et je comprends aussi que les émotions soient fortes après une période difficile. Je n'en veux pas à tout le monde.

Mais?
Les émotions sont l'opposé de la raison et du contrôle de soi. Tout ce qui alimente la pandémie la prolonge. Je suis vraiment étonné de la nonchalance avec laquelle nous, en Europe, continuons à faire face à ce virus alors que le nombre de cas diminue à peine.

Depuis le milieu de la semaine, le nombre de cas en Suisse est même à nouveau en légère augmentation. Est-ce que la pandémie est repartie pour un tour chez nous?
Il est encore trop tôt pour faire des déclarations catégoriques. Toutefois, il est tout à fait concevable que nous assistions à un revirement de situation après une longue période de baisse du nombre de cas. Nous en saurons plus vers la fin de la semaine prochaine.

Le variant Delta, beaucoup plus contagieux, est également en augmentation dans notre pays. Quand sera-t-il dominant?
Le 20 juin, nous étions à 25% de nouvelles infections dues au Delta. Actuellement, ce chiffre est estimé à 50%. A partir de la mi-juillet, le Delta dominera les événements épidémiologiques en Suisse.

Et ensuite?
Les prévisions sont difficiles, mais il a été prouvé, en Angleterre ou au Portugal notamment, que la transmissibilité du Delta est si élevée que de nouvelles vagues parmi les personnes non vaccinées sont possibles cet été. En tout cas, nous devons faire attention à ne pas nous retrouver avec une quatrième vague en Suisse.

Passerons-nous l'hiver sans restrictions majeures?
C'est vraiment entre nos mains maintenant. Nous disposons des vaccins les plus efficaces en quantité suffisante, ce dont nous n'osions même pas rêver jusqu'à récemment. Maintenant ce qu'il faut, c'est vacciner, vacciner, vacciner!

Les autorités visent un taux de couverture vaccinale de 80%.
Au moins. Avec le variant Delta, je pense qu'il serait bon qu'elle soit encore plus élevée. Surtout chez les plus de 50 ans.

Peut-on y arriver?
Je l'espère. Chaque personne qui se vaccine nous fait avancer. J'attends en particulier que les partis et les lobbyistes qui se sont toujours opposés avec véhémence aux mesures préconisent publiquement la vaccination. Ils ont maintenant le devoir d'aider la population suisse.


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